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Grands Maîtres


François-André Danican Philidor

Philidor le grand


François-André Danican Philidor, dit "Philidor le grand", est né en 1726 à Dreux. Il est mort en 1795 à Londres. Ce grand musicien français, initiateur de l'opéra comique, est plus connu aujourd'hui pour avoir été l'un des premiers théoriciens des échecs et le meilleur joueur du 18eme siècle.


Créateur de l'opéra comique

Philidor est le dernier rejeton d'une dynastie de musiciens célèbres. L'un de ses aïeux, le hautboïste Michel Danican, était admiré de Louis XIII. Son style lui rappelait celui du musicien italien Filidori. Philidor devint ainsi le surnom accolé à tous les membres de la famille, un second patronyme, même.  
François-André est lui aussi un musicien très doué, qui a produit son premier motet à l'âge de 12 ans. Sa carrière semble toute tracée, mais le très jeune Philidor, qui est attiré par certaines des idées des penseurs des lumières, s'attire des ennuis pour des propos concernant la liberté d'expression. Il passe deux semaines en prison. Rien de bien dramatique, mais il juge nécessaire de s'éloigner quelque temps. Il part pour la Hollande, avec une troupe de musiciens, puis s'installe à Londres en 1745.  
Philidor est apprécié par les anglais et les neuf ans qu'il passe dans le pays sont très profitables. Partisan d'une monarchie constitutionnelle, il a ses entrées à la cour d'Angleterre et fréquente nombre de grandes personnalités anglaises. Haendel, le plus grand musicien britannique de l'époque, aime ses œuvres musicales, teintées d'italianisme. Sa réputation de grand joueur d'échecs lui ouvre également de nombreuses portes. Mais la France lui manque et,  pressé par son ami Diderot, il y retourne en 1754.
Sur le plan musical, ce n'est pas un succès.  Philidor se voyait en Haendel français mais le public boude ses œuvres sacrées et sa carrière piétine. Jean-Philippe Rameau, qui n'aime pas non plus sa musique,  lui conseille de se tourner vers des formes plus populaires. C'est ce qu'il fait à regret, puis avec plus d'enthousiasme car ses créations dramatiques, d'une forme totalement nouvelle - l'opéra comique - rencontrent un énorme succès.
Le roi Louis XV lui octroie une pension. Tout va à peu près bien... jusqu'à la révolution de 1789. C'est une perturbation pour lui bien que ses idées républicaines, affichées depuis longtemps, le mettent à l'abri des plus gros soucis. Mais Philidor a gardé des liens forts avec l'Angleterre, où il se rend au moins une fois par an pour une durée d'un mois, financé par des sociétés d'échecs trop contentes de pouvoir le compter parmi-eux. Ce lien est mal vu par les nouveaux dirigeants français. Lors de son séjour de 1792, la Convention vote un décret le concernant. Il risque sa tête s'il retourne en France. Malgré de nombreuses démarches auprès des autorités françaises, il n'obtient pas le droit au retour qu'il espérait. Il meurt à Londres à 69 ans.


L'un des premiers professionnels des échecs

Au 18eme siècle, les échecs ne sont considérés que comme un passe-temps. On ne connaît aucune forme organisée de compétition, mais le jeu est beaucoup pratiqué à la cour et dans les milieux les plus éduqués. Initié très jeune, Philidor fréquente le plus haut lieu des échecs en France, le fameux café de la Régence. Il y rencontre le meilleur joueur français de l'époque, sire Antoine Kermur de Legall, qui devient son professeur.  Quelques années plus tard, l'élève dépasse facilement le maître…
En 1747, alors qu'il se trouve à Londres, Philidor  affronte le syrien Philippe Stamma, considéré comme le meilleur joueur du monde, dans un match de dix parties. Il en gagne huit, Stamma deux seulement. Sa légende est née. Les joueurs anglais se l'arrachent. Il devient membre du St. James Chess Club, l'institution des échecs la plus prestigieuse et la plus sélective d'Angleterre. Parallèlement à ses activités de musicien, Philidor devient, après Legall, le second professionnel des échecs de l'histoire: parties à enjeu, matchs divers et exhibitions - où il donne d'étonnantes démonstrations de jeu à l'aveugle -  lui procurent de substantiels revenus.


Grand théoricien

Philidor a été le plus grand joueur d'échecs de son temps mais aussi son plus grand théoricien. Dans "L'analyse du jeu des Échecs", publié en 1749, il jette les bases du jeu positionnel. Sa maxime "Les pions sont l'âme des échecs" est restée célèbre mais l'ouvrage dans son ensemble est une immense contribution qui a été lue par plusieurs générations de joueurs, dans les deux siècles suivants. Il contient la première théorie des ouvertures de l'histoire et aussi les premières études vraiment étayées sur les finales. Ses ouvertures ne sont plus considérées aujourd'hui comme performantes, la plupart de leurs variantes ayant été réfutées. Par contre, les conclusions de ses réflexions sur les finales n'ont jamais été remises en cause ; pas plus que les principes d'une bonne stratégie positionnelle, longuement exposés dans ce traité.


Le style : positionnel !

C'est de "L'analyse du jeu des Échecs", parties fictives comprises, que l'on déduit le style de Philidor car les parties que l'on connaît de lui sont très rares et ne sont généralement pas de celles qu'il aurait fallu conserver.  On peut en déduire sans trop de risque de se tromper que Philidor est la première incarnation du joueur positionnel. À l'opposé du style romantique qui sera la marque du siècle suivant, il annonce avec beaucoup d'avance Steinitz et le vingtième siècle. Il n'avait aucun appétit pour les attaques brutales et on ne le voyait jamais partir précocement à la chasse au roi adverse. C'était un attaquant à la Karpov, manœuvrant lentement, cherchant principalement à obtenir le gain d'un pion ou deux, tout en préservant une forte structure de pions.
Philidor était offensif surtout avec ses pions. Il évitait autant que possible d'avoir des pions isolés, arriérés ou doublés, cherchait à les garder en vie, en formation compacte, avec une prédilection particulière pour les phalanges de pions installées en position centrale. Il tentait systématiquement d'obtenir des pions passés dans l'espoir qu'une promotion en dame déciderait de l'issue de la partie.
S'il ne parvenait  pas à promouvoir un pion, Philidor poursuivait la partie en échangeant plus facilement des pièces, pions compris. Il arrivait en fin de partie où il pouvait tirer avantage de sa maîtrise des finales.


Jouer contre une simulation de Philidor ?


Il n'existait jusqu'ici aucune simulation de Philidor. Je suis donc heureux de vous en proposer une. Le grand maître français était un "attaquant-positionnel", style assez facile à reproduire avec Rodent IV. Le plus dur aura été d'obtenir un jeu de bibliothèques guide pour accompagner le profil. Voir "Philidor pour Rodent IV".



En savoir plus ?

Biographie de Philidor sur Wikipédia


Philidor dans la série "Top Chess Players" sur Chess.com : biographie, une partie commentée, ouvertures préférées et collection de 29 parties.



Howard Staunton

Le centre de gravité des échecs du milieu du dix-neuvième siècle


Ce maître d'échecs anglais, né en 1810 et décédé en 1874, était considéré comme le meilleur joueur du monde entre 1843 et 1951. Mais ce qui reste le plus connu de lui aujourd'hui est certainement le jeu de pièces standard dit "Staunton" et sa fuite supposée devant Paul Morphy. C'est faire peu de cas d'un apport théorique considérable et d'une contribution majeure à la promotion du jeu d'échecs.



Carrière échiquéenne

On ne sait pas grand-chose de la vie de Staunton avant 1936, date de son arrivée à Londres. Sa date de naissance exacte n'est pas connue avec certitude et on n'est même pas certain que Staunton soit son véritable patronyme. Il aurait fait un coquet héritage dont il ne restait rien lorsqu'il s'est établi à Londres. Il aurait eu une petite carrière d'acteur jouant notamment Lorenzo dans "Le Marchand de Venise", de Shakespeare. Ce qui est sûr c'est qu'il commence à faire parler de lui comme joueur d'échecs en 1836. Il a vingt-six ans et ne joue aux échecs que depuis cinq ans, se définissant lui-même un rook player, le joueur débutant ou le modeste amateur à qui on concède un avantage d'une tour. Mais il ne lui faudra que quelques années pour se hisser au sommet.

Le premier adversaire de taille de Staunton est le joueur gallois William Evans, dit "capitaine Evans", inventeur du gambit Evans, avec qui il joue de nombreuses parties en 1938. En 1841, il rencontre John Cochrane, un écossais au style typiquement romantique, très bon joueur, qui lui permettra de progresser dans la connaissance du jeu. Cochrane, avocat vivant en Inde, jouera des centaines de parties avec Staunton jusqu'à la date de son retour en Inde, en 1843.
Il faut se rappeler qu'à cette époque, les voyages coûtent encore cher et les compétitions ne sont pas vraiment organisées. On joue contre qui passe à sa porte et il ne s'agit pas toujours de joueurs de premier plan. Lorsque le joueur est moins fort, Staunton a coutume de lui concéder un avantage d'un pion et d'un ou deux coups d'avance. Pour s'entraîner, il peut aussi compter sur quelques bons joueurs anglais, tel Georges Walker, un passionné d'échecs, l'un des premiers chroniqueurs du jeu et joueur de très bon niveau lui aussi.


Tableau de Jean Henri Marlet : le match du 16 décembre 1843 à Londres entre Staunton et Saint-Amant.


Le fait est que son niveau de jeu est en forte augmentation. En 1843, sept ans après s'être lancé dans la compétition, c'est le meilleur joueur anglais et il est fin prêt pour affronter l'élite étrangère. Depuis Philidor, les français dominent les échecs et lorsque le plus fort d'entre-eux, Pierre Charles Fournier de Saint-Amant, arrive à Londres en 1843, Staunton ne laisse pas passer l'occasion. Il lui lance un défi qui est accepté. La première rencontre est un match en six parties que Staunton perd mais sans être écrasé : deux parties gagnées, une nulle et trois défaites. La seconde rencontre a lieu quelques mois plus tard à Paris, au café de la Régence, haut lieu des échecs français, devant un très nombreux public. Cette fois il obtient une victoire incontestable : +11 =4 -6. Staunton sera alors considéré comme le champion du monde, bien que le titre n'existe encore pas.

En 1844, Staunton se rend à nouveau à Paris pour le match revanche avec Saint Amant. Au cours de ce voyage, il contracte une pneumonie qui manque de l'emporter. Il s'en sort, mais le match est annulé. Plus grave, le joueur anglais ne se remettra jamais totalement, son cœur ayant subi des atteintes irrémédiables.
De 1845 à 1851, ses activités de compétiteur se ralentissent. Seuls faits d'armes vraiment remarquables, il bat Bernhard Horwitz et Daniel Harrwitz en 1846. C'est par contre l'époque où Staunton commence à déployer ses activités de chroniqueur et d'organisateur d'événements d'échecs. En 1851 doit avoir lieu à Londres la toute première exposition universelle et il se dit que c'est l'occasion rêvée pour organiser une grande compétition internationale à laquelle participerait l'élite mondiale des échecs. L'événement est un succès considérable. Une quinzaine de joueurs de classe internationale, dont Adolf Anderssen, sont présents. Staunton lui-même participe en tant que compétiteur. Mais il a présumé de ses forces. Épuisé par les tâches d'organisation, il n'est pas au mieux de sa forme en tant que joueur. Anderssen remporte le tournoi et Staunton se fait ravir la seconde place par son élève Elijah William. C'est un camouflet pour lui mais le tournoi de Londres se pérénnisera et deviendra pour longtemps la plus prestigieuse des compétitions d'échecs.
Par la suite, les résultats de Staunton déclinent, principalement en raison de sa mauvaise santé. En 1852, il doit renoncer à un nouveau match contre Adolf Anderssen. Il est trop faible pour voyager et la rencontre est reportée siné-dié. Elle n'aura jamais lieu. En 1853 il se rend en Belgique pour affronter von der Lasa, l'un des meilleurs allemands, mais abandonne au milieu du match en raison de palpitations cardiaques. Il paraît clair que le maître anglais n'a plus la forme nécessaire pour une activité de compétiteur de haut niveau...



Staunton chroniqueur, organisateur, théoricien

Dès 1840, Staunton a écrit des articles concernant le jeu d'échecs, d'abord pour le New Court Gazette puis pour le magazine British Miscellany. En 1841, il crée le Chess Player's Chronicle, magazine entièrement dédié aux échecs, qu'il alimente jusqu'à ce que l'hebdomadaire anglais The Illustrated London News lui propose d'animer une rubrique d'échecs dans ce prestigieux magazine. Durant plusieurs années il commente des parties, écrit des billets théoriques, publie chaque semaine un ou deux problèmes... Ses chroniques deviennent la référence mondiale en matière d'échecs et si la notoriété de Staunton en tant que joueur s'atténue, celle de Staunton journaliste et essayiste explose. Après le succès du tournoi de Londres, le centre de gravité des échecs mondiaux s'est déplacé en Angleterre et s'y maintiendra jusqu'en 1870. C'est à Staunton plus qu'à tout autre que les anglais le doivent.



Staunton était aussi un puissant théoricien qui a fait avancer considérablement la connaissance du jeu. Il a exprimé ses conceptions dans plusieurs livres importants, dont  The Chess-Player's Handbook, somme de plus de 400 pages d'analyse d'ouvertures et de fins de partie, publié en 1847.
Enfin, il a également joué un rôle important dans l'établissement d'une réglementation internationale des échecs. Il s'est rendu en Belgique en 1853 pour soumettre ses idées à, von der Lasa, représentant des échecs Allemands. Cela ne produisit pas immédiatement de résultats mais ses conceptions avancèrent et elles furent en grande partie reprises par la FIDE lorsque celle-ci fut créée en 1929.


L'affaire Morphy

En 1858, Staunton reçut du New Orleans Chess Club une invitation à venir affronter Paul Morphy aux Etats Unis. Staunton déclina poliment en donnant les raisons de son refus par lettre - situation qu'il évoqua aussi en termes identiques dans l'Illustrated London News : d'une part, il est retiré de la compétition depuis plusieurs années et n'est pas prêt pour un match de si haut niveau. D'autres part, il a signé avec un éditeur un contrat portant sur la rédaction d'une édition annotée en trois volumes des œuvres de Shakespeare pour laquelle un terme a été négocié. C'est un travail considérable, qui demande beaucoup de recherches. L'ouvrage a d'ailleurs abouti et a été salué comme un travail érudit et de grande qualité.
Quelques mois plus tard, Morphy traverse l'Atlantique et s'arrête à Londres, où il espère encore affronter Staunton. Il est assez unanimement admis que le joueur anglais a tout fait pour éviter le champion américain tout en laissant croire que le problème venait de ce dernier. La situation était en réalité un peu différente.  Le tort de Staunton aura été de ne pas s'en tenir aux arguments de sa réponse initiale. Celui de Morphy de ne pas les avoir entendus.

Lorsque le joueur américain arrive à Londres, il lance aussitôt un défi à Staunton qui refuse, mais en disant qu'il arrive trop tard. Morphy insiste et Staunton accepte finalement mais en demandant à Morphy de lui accorder un délai de quelques semaines. Il a besoin de se remettre à niveau et aussi de négocier un arrangement avec son éditeur. Le temps passe et Georges Walker, qui a pris Staunton en grippe, publie un article fielleux dans lequel il lui reproche de chercher des prétextes pour éviter la confrontation. Finalement Morphy et Staunton s'entendent sur une date en novembre 1858. Mais aussitôt après, l'Illustrated London News publie un billet signé "Anti-book" prétendant que Morphy n'a pas l'argent nécessaire pour participer au match. Le champion américain tente de lever l'ambiguïté et obtient les 500 livres nécessaires du New Orleans Chess Club. Il est fort probable que le billet d'Anti-book a été rédigé par Staunton lui-même. Et même si ce n'est pas le cas, le publier n'était pas des plus courtois.
Peu après, Staunton s'est rendu à Birmingham pour un tournoi à élimination directe qui tourne mal pour lui : il est éliminé au deuxième tour par Johann Löwenthal, un fort joueur hongrois. Il comprend alors qu'il n'a pas la capacité de mener les deux tâches de front : relever son niveau de compétiteur et terminer son Shakespeare dans les temps. Shakespeare est plus important. Dès lors, sa promesse devient un fardeau et il cherchera effectivement à la retirer.
Las d'attendre, Morphy a quitté l'Angleterre pour la France où il a battu facilement Daniel Harrwitz puis Adolf Anderssen. Il deviendra pour tous le nouveau champion du monde. La réputation de Staunton a été durablement abîmée, un peu injustement. Mais il a payé aussi une forme d'arrogance et de mépris hautain qui lui avait attiré beaucoup d'inimitiés.
On s'accorde généralement à dire que l'anglais n'aurait pas fait le poids devant Morphy. Mais s'il avait eu à affronter le Staunton de 1843, bien entraîné et en pleine forme physique...


Style et apport théorique

L'apogée de Staunton se situe en pleine époque romantique des échecs. La plupart des joueurs attaquent vite et férocement, échangent rapidement les pièces et avancent à un rythme élevé, à la recherche de combinaisons pour mater l'adversaire dans des positions généralement très ouvertes... Mais Staunton avait absorbé l'enseignement de Philidor, qu'il connaissait vraisemblablement très bien. Même s'il jouait de manière plus offensive et plus vive que le grand joueur français du 18eme siècle, il y avait dans son approche de l'échiquier une profondeur stratégique inconnue des romantiques de son temps. Ainsi, il n'attaquait pas immédiatement et affectionnait les débuts fermés, veillant à conserver aussi longtemps que possible une structure de pions solide. Très fort théoricien, il est toutefois allé plus loin que Philidor. Annonçant Steinitz, il a jeté les bases du contrôle central, notamment en préparant par l'ouverture la maîtrise du centre de l'échiquier. Il a inventé l'ouverture anglaise, début fermé qui sera beaucoup utilisé en compétition par la suite. Elle porte ce nom précisément parce qu'il a été le premier à la jouer contre Saint-Amant, en 1843. Il a aussi travaillé sur la notion de
de développement des pièces et conquête d'espace. Tout cela a d'ailleurs profité à Paul Morphy, qui avait étudié les parties du grand maître anglais et en avait tiré des leçons.
Staunton a été également le premier à jouer des ouvertures de flanc et à positionner ses fous en fianchetto. Mais cet apport là fut encore moins bien compris. Ignoré, notamment par Morphy et plus tard par Steinitz, il ne deviendra que 80 ans plus tard le b.a.-ba de l'école hypermoderne.


Jeu de pièces "Staunton"

En 1849 le designer Nathaniel Cooke élabora un jeu de pièces qu'il breveta et qui plaisaient beaucoup à Staunton. Il passa un accord commercial avec Cooke. Chaque boîte de pièces étaient signée "Staunton" et en échange, il touchait une redevance sur les ventes. Le grand maître anglais ne se priva pas d'en faire la promotion dans l'Illustrated London News. L'opération lui fut très profitable car le jeu de pièces devint un véritable standard, toujours massivement en usage aujourd'hui.



Un jeu de pièces "Staunton"

Jouer contre une simulation de Staunton ?


J'ai été assez surpris de réussir à rassembler plus de 770 parties de Staunton. J'ai pu en visionner un grand nombre et créer une série de bibliothèques guide pour accompagner une simulation de Staunton pour Rodent IV. Voir "Staunton pour Rodent IV"



En savoir plus sur Staunton ?

Bio de Wikipedia (version anglaise, plus complète)

Intéressante biographie sur Chessorb

Staunton sur British Chess news (bio, vidéos, parties commentées...)

Staunton Top Chess players de Chess.com (bio très succincte, une partie commentée, ouvertures préférées et collection de 310 parties)



Adolf Anderssen


La quintessence du style romantique

Adolf Anderssen est né en 1818 à Breslau, royaume de Prusse (aujourd'hui Wroclaw, en Pologne).  Il est mort à 1879, à 60 ans, dans la même ville, appartenant alors à l'Empire allemand.  Bien qu'étant resté un joueur amateur, il a été considéré comme le champion du monde des échecs officieux de 1851 à 1858 - le titre de champion du monde n'existant pas encore. Il est l'un des plus illustres représentants de l'école romantique.


Carrière échiquéenne

Anderssen a appris à jouer aux échecs à l'âge de neuf ans et a lu dans sa jeunesse tout ce qu'il a pu trouver sur les échecs. Il a publié, à 24 ans, un traité sur les finales qui lui a apporté une certaine notoriété. Mais sa démarche est restée celle d'un amateur. Il a donné la priorité à ses études et ce n'est qu'une fois installé dans la vie (il obtient un poste de professeur de mathématique à Breslau) qu'il recommence à jouer avec intensité. Il a déjà la trentaine.

<- Ci-contre, Anderssen vers 1860...

Son premier grand succès, il l'obtient en 1948 en faisant match nul (5-5) contre Daniel Harrwitz, l'un des meilleurs joueurs de l'époque. Mais c'est sa victoire au tournoi de Londres de 1851 qui en fait un joueur de premier plan. C'est l'épreuve la plus prestigieuse de l'époque et Anderssen y défait le plus gros de l'élite européenne: Lionel Kieseritzky, Szén, Wyvill et William Staunton, alors considéré comme le meilleur joueur du monde.

A son tour, Anderssen acquiert la réputation de champion du monde officieux. En 1858, l'américain Paul Morphy lui met cependant une claque monumentale, au cours d'un tournoi de 10 parties. Il n'en gagne que deux et obtient deux parties nulles. Le fait est : Morphy est bien plus fort. Mais après un tour de piste prodigieux, le champion américain disparaît du paysage et Anderssen reprend sa place de leader mondial. Il gagne à nouveau le tournoi de Londres en 1862, mais baisse sa garde. Il ne participe à aucun tournoi dans les cinq années suivantes. Et lorsqu'il affronte Steinitz en 1866, il n'est pas près. Le futur champion du monde ne l'écrase pas mais gagne tout de même assez nettement, avec huit parties gagnées contre six pour Anderssen. Il n'y a pas de partie nulle.
Par la suite, sa victoire la plus notable fut de remporter le tournoi de Baden-Baden, en 1870. Les 10 dernières années de sa vie ne seront pas très fécondes sur le plan des échecs. Bien que participant à de nombreuses compétitions de niveau mondial, il s'enfonça peu à peu dans les classements. Le temps des échecs romantiques était révolu, laissant la place aux échecs scientifiques et positionnels.



Style :  romantique, mais...

Adolf Anderssen est un joueur offensif aux brillantes combinaisons tactiques. A l'instar de la plupart des joueurs de son époque, son style était essentiellelment offensif et n'accordait que peu d'effort pour conserver une bonne défense et une position solide. Deux de ses lumineuses victoires sont devenues des classiques, sous les noms de "L'immortelle" et de la "Toujours jeune" (ou "La toujours verte").

Anderssen encore jeune (source et auteur inconnus) ->


Son style est cependant moins typiquement romantique qu'on ne le croit généralement. Quelques parties très brillantes montrent effectivement un Anderssen très vif, sacrifiant allègrement des pièces pour forcer le mat. Mais dans beaucoup d'autres parties, il avance avec une certaine prudence et fait preuve d'un jeu assez matérialiste, n'acceptant les échanges qu'avec parcimonie. Si d'aventure il accepte de sacrifier une pièce lourde contre une pièce légère ou un pion, cela signifie que son adversaire a beaucoup de soucis à se faire au sujet de l'issue de la partie.



Jouer contre une simulation d'Adolf Anderssen ?

C'est possible avec Chessmaster et Rodent.

Anderssen version Chessmaster 11


Il est possible aussi de jouer contre la simulation d'Anderssen accompagnant le moteur The King. Ce moteur ne fonctionnant en pratique qu'avec Arena, vous trouverez également deux bibliothèques au format abk d'Arena, une petite (18 1/2 coups) et une grosse (45 1/2 coups).

Anderssen version Rodent III de Pawel Koziol


La simulation Anderssen de Pawel Koziol pour Rodent III est toujours disponible. Télécharger le profil Adolf Anderssen pour Rodent III ?


Anderssen version Rodent IV de Rob Robinson

N'étant pas totalement convaincu par l'ancien profil de Rodent III, je suis parti de zéro pour en créer un nouveau, pour Rodent IV. Une fois n'est pas coutume. Si vous souhaitez en savoir plus sur cette version, notamment comment le profil a été constitué, voir la page "Adolf Anderssen pour Rodent IV".

Moteur Grand Maître Anderssen

Cette personnalité existe aussi sous la forme d'un "Moteur Grand Maître", moteur Rodent IV autonomisé avec la personnalité Anderssen, déclinée en 10 niveaux de force, de 1200 à 3000 Elo, et accompagnée d'un jeu complet de bibliothèques pour s'adapter à la force choisie.


En savoir plus ?

Fiche d'Anderssen sur Chess.com. Notice biographique détaillée (en anglais), huit parties commentées, sélection de parties (862), ouvertures les plus jouées...

Biographie d'Anderssen sur Wikipédia

La partie "Immortelle" commentée : Anderssen contre Lionel Kieseritzky en 1851

La "toujours jeune", partie commentée : Anderssen contre Jean Dufresne en 1852.


Cette célèbre partie est également proposée dans la collection "Parties mémorables" du jeu commercial Power Chess, désormais abandonware (et donc gratuit). La partie est commentée par la reine, l'une des personnalités du jeu.




Henry Bird

Le comptable magnifique


Henry Bird est né à Portséa, dans le Hampshire, en 1830. Il est mort à 77 ans en 1908. Il fut l'un des plus brillants joueurs britanniques de son époque mais les échecs n'étaient pour lui qu'un passe-temps. Il dirigeait un cabinet comptable qui l'absorbait beaucoup et le contraignit très souvent à mettre le jeu entre parenthèses.


Carrière échiquéenne

Bird a appris à jouer aux échecs en regardant des adultes jouer dans un café de Londres, alors qu'il n'avait que 10 ans. A 16 ans il était déjà un très bon joueur, fréquentant le Simpson's divan du quartier du Strand, l'un des hauts lieux des échecs londonien, au milieu du 19 eme siècle.
En matière de compétition, le premier fait marquant de sa carrière échiquéenne fut sa participation au tournoi international de Londres, en 1851. Il n'avait que 21 ans et ne fut pas classé mais y être invité était déjà en soi une performance. Par la suite, il gagna ce tournoi sous ses diverses formes, à trois reprises, en 1879, 1889 et 1891. Il remporta également un certain nombre de compétitions à l'étranger, notamment le tournoi de Gouda en Hollande, en 1880. Au tournoi de New York de 1876, Bird reçut le tout premier prix de beauté jamais décerné, pour une partie jouée contre James Mason.

En 1859, il fut l'un des cinq joueurs britanniques choisis pour affronter Paul Morphy, en visite à Londre. Le champion américain écrasa le champion britannique. Contre Steinitz, en 1866, il obtient de bien meilleurs résultats mais fut tout de même battu. Bird avait une époque de retard sur Morphy et deux époques de retard sur Steinitz, mais il resta néanmoins jusqu'à sa mort en 1908 l'un des meilleurs joueurs de son pays, continuant à jouer aux échecs "contre n'importe qui, n'importe quand, dans n'importe quelle condition."


Contribution aux échecs

En matière théorique, sa contribution a été modeste. Les livres qu'il a écrit sur les échecs sont loin d'être des œuvres majeures et sont largement oubliés, probablement parce qu'il est resté arc-bouté sur les vieilles habitudes romantiques et n'a pas compris la portée des transformations opérées par Steinitz et par nombre de joueurs plus jeunes dans son sillage. Il a même fait partie de ceux qui les ont condamnées, leur reprochant de rendre le jeu ennuyeux et sans beauté. Par sa pratique toutefois, il a beaucoup enrichi la connaissance des ouvertures, laissant à la postérité au moins deux lignes importantes : la fameuse "ouverture Bird": 1. f4 ;  et la "défense Bird" : 1.e4 e5 2.Cf3 Cc6 3.Fb5 Cd4.


Le style de Bird

Bird est typiquement un joueur du milieu du 19 ème siècle, très offensif, très mobile et préférant les jeux ouverts, concentré sur ses attaques et relativement peu intéressé par la sécurité de son roi ou la solidité de sa position. Il faisait peu de cas de la théorie et ne jouait pas toujours des ouvertures très solides, se fiant plutôt à son inspiration.  La beauté d'une partie comptait autant sinon plus que de la gagner. Bref, un romantique anglais !


Jouer contre une simulation de Bird ?

Chessmaster 10 et 11

Seul Chessmaster proposait jusqu'ici une simulation d'Henri Bird. Pour l'utiliser, installez le moteur The King de Chessmaster dans l'interface Arena et sélectionnez Bird dans la collection de GM proposée. Vous trouverez également sur cette page trois bibliothèques d'ouvertures obtenues à partir de jeux du vieux champion anglais (une petite, une moyenne, une grande, afin de s'adapter à des niveaux de force différents).

Bird pour Rodent IV

Depuis peu, vous pouvez aussi utiliser ma propre simulation de Bird pour Rodent IV. Le style romantique du grand joueur britannique y est, je l'avoue, un peu caricaturé mais ce "Bird", doté de bibliothèques d'ouvertures obtenues avec ses propres parties, sera certainement un sparring partner des plus amusants.

Voir "Bird pour Rodent IV" ?


En savoir plus sur Bird ?

La fiche biographique de Bird sur Wikipedia

La fiche de Bird sur Chess.com : notice biographique succincte, une partie commentée, ouvertures préférées, sélection de 514 parties.

La fiche biographique de Bird sur le site British Chess News



Paul Morphy

La plus brillante des étoiles filantes


Si l'appartenance de Paul Morphy à "l'école" romantique des échecs est discutable, la vie de celui qui a été presque malgré lui le meilleur joueur d'échecs de son temps sera  tout ce qu'il a de plus romantique.

Paul Morphy est né en 1837 à la Nouvelle Orléans, dans une famille bourgeoise et fortunée. Son père était juge à la Cour suprême de Louisiane et sa mère une pianiste renommée.  Il a appris les règles des échecs en regardant faire son père et lorsqu'il a commencé à jouer avec lui, il ne lui fallu que quelques semaines de pratique pour le battre à tous coups.
A l'âge de 10 ans il a affronté le célèbre général Winfield Scott, héros militaire aux brillants faits d'armes et proche conseiller du président Abraham Lincoln. L'évènement est bien connu: de passage à la Nouvelle Orléans, le général, qui se targuait d'être un excellent joueur d'échecs, a demandé à affronter un bon joueur local. Il a cru à une farce de mauvais goût quand on lui a présenté le jeune garçon timide en culotte courte. Le général a été déçu mais pas par les faibles forces du joueur. Première partie :  Winfield Scott est mis mat en 10 coups. La seconde partie ne lui a pas été beaucoup plus favorable. Le général aurait pris la fuite, mortifié.


Un joueur peu assidu

A 13 ans Morphy riduculisa le Hongrois Johann Lôwenthal (illustration ci-contre), venu aux Etats Unis en 1850 pour une série de matchs exhibitions. Lôwenthal était très fort en particulier pour jouer des parties à l'aveugle, c'est à dire en dictant les coups sans voir l'échiquier. Mais  Morphy était encore plus fort.
A ce qu'on sait, Paul Morphy pratiqua cependant très peu les échecs dans les années suivantes, se contentant de battre tous les joueurs de sa région et les maîtres de passage.  Il fit de brillantes études de droit, pendant lesquelles il ne joua pratiquement plus. Il obtint son diplôme bien avant l'âge habituel. Avec comme conséquence qu'il était trop jeune pour exercer professionnellement.  Selon la légende c'est ce qui ramena un Morphy désoeuvré aux échecs. Invité à participer au premier congrès américain, qui avait  lieu à New York en 1857, il gagna le tournoi et devint à 20 ans champion des États-Unis. On le pressa alors d'aller affronter les grands joueurs européens.


Champion du monde officieux

En Angleterre, en 1858, il défit  au cours de parties amicales tous les bons joueurs anglais, sauf le plus connu, Howard Staunton. On entend souvent dire que Staunton se défilait sans cesse, pour éviter une déculloté, tout en essayant de faire croire que le problème venait de Morphy. La réaliité était plus complexe : Staunton était très occuppé par la rédaction d'un important ouvrage sur Shakespeare et ne jouait plus depuis plusieurs années, en raison d'une santé très déficiente.


"The Exploits and Triumphs in Europe of Paul Morphy, the Chess Champion" / Edge, Frederick Milnes

Quoi qu'il en soit, Moprhy perdit patience et renonçant à affronter le joueur brtitannique. Il quitta l'Angleterre pour la France où il affronta Daniel Harrwitz, très fort joueur allemand. Après quelques débuts difficiles il reprit l'avantage et ne fit plus qu'une bouchée d'Harrwitz. C'est aussi à Paris, affaibli pourtant par une mauvaise grippe, qu'il battit très facilement Adolf Anderssen, considéré alors comme le meilleur joueur du monde. Beau joueur, Anderssen reconnu que Morphy était tout simplement meilleur que lui, en dépit de son jeune âge et de son inexpérience.  
Peu après, le champion américain, mordu d'Opéra, affronta dans une partie amicale le duc Charles II de Brunswick, aidé du comte Isouard dans la loge du duc, à l'Opéra de Paris. C'est la fameuse "partie de l'opéra", la plus célèbre de Morphy.

Bien que le titre n'exista pas encore et qu'il n'ait pas participé à une compétition en bonne et due forme, on avait coutume alors de parler de Morphy comme du "Champion du monde des échecs", ce qu'il était de fait. Les américains lui firent un triomphe lorsqu'il retourna au pays en 1858. Les échecs l'occuperont  encore un peu, à New York, jusqu'en 1860 puis il retourna en Louisiane et déclara à la surprise générale, qu'il abandonnait le jeu. Il prétendit qu'il s'agissait d'un loisir et non d'une occupation sérieuse. Il est vrai que les échecs avaient mauvaise réputation aux Etats Unis. Faisant l'objet de paris d'argent dans des lieux peu recommandables pour des gentilshommes, ils étaient à peine mieux considérés que le poker. Or, socialement, Morphy était très conformiste. Mais plusieurs psychologues virent plutôt dans cette décision un comportement d'échec - sans mauvais jeu de mot - qui avait davantage à voir avec son état mental.  



Quel héritage nous a laissé Paul Morphy ?


Il reprit le droit mais son opposition à la guerre de sécession ainsi que ses opinions anti-esclavagistes lui attirèrent beaucoup d'inimitiés et l'empêchèrent d'exercer. Il préféra fuir à Paris, en attendant que les choses se tassent. Il revint à la Nouvelle Orléans après la guerre civile, très déprimé. Son état mental était inquiétant. Déambulant dans le quartier français de la ville, il parlait à des personnes invisibles, fixait certaines femmes bizarrement et donnait des signes de délire de persécution et de paranoïa. Il mourut dans sa baignoire à 47 ans, officiellement  d'une attaque cérébrale. Mais la rumeur a laissé entendre qu'il pourrait s'agir d'un suicide.
Sa carrière internationale s'étend en tout et pour tout sur 18 mois. Mais malgré cette courte durée, la mauvaise volonté qu'il a mis à transmettre son savoir, son désir de ne pas contribuer à populariser les échecs, Paul Morphy aura tout de même influencé durablement la pratique du jeu. Morphy a parfois été qualifié de "premier joueur moderne".  C'est un qualificatif que l'on pourrait aussi accoler à Philidor ou à son contemporain beaucoup moins connu - mais plus novateur encore - Louis Paulsen. On ne risque pas de se tromper cependant en affirmant qu'il fut bien l'un des premiers joueurs modernes. En dépit d'un style indéniablement romantique, qui le pousse à écourter l'ouverture et à attaquer aussi vite que possible, son jeu repose aussi sur quelques grands principes stratégiques nouveaux ; parmi lesquels la nécessité de conserver autant que possible une bonne structure de pions et de développer rapidement les pièces afin de s'incruster au plus vite au centre de l'échiquier. Il annonce et inspire la génération suivante : Steinitz, Lasker, Tarrasch...



Paul Morphy,  Bobby Fischer: une malédiction américaine ?


Les américains n'ont eu dans toute leur histoire que deux champions du monde des échecs (si l'on veut bien considérer Morphy comme tel) et leur destin fut assez semblable. Bobby Fischer, champion du monde des échecs en 1972, a beaucoup de points communs avec Morphy, champion de 1858. Il s'agit bien sûr de coïncidences, mais elles sont étonnnantes. Tous deux ont été très jeunes champions des Etats-Unis, avant leur succès sur la scène internationale. Surtout, Morphy et Fischer étaient psychologiquement fragiles et affligés de bouffées paranoïaques. Alors qu'un immense boulevard s'ouvraient devant eux, l'un et l'autre ont abandonnés prématurément les échecs et ont basculé dans la psychose.


Jouer contre une simulation de Paul Morphy ?

Plusieurs possibilités s'offrent à nous :

Paul Morphy pour Chessmaster 10 et 11

Les dernières versions de Chessmaster proposent une simulation de Paul Morphy plus fine que celle du vieux Chessmaster 4000 et utilisant une bibliothèque d'ouverture dédiée. Si vous n'avez pas ce programme commercial, je vous conseille d'installer dans l'interface Arena la version UCI du moteur
The King de Chessmaster. Elle est accompagnée de 49 simulations de grands maîtres, parmi lesquels Paul Morphy. La personnalité est enrichie de deux bibliothèques d'ouvertures au format abk d'Arena.

Paul Morphy pour Rodent IV par Pawel Koziol


Alors que Morphy avait été "oublié" par Pawel Koziol pour Rodent III (ce qui m'avait poussé à développer ma propre simulation de Morphy pour ce moteur) il a comblé le manque en fournissant un Morphy très travaillé pour Rodent IV. Voir le profil commenté "Paul Morphy pour Rodent IV".

Paul Morphy pour Rodent III par Rob Robinson

Mon vieux profil Morphy pour Rodent III existe toujours. Je le regarde avec un peu de tendresse car c'est la première simulation d'un grand maître que j'ai réalisé avec Rodent. Il me semble qu'il reste d'actualité, bien que le Morphy pour Rodent IV soit plus fin.  La personnalité est proposée avec une bibliothèque guide que j'ai produite à partir des rares parties connues de Morphy.

Moteur Grand Maître Morphy

Cette personnalité existe aussi sous la forme d'un "Moteur Grand Maître", moteur Rodent IV autonomisé avec la personnalité Morphy de Pawel Koziol, déclinée en 10 niveaux de force, de 1200 à 3000 Elo, et accompagnée d'un jeu complet de bibliothèques pour s'adapter à la force choisie.


En savoir plus sur Morphy ?

Voici quelques pages utiles pour en savoir plus sur le champion américain :

Fiche biographique de Paul Morphy sur Wikipédia

Paul Morphy sur Chess.com : biographie succincte, trois parties commentées, ouvertures préférées, sélection de 377 parties de Morphy.

La partie "de l'Opéra" commentée : la fameuse partie entre Paul Morphy et le duo Duc de Brunswick associé au Comte Isouard, en 1858.

Cette célèbre partie est également proposée dans la collection "Parties mémorables" du jeu commercial Power Chess, désormais abandonware (et donc gratuit). La partie est commentée par la reine, l'une des personnalités du jeu.




Louis Paulsen

Un grand joueur méconnu

Louis Paulsen est né en 1833 à Blomberg, en Allemagne ;  il est décédé en 1891 dans une localité proche de cette même ville. Il a émigré aux Etats-Unis en 1954 mais fut bien avisé de ne pas prendre la nationalité américaine. Cela lui évita, en 1861, d'avoir à prendre part à la guerre de sécession. Il prit la prudente décision de retourner en Allemagne et clôtura ainsi définitivement sa période américaine.  
De 1860 à la fin des années 1870 il a été l'un des meilleurs joueurs du monde, avec un jeu incompris, à contre-courant des pratiques de l'époque. Il a également laissé un impressionnant héritage en matière d'ouvertures.



Peu de gens savent qui est Louis Paulsen même parmi ceux qui ont quelques connaissances de l'histoire des échecs. Rarement un grand joueur n'aura été aussi injustement oublié. Paulsen a été tout d'abord durant une bonne vingtaine d'années parmi les cinq ou six meilleurs joueurs du monde. Ce n'est pas rien. Il est juste de dire aussi qu'il a été un théoricien incroyablement fécond, inventant un grand nombre d'ouvertures - parfois des systèmes entiers. Beaucoup de ces ouvertures portent aujourd'hui les noms de joueurs qui les ont employées pourtant bien après lui. Enfin, et peut-être surtout, Paulsen avait soixante ans d'avance sur ses contemporains.  Alors qu'il vivait en pleine période romantique, que Steinitz venait à peine d'apparaître, il jouait déjà à la manière hypermoderne.

Avoir raison trop tôt a pour inévitable corollaire de n'être pas compris.  Mais Paulsen avait aussi d'autres faiblesses qui expliquent son effacement. C'était pour commencer un joueur très lent, qui pouvait prendre une heure entre deux coups. Sa progression sur l'échiquier paraissait aussi comme lente et défensive à l'excès, à une époque où le public n'attendait que les attaques brillantes et les coups fumants. Paulsen n'a donc jamais été très populaire. Autre faiblesse : introverti et effacé, il cherchait toujours le moyen d'esquiver les rencontres mondaines et les soirées durant lesquelles les autres joueurs d'échecs se rencontraient. Lorsqu'il ne pouvait y couper, on ne l'entendait guère s'exprimer. Cette timidité n'aidait pas à faire parler de lui.
Enfin, il n'a jamais rien écrit. Pas de traité, pas même un article ici ou là pour traduire sur papier ses conceptions avancées. Ses idées, ses découvertes, dissociées de son nom, ont pu ultérieurement être collectées dans ses parties par d'autres joueurs.



Carrière échiquéenne

Louis Paulsen et son frère cadet Wilfried ont émigré aux Etats-Unis en 1854 pour des raisons qui ont peu à voir avec les échecs. Rejoignant leur frère Ernst à Dubuque, dans l'Iowa, ils ont exploité un domaine agricole et un commerce de tabac. Les trois frères jouaient intensément aux échecs ; Wilfried était lui aussi un très fort joueur. Cela a pu compenser en partie le handicap que représentait pour Louis sa crainte des interactions sociales.
C'est aux Etats-Unis que Paulsen commence à émerger. Comme Philidor, qu'il admirait, Blackburne, Lôwenthal et Morphy, il maîtrisait le jeu à l'aveugle, en vogue à l'époque en raison de son aspect très spectaculaire. C'est au cours du premier congrès américain des échecs de New York, en 1857, qu'il fit la démonstration de sa maîtrise du jeu à l'aveugle, en affrontant cinq joueurs simultanément (plus tard, il mena jusqu'à 14 parties en même temps).


Premier congrès américain de New York - 1857 : Paulsen (à gauche), affronte Morphy (à droite).

Mais plus important, alors qu'il était inconnu du public, il arriva en finale du tournoi à élimination direct organisé pour l'évènement et ne fut battu que par Paul Morphy. Cela lui ouvrit les portes des grands tournois internationaux. Sa victoire à Bristol en 1861 et sa seconde place à Londres en 1862, l'une des plus importantes compétitions de l'époque (juste derrière Anderssen) ne seront que les premiers d'une longue série de remarquables résultats.
Après le retrait prématuré de Morphy, Anderssen redevint celui qui était considéré comme le meilleur joueur du monde. Paulsen l'affronta au cours de trois matchs où il fit mieux que se défendre : trois parties gagnées, deux nulles, deux perdues en 1862 ; cinq parties gagnées, une nulle, quatre perdues en 1876 ; cinq gagnées, une nulle et trois perdues en 1877...
Il gagna assez facilement les matchs contre plusieurs grands joueurs de l'époque : le baron Ignác Kolisch en 1861 (+7 -6 =18), Joseph Henry Blackburne (+3 =3) et Max Lange en 1863 (+5 -2), Gustav Richard Neumann (+5 =3 -2) en 1864…
Après 1880 ses résultats déclinèrent, en raison de la progression du diabète qui finira à avoir raison de lui, mais probablement aussi du fait l'apparition de l'horloge et des contraintes de temps.



Style de jeu : le premier hypermoderne

Paulsen, qui n'était pas un grand tacticien, ne pouvait pas égaler l'habilité de joueurs comme Morphy ou Anderssen. C'est probablement pourquoi il a compensé par d'importantes études théoriques qui l'ont conduit à déployer un jeu capable de contrer ces si brillants attaquants. Paulsen est allé plus loin que tout autre de son époque, en développant un style positionnel non pas à la manière de Steinitz, mais plutôt comme les hypermodernes, tels Nimzowitsch, qui ne feront leur apparition que soixante ans plus tard. On trouve ainsi dans ses parties les ouvertures latérales, les fous en fianchetto, le contrôle du centre à distance et le jeu d'attaque paradoxal (que j'appelle. "passif-agressif"), offensif mais d'abord préoccupé par une bonne défense privilégiant les mesures prophylactiques. Paulsen a également renouvelé l'emploi de la paire de fous, pour qui il avait bâti des ouvertures qui leur étaient mieux adaptées.



Grand théoricien des ouvertures

Paulsen avait besoin d'ouvertures nouvelles, adaptées à son style. Dans ce domaine, son apport est considérable. Il a particulièrement exploré la défense sicilienne, découvrant plusieurs variantes majeures dont celle qui porte son nom mais aussi d'autres qui sont attribuées à des joueurs beaucoup plus proches de nous. Ainsi la variante Schéveningue, appelée ainsi car elle a été jouée par Géza Maróczy et Max Euwe lors du tournoi de Schéveningue en 1923 ; ou la sicilienne dragon, baptisée en 1901 par le maître russe Fiodor Douz-Khotimirski. Ou encore la variante Kan, la variante Taimanov,  la variante Boleslavski…
Pour accompagner sa paire de fous, il a exploré le potentiel des fous en fianchetto et inventé la défense Est-Indienne, que les hypermodernes emploieront massivement à partir des années 1920. Aussi surprenant que cela puisse paraître, il est aussi l'inventeur de la défense Pirc, qu'il a joué pour la première fois au tournoi de Nuremberg de 1883. Ici, les noirs laissent les Blancs construire un fort centre de pions pour ensuite le miner à distance - concept typique de l'école hypermoderne.
On n'évoquera que brièvement ses variantes du gambit viennois, de l'ouverture écossaise, du gambit Evans et du gambit du roi..  


Jouer contre une simulation de Paulsen ?

Chessmaster propose dans ses versions successives une simulation de Paulsen qui me laisse perplexe. Alors que la fiche biographique indique que le joueur allemand "se distingue par l'accent mis sur la défense" et "qu'il préfère laisser l'adversaire affaiblir sa position", le paramètre "Attaquant / Défenseur" est calé sur -35, ce qui en fait un farouche attaquant. Exceptionnellement - car j'ai une grande confiance dans les simulations de Chessmaster - je ne conseillerai pas ce profil. D'autant que le système de programmation de Chessmaster est trop frustre pour rendre compte avec finesse d'un joueur aussi particulier que Paulsen. Je vous recommande plutôt celui que j'ai développé pour Rodent IV. Voir "Paulsen pour Rodent IV"



En savoir plus sur Paulsen ?

Paulsen sur Wikipédia


Paulsen sur Europe Echecs
: article un peu brouillon des plus intéressants avec cinq parties commentées (parfois par des grands joueurs contemporains de Paulsen)


Louis Paulsen "Top Chess Players" sur Chess.com : bio indigente, mais ouvertures préférées et sélection de 471 parties.




Johannes Zukertort


Le mythomane magnifique


Zukertort est né en 1842 à Lublin, ville située aujourd'hui en Pologne orientale qui était alors sous contrôle russe. Son père était un juif de religion protestante, situation très inconfortable pour la famille car les juifs chrétiens étaient très mal vus. C'est pourquoi les Zukertort ont émigré en Prusse voisine en 1855. Le jeune Johannes a fait ses études à Breslau où il aurait obtenu un diplôme de médecine et où il a rencontré Adolf Anderssen. De la suite de sa vie beaucoup reste sujet à discussion car Zukertort était un tantinet mythomane et l'on ne compte plus les histoires fantaisistes dont il s'est fait le héros. Une chose est néanmoins sûre et certaine : c'était un très grand joueur d'échecs.
Il est mort d'une hémorragie cérébrale à Londres, en 1888, à l'âge de 45 ans, miné par son échec face à Steinitz et probablement aussi par l'usage immodéré des opiacés.



Elève d'Anderssen


Zukertort avait 19 ans lorsqu'il a appris à jouer aux échecs. Il avait certainement des dispositions phénoménales pour arriver à un tel niveau de jeu en commençant aussi tardivement. Adolf Anderssen, qui, par chance, résidait lui aussi à Breslau, ne s'y est pas trompé. Prenant Zukertort sous son aile, l'entrainant durant plusieurs années, il réussit à en faire le joueur le plus fort d'Allemagne. Et bientôt l'un des tous meilleurs mondiaux. Lui-même a clairement été dépassé par son élève : en 1871 Zukertort a battu facilement Anderssen dans un match de sept parties : cinq gagnées, deux perdues, aucune nulle.



Carrière anglaise

En 1872, Zukertort s'installe à Londres, à la demande du St George Chess Club. Les anglais souhaitent qu'il affronte Steinitz pour le premier match de championnat du monde des échecs, qui a lieu la même année. Ils comptent sur lui pour barrer la route à l'autrichien, qui vit à Londres depuis 1866 et taille en pièces tous les joueurs britanniques - entre autres. La plupart des biographes disent que Zukertort a été naturalisé mais le fait n'est pas établi avec certitude. Par contre, il est évident que dans les diverses compétitions auxquelles il a participé, il portait bel et bien les couleurs anglaises.
Quoi qu'il en soit, la confrontation avec Steinitz tourne mal pour Zukertort, qui est littéralement écrasé : une partie gagnée, sept perdues, quatre nulles.
Néanmoins il ne se décourage pas et progresse encore. C'est un redoutable joueur de tournois. A Londres en 1872 il finit troisième derrière Steinitz ; premier à Cologne et second à Leipzig en 1877 ; premier à Paris en 1878, deuxième à Berlin en 1881... Et surtout premier à Londres en 1883, la compétition la plus prestigieuse du moment - où tous les meilleurs mondiaux sont présents. Il obtient 22 points sur 26, soit trois points de plus que Steinitz. Pour tous, il est évident que Zukertort et Steinitz sont les deux meilleurs joueurs du monde. Il faut les départager : en 1886, Steinitz remet son titre en jeu et choisit naturellement Zukertort comme challenger. Mais une fois de plus le polonais est facilement défait : +5 -10 =5.


Zukerort (à gauche) face à Steinitz, en 1886.

C'est la fin de sa carrière. Il ne se remet pas de sa défaite et sa santé décline rapidement. C'est un homme usé, qui souffre de rhumatisme, de problèmes rénaux et d'affections cardio-vasculaires. Certains commentateurs suggèrent que le manque d'endurance de Zukertort face à l'échiquier s'explique certes par ses faiblesses physiques mais surtout par les effets nocifs du laudanum, drogue, qu'il consommait en assez grande quantité. Ainsi s'expliquerait la perte des trois dernières parties du championnat de Londres en 1883, alors qu'il avait remporté 22 de ses 23 premiers jeux. Ou encore contre Steinitz en 1886 son effondrement soudain, après avoir dominé son adversaire dans un premier temps.
Mais si Zukertort à perdu, c'est probablement aussi parce que Steinitz avait une meilleure technique. Leur confrontation a simplement prouvé une fois de plus que la période romantique était bel et bien terminée.



Style : romantique tardif

Comme Anderssen, Zukertort était un très brillant tacticien qui jouait de manière très offensive et très mobile, sans avoir peur des combinaisons d'attaque compliquées. Il se rattachait clairement à l'école romantique, ce qu'on retrouve aussi dans son goût pour les sacrifices spectaculaires. Mais, c'était un romantique tardif ayant déjà assimilé quelques leçons de la nouvelle école d'échecs. Ainsi, comme Anderssen, il est économe de ses pièces s'il n'a pas trouvé une bonne raison de les sacrifier. Il cherche à rester bien implanté au centre et il s'avère moins ignorant des principes positionnels que les joueurs de la génération précédente. Il apprécie aussi les débuts de partie fermés ou semi-fermés, alors que la plupart des romantiques ne connaissaient que les parties ouvertes. Néanmoins, en milieu de partie, Zukertort retrouvait naturellement le rythme rapide des romantiques et leur préférence pour les positions très ouvertes.



Apport théorique

Du point de vue théorique, on ne peut pas dire que Zukertort aura été très inventif. Dans l'ouverture il ne sortait pas souvent des sentiers battus, sauf lorsqu'il jouait des débuts fermés. Et même encore, ce n'était pas un expérimentateur comme Steinitz. En bon romantique, il se fiait plutôt à son intuition. On retiendra surtout sa variante du système Colle, le système Colle-Zukertort, qui se caractérise par les coups : 1. d4 d5 2. Cf3 Cf6 3. e3 e6 4. Fd3 c5 5. b3 suivi de 6. Fb2 puis 7. Cbd2 et 8. O-O blanc. Le positionnement du fou de case noir en fianchetto sur la case b2 annonce le jeu hypermoderne.  



Jouer contre une simulation
de Zukertort ?


Zukertort version Chessmaster


Chessmaster 10 et 11 proposent une bonne simulation de Zukertort. Si vous ne disposez pas de ce logiciel, vous pouvez utiliser ma version UCI du moteur The King de Chessmaster. installez-le dans l'interface Arena et sélectionnez Zukertort dans la collection de GM proposée.


Zukertort pour Rodent IV

J'ai créé pour Rodent IV ma propre simulation de Zukertort, accompagnée d'un jeu de bibliothèques d'ouvertures obtenu avec 535 parties du grand joueur anglo-polonais. Voir "Zukertort pour Rodent IV".


En savoir plus sur Zukertort ?

Zukertort sur Wikipedia (version anglaise, plus complète)

L'article de British Chess News, le plus documenté et le moins susceptible de contenir des erreurs.

Zukertop, "Top Chess player" de Chess.com : biographie, six parties commentées, ouvertures préférées et sélection de 495 parties.



Blackburne Joseph Henry

La mort noire


Blackburne est né en 1841 à Manchester, en Angleterre. Il est mort en 1924, à 82 ans, à Londres. Il fut l'un des meilleures joueurs britanniques du 19 ème siècle.


Compétiteur et bateleur

Blackburne est venu tardivement au échecs (il n'a appris à jouer qu'à 18 ans), mais se révéla vite un joueur de grands talents. En 1869 il remporta le championnat d'échecs de Grande Bretagne (le Challenge Cup de la British Chess Association) et la notoriété acquise lui permit de devenir professionnel. Il gagnait sa vie en donnant des exhibitions, en particulier d'impressionnantes démonstrations de jeu en aveugle, mais aussi grâce à ses résultats de compétiteur de très haut niveau.
De 1870 à 1893 il participa à de nombreux tournois, en gagnant un certain nombre et se maintenant facilement dans l'élite mondiale des échecs. Il était cependant un petit cran en dessous des meilleurs de son époque, Steinitz et Lasker. Certainement pas pour cause de capacités inférieures mais surtout parce qu'il faisait parti de ceux qui rejetaient les enseignements de Steinitz et de la jeune génération des joueurs d'échecs. S'il les avait intégré, il serait devenu le Kasparov de l'époque - et probablement le champion du monde. A condition toutefois qu'il s'impose une discipline de vie et de travail que son tempérament le poussait à fuir.
Après 93, ses résultats déclinèrent doucement mais il resta un joueur très populaire dans son pays.


Aucun apport théorique

Blackburne n'a pas contribué à enrichir la science des échecs. Il n'a mis à jour aucune ligne d'ouvertures nouvelle et n'a publié qu'un seul livre sur les échecs, de faible intérêt théorique. La fameuse "Blackburne-Shilling Gambit" n'est qu'un piège facile pour gagner contre des joueurs faibles, certainement pas une ouverture de haut niveau. Il n'est d'ailleurs même pas sur qu'elle puisse être attribuée à Blackburne.


Style de jeu : la "mort noire"

Blackburne est le pur représentant de l'école romantique, version britannique, tout autant "joueur de bistrot" et bateleur que compétiteur mondial. Aussi tacticien qu'Anderssen, mais encore plus agressif et encore moins préoccupé que lui par sa défense et par la solidité de sa position, le joueur britannique gagnait souvent grâce à ses combinaisons complexes et brillantes - celles qui font les prix de beauté pour la postérité et l'avaient fait surnommer "la mort noire" (son nom et son inquiétante barbe noire y étaient aussi pour quelque chose). Mais ce style déséquilibré lui faisait perdre également beaucoup de parties, trop contre l'élite de l'époque, mieux armée que lui sur le plan théorique.


Jouer contre une simulation de Blackburne ?

Chessmaster 10 et 11

Chessmaster et son moteur The King proposait une bonne approximation pour Blackburne. Si vous souhaitez l'utiliser, téléchargez The King depuis mon site et installez-le dans l'interface Arena, avec au moins une des trois bibliothèques d'ouvertures que j'ai générées pour lui.

Blackburne pour Rodent IV

Après avoir développé la simulation de Bird, il m'a semblé naturel de simuler Blackburne avec Rodent IV, un romantique encore plus sauvage que "Bird". Le profil est bien sûr doté de bibliothèques formées des ouvertures de Blackburne, pas toujours géniales...

Voir "Blacburne pour Rodent IV" ?


En savoir plus sur Blackburne ?

La fiche Wikipedia de Blackburne

Blackburne sur Chess.com : biographie succincte, une partie commentée, ouvertures préférées et collection de 1263 parties de Blackburne.



Wilhelm Steinitz

Le dynamiteur de l'ère romantique


Né en 1836 à Prague, Empire d'Autriche, mort en 1900 à New York à 64 ans. Ce joueur d'échecs autrichien, naturalisé américain en 1888 (à cette occasion, il changea officiellement son prénom en William) a été le premier champion du monde officiel des échecs en 1886, titre qu'il conservera jusqu'en 1894. Il fut également le premier joueur à étudier scientifiquement le jeu d'échecs, afin d'en dégager des règles générales. À ce titre, il est considéré comme le père des échecs modernes.



Premier champion du monde

Bien qu'il ait presque le même âge que Paul Morphy, Steinitz ne commence sa carrière aux échecs qu'en 1859, au moment où le génial joueur américain arrête la sienne. Il participe trois fois de suite au championnat de Vienne et termina 3eme, puis 2eme puis premier en 1861. Des débuts prometteurs...
Steinitz s'installe en Angleterre en 1862. En 1866, il bat Adolf Anderssen à Londres, alors considéré comme le plus fort joueur d'échecs du monde. Cela lui apporte une très grande notoriété mais ses résultats en tournoi sont moins bons. Il s'affirmera véritablement en 1872, en gagnant le prestigieux championnat de Londres, et en 1873, en remportant  à nouveau le championnat de Vienne, où, fait marquant, il écrasa Joseph Blackburne par 7 victoires à 0. Au cours de ce tournoi, il appliqua à fond les principes positionnels qu'ils avait mis à jour par ses études. Ce moment est considéré par beaucoup aujourd'hui comme l'acte de décès de l'ère romantique.


En 1883 il quitte l'Angleterre pour les Etats Unis et commençe à rédiger des articles théoriques, qu'il publie notamment dans sa propre revue, "The International Chess Magazine".  En 1886 il bat Johannes Zukertort par 10 victoires à 5 (et 5 nulles) et devint officiellement le premier champion du monde d'échecs.
Le champion ayant à cette époque la possibilité de choisir lui-même son challenger, Steinitz porte son choix sur le Russe Mikhail Tchigorine qu'il élimine en 1889 à La Havane par 10 victoires à 7 et une nulle. En 1890 c'est le Hongrois Isidor Gunsberg, qu'il défait toutefois avec beaucoup de difficulté. Enfin, en 1894, il remet son titre en jeu en acceptant d'affronter Emanuel Lasker. Il perd contre le joueur Allemand par 5 victoires à 10 et 4 nulles. La revanche contre Lasker, en 1896, est encore plus cruelle, Steinitz étant cette fois véritablement écrasé.
L'ancien champion du monde décline physiquement et il abandonne définitivement la compétition en 1899. Il meurt à New York l'année suivante, seul et dans la misère.  



Style de jeu : positionnel et défensif mais capable d'attaques foudroyantes

Steinitz apparaît en pleine période romantique des échecs et joue dans les premiers temps un peu comme tout le monde, c'est-à-dire de manière très offensive sans trop de soucis pour la position. Mais au fur et à mesure que son expérience grandit, ses conceptions théoriques s'affirment et son jeu devient plus positionnel. Rappelons qu'il a été le premier à formaliser sur le plan théorique les principes de base de ce style de jeu.
Sa manière de jouer reste cependant dans un entre-deux. Il accordait beaucoup plus d'importance à la qualité de la position que les autres joueurs de son époque et il jouait en défense, avançant avec prudence et préférant les débuts de partie fermés. Il accordait une grande importance au controle central, à la protection de son roi et préparait ses pions à passer, dans l'espoir d'une promotion. Mais il était aussi un capable de monter de brillantes combinaisons tactiques et d'attaquer durement. Simplement, il s'imposait d'attendre d'avoir une nette supériorité positionnelle avant l'offensive. Cette manière de jouer prudente et méthodique - donc plus fade que celle des grands maitres romantiques - fut sévèrement critiquée. Il n'est pas toujours facile d'être en avance sur son temps !


Photos : en haut, portrait de Wilhelm Steinitz (date exacte, lieu et auteur inconnu, mais le cliché est avec certitude d'avant 1900) / Ci-dessus, la plaque érigée à Pragues en l'honneur de Steinitz.



Jouer contre une simulation de Steinitz

Nous n'avons que l'embarras du choix :

Steinitz version Chessmaster 10 et 11

Steinitz était naturellement l'une des personnalités proposées avec le programme Chessmaster. Vous pouvez le lancer en installant dans l'interface Arena la vieille version du moteur  The King de Chessmaster, que je propose sur ce site.

Steinitz "Moteur GM" de Lucas Chess

Lucas Chess propose un profil "Steinitz" dans sa série des "Moteurs GM".

Steinitz version Rodent III et IV, de Pawel Koziol

Pawel Koziol a développé une simulation de Steinitz pour accompagner Rodent III. Elle peut toujours être utilisée avec cette version du moteur.


Télécharger le profil Wilhem Steinitz pour Rodent III ?

Ce profil
ne pouvant fonctionner avec Rodent IV, je l'ai adapté à l'ultime version du moteur de Pawel Koziol. Voir : "Steinitz pour Rodent IV ?"

Moteur Grand Maître Steinitz

Cette personnalité existe aussi sous la forme d'un "Moteur Grand Maître", moteur Rodent IV autonomisé avec la personnalité Steinitz, déclinée en 10 niveaux de force, de 1200 à 3000 Elo, et accompagnée d'un jeu complet de bibliothèques pour s'adapter à la force choisie.


En savoir plus sur Wilhelm Steinitz ?

Biographie de Steinitz sur Wikipédia

Steinitz sur Chess.com : biographie, cinq parties commentées, ouvertures préférées, sélection de 946 parties.

Steinitz vs Curt von Bardeleben, Hastings, 1895 :
Cette célèbre partie est proposée dans la collection "Parties mémorables" du jeu commercial Power Chess, désormais abandonware (et donc gratuit). Elle est commentée par la reine, l'une des personnalités du jeu.



Siegbert Tarrasch

Le professeur de l'Allemagne

Siegbert Tarrasch est né en 1862 à Breslau, Allemagne. Il est mort en 1934 à Munich, à l'âge de 72 ans. Il a été l'un des meilleurs joueurs d'échecs de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle, ainsi qu'un brillant théoricien.



Il passe à côté du championnat du monde

A la fin de ses études de médecine en 1880 Siegbert Tarrasch exerce comme médecin. Les échecs ne sont pour lui qu'un loisir mais il y consacre beaucoup de temps. A partir de 1883, il remporte tournois sur tournois : Nuremberg en 1883, Breslau en 1889, Dresde en 1892 et Leipzig en 1894, puis le congrès britannique de Manchester en 1890...

<- Photo : Docteur Siegbert Tarrasch, 1908.

Il est incontestablement l'un des plus forts joueurs mondiaux, mais en 1893, il échoue à battre Mikhail Tchigorine contre qui il fait match nul  (9 victoires, 9 défaites et 4 parties nulles). Et, pour des raisons professionnelles, il ne peut répondre favorablement à une proposition de jouer pour le titre mondial contre Wilhelm Steinitz, qu'il a pourtant déjà battu trois fois. L'année suivante, il refuse d'affronter Emanuel Lasker. Il ne le prend pas suffisamment au sérieux et celui-ci devient alors le 2eme champion du monde, après avoir battu Steinitz aux Etats Unis. Enfin, en  1896, il ne participe pas au tournoi de Saint-Pétersbourg qui réunissait les meilleurs joueurs du monde : Lasker, Pillsbury, Steinitz et Tchigorine. En laissant passer d'aussi nombreuses occasions, Tarrasch s'est condamné lui-même à ne jouer que les seconds rôles, dans la course au titre mondial.  Lorsqu'enfin il affronte Lasker pour le championnat du monde de 1908, il est trop tard, sa chance est passée : Lasker le bat très facilement. Par la suite, ses résultats ont décliné doucement. Son dernier fait d'armes un tant soit peu remarquable fut une modeste 5eme place au tournoi de Saint-Pétersbourg de 1914.



Style et apport théorique

Sur le plan du style, Tarrasch est un attaquant agressif et très mobile, avec une préférence marquées pour les lignes ouvertes et le contrôle central mais n'ignorant pas les principes positionnels. Grand théoricien des échecs, il a écrit plusieurs livres majeurs, dont le "traité pratique du jeu d'échecs". Il a développé les idées positionnelles de Steinitz : contrôle du centre, bonus à la paire de fous, avantage spatial... Ce qui l'a fait passer souvent pour un théoricien de l'école classique, alors que ses idées étaient assez modernes. Par exemple, il attachait beaucoup plus d'importance à la mobilité des pièces que Steinitz et a toujours mis en garde contre la peur excessive des faiblesses structurelles, héritant de ce qu'il y avait de meilleur dans l'école romantique.
Ses conceptions ont diffusé largement dans les milieux échiquéens, amateurs comme professionnels. Le grand maître allemand avait cependant une manière péremptoire de présenter ses idées et faisait preuve d'une auto-satisfaction excessive qui l'a fait passer pour un dogmatique et lui a valu d'être la tête de turc des tenants de l'école hypermoderne - en particulier d'Aaron Nimzowitsch, avec qui il eut une relation très conflictuelle. Il était en réalité plus proche des hypermodernes que ceux-ci ne voulaient bien le reconnaître. L'analyse de ses parties en témoigne. Son jeu dynamique ressemble plus à celui de Bobby Fischer qu'à celui de Steinitz.


Jouer contre une simulation de Tarrasch ?



Tarrasch version Chessmaster 10 et 11


Un profil "Tarrasch" était proposé depuis Chessmaster 4000. Avec les dernières versions de la franchise Chessmaster, il a beaucoup gagné en finesse. Vous pouvez le lancer en installant dans l'interface Arena une vieille version du moteur The King de Chessmaster, téléchargeable sur ce site, et en lançant le profil Tarrasch.

Tarrash pour Rodent III et Rodent IV de Pawel Koziol

Tarrasch était l'une des personnalités GM de Pawel Koziol disponibles pour Rodent III.

Télécharger le profil Tarrasch pour Rodent III ?

Ce profil ne pouvant pas fonctionner avec la dernière version du moteur Rodent, je l'ai adapté à la version IV de Rodent. Voir : "Tarrasch pour Rodent IV ?".

Moteur Grand Maître Tarrasch

Cette personnalité existe aussi sous la forme d'un "Moteur Grand Maître", moteur Rodent IV autonomisé avec la personnalité Tarrasch, déclinée en 10 niveaux de force, de 1200 à 3000 Elo, et accompagnée d'un jeu complet de bibliothèques pour s'adapter à la force choisie.


En savoir plus sur Tarrasch ?

Biographie de tarrasch sur Wikipédia

Tarrasch sur Chess.com : biographie, six parties commentées, ouvertures préférées, sélection de 1014 parties.



Mikhaïl Tchigorine

L'inspirateur de l'école russe


Mikhaïl Ivanovitch Tchigorine* est né en Russie, près de Saint-Pétersbourg, en 1850. Il est mort à Lublin, actuellement en Pologne, en 1908. Il fut le premier joueur russe de renommée internationale et un théoricien majeur des échecs.


Carrières échiquéenne

Fait rarissime chez les grands joueurs d'échecs, Tchigorine n'a appris à jouer que tardivement, à 16 ans, et n'a commencé à jouer sérieusement qu'à 25 ans. Il s'avéra néanmoins vite être un joueur exceptionnel et ne tarda pas à devenir professionnel. A trente ans, il était le plus fort joueur russe.
Sa carrière s'internationalisa à partir de 1881. Cette année-là, il finit troisième du tournoi de Berlin. En 1883 il obtient la quatrième place du tournoi de Londres, derrière Zukertort, Steinitz et Blackburne. Ce n'est pas un classement phénoménale, mais le tournoi de Londres était le plus prestigieux de cette époque. Cette quatrième place signa son appartenance à l'élite mondiale des échecs de la fin du 19eme siècle.
Tchigorine resta plusieurs années parmi les cinq meilleurs mondiaux. Il ne réussit pas à conquérir le titre mondial mais n'en fut pas très loin. Il disputa deux matchs contre Steinitz pour le championnat du monde, le premier en 1889 et le second en 1892. Il ne s'est pas ridiculisé et le résultat de la seconde rencontre sera même assez serré. Mais le grand maître russe ne réussit pas à faire la différence. En 1893, il fit match nul contre Tarrasch, ce  qui ne lui permit pas de prétendre à la succession de Steinitz. Finalement Tarrasch dut renoncer à affronter Steinitz pour cause d'empêchement professionnel et c'est Lasker qui remporta le titre.
Après 1896, ses résultats à l'international s'affaiblirent. Probablement en raison de la progression de la maladie qui viendra à bout de lui 10 ans plus tard.


Tchigorine théoricien et pédagogue

Très bon pédagogue, Tchigorine écrivait régulièrement sur les échecs pour diverses publications ou pour sa propre revue et donnait beaucoup de conférences. Non seulement il a été le premier grand maître international russe mais il est aussi considéré comme l'inspirateur de l'école russe des échecs, laquelle deviendra soviétique, avec le succès que l'on sait. Sa contribution à la science des échecs est très importante, mais n'a été reconnue que bien après sa mort. On lui doit de très nombreuses ouvertures, toujours pratiquées à haut niveau. Il a élaboré par exemple plusieurs variantes majeures de l'espagnol et de la défense sicilienne. On lui doit également l'amélioration des théories sur le contrôle des cases centrales.

Ci-contre, Tchigorine photographié en 1908,
quelques mois avant sa mort =>.



Style de jeu : romantique tardif

Comme nombre de joueurs de son époque, Tchigorine est un attaquant au style très tactique, adepte du gambit Evans et sacrifiant facilement ses pièces. Mais ce tempérament agressif s'accompagne d'une bonne maîtrise du jeu positionnel. Même s'il reste en général assez peu attentif à la préservation d'une bonne structure de pions, il peut aussi camper solidement en défense, si cela s'avère nécessaire. Les faiblesses structurelles sont connues et tolérées en contrepartie de l'initiative.  Ses combinaisons tactiques et ses ouvertures atypiques ont laissé de très belles parties, étudiées dans de nombreux livres et articles. Elles ont fortement inspiré l'école russe des échecs, qui reprendra l'essentiel des enseignements de Steinitz et de Tarrasch mais en prônant plus de souplesse dans le choix des contraintes et un équilibre entre soucis positionnels et esprit offensif plus favorable à ce dernier. Beaucoup de grands joueurs de l'époque soviétique lui devront beaucoup.


Jouer contre une simulation de Tchigorine ?

Tchigorine de Chessmaster 10 et 11


Seul Chessmaster proposait jusqu'ici une simulation de Mikhaïl Tchigorine. Si vous n'avez pas ce programme, il vous suffira de lancer le moteur The King version UCI depuis l'interface Arena et de sélectionner le profil "Tchigorine" dans la liste des 49 personnalités proposées.  Sur la page  consacrée au moteur de Chessmaster, vous trouverez également un lien pour télécharger trois bibliothèques d'ouvertures "Tchigorine" au format d'Arena.

Tchigorine pour Rodent IV

Le jeu romantique tardif de Tchigorine est facile à imiter avec Rodent IV. J'ai donc développé une personnalité du vieux maître russe ainsi qu'un jeu de bibliothèques guide pour ce génial moteur programmable. Voir "Tchigorine pour Rodent IV".


En savoir plus sur Tchigorine ?

Biographie de Mikhaïl Tchigorine sur Wikipedia


Tchigorine sur Chess.com : biographie, six parties commentées, ouvertures préférées, sélection de 912 parties.



* On trouve souvent le nom avec l'orthographe "Chigorin" ou encore "Tschigorin"...



Frank Marshall

Le dernier des romantiques

L'américain Frank James Marshall est né à New York en 1877. Il est mort en 1944 à Jersey City, à 67 ans. Il fut l'un des plus forts joueurs du début du vingtième siècle, remportant quatre médailles d'or par équipe et une médaille d'or individuelle lors des olympiades d'échecs de 1931 à 1937.


Le meilleur américain et le dernier romantique


Frank Marshall fut du début du siècle jusqu'en 1935 le meilleur joueur américain. Sa faiblesse était de s'accrocher à l'époque romantique des échecs, alors que l'heure n'était plus vraiment à l'épique. Il avait un sens aigu de la tactique et des combinaisons gagnantes, ce qui compensait, jusqu'à un certain point,  ce qu'il y avait de dépassé dans sa technique. Pas suffisamment toutefois pour vaincre les grosses pointures de son époque,  Emanuel Lasker et  José Raùl Capablanca. Leur science positionnelle a rendu le jeu de Marshall inefficace. Il n'en reste pas moins vrai qu'à part Lasker et Capablanca, il a vaincu la plupart des grands maîtres de l'époque. Si Marshall a conservé une certaine notoriété jusqu'à nos jours c'est pour ce palmarès et parce qu'il a été à une époque le meilleur américain mais pour plusieurs de ses partiest devenus des classiques, des oeuvres d'art belles à regarder.

Photo : Frank James Marshal, 1904 (auteur inconnu - Oxford and Dilhoff)


Style romantique tardif


Joueur fortement agressif, Marshall affectionnait les gambits et la prise de risque, avançait à un rythme élevé. C'était un maître en tactique, dont les combinaisons pouvaient être époustouflantes, mais sa défense restait assez faible et sa position souvent peu solide
. La plupart des joueurs de l'élite échiquéenne étaient déjà passés à un style de jeu beaucoup plus positionnel, qui ennuyait beaucoup Marshall. L'américain aimait que ça bouge, qu'il se passe quelque chose. Mais après 1920, il a du mettre de l'eau dans son vin à son tour et son jeu est devenu plus mesuré. On l'a vu jouer l'ouverture du pion dame et recourir fréquemment à la Caro-Kann ou à la défense indienne. Un romantique tardif... tardif.


Jouer contre une simulation de Marshall ?

Plusieurs possibilités :

Marshall version Chessmaster 10 et 11


Une personnalité "Marshall" est proposée avec les dernières versions de la franchise Chessmaster (9, 10 et 11). Si vous n'avez pas ce programme, vous pouvez toujours lancer le profil Marshall en installant dans l'interface Arena une vieille version du moteur The King de Chessmaster, que vous pouvez télécharger sur ce site.

Marshall version Rodent III et IV

Pawel Koziol propose depuis plusieurs années une simulation de Frank Marshall pour Rodent III.


Télécharger le profil Marshall pour Rodent III ?

L'auteur ne propose pas de bibliothèque guide spécifique pour le grand maître américain. Je vous suggère de télécharger mon petit livre guide Marshall.bin, obtenu à partir d'une sélection d'environ 700 parties du champion américain.

Ce profil ne pouvant fonctionner avec la dernière version de Rodent, je l'ai adapté pour que cela soit possible. Voir à ce sujet : "Frank Marshall pour Rodent IV".

Moteur Grand Maître Marshall


Cette personnalité existe aussi sous la forme d'un "Moteur Grand Maître", moteur Rodent IV autonomisé avec la personnalité Marshall, déclinée en 10 niveaux de force, de 1200 à 3000 Elo, et accompagnée d'un jeu complet de bibliothèques pour s'adapter à la force choisie.


En savoir plus sur Frank Marshall ?

Biographie de Marshall sur Wikipédia

Marshall sur Chess.com : biographie, six parties commentées, ouvertures préférées, sélection de 1439 parties.


Levitski - Marshall, Breslau, 1912 : une partie célèbre, l'un des plus beaux sacrifices de dame de l'histoire des échecs.  



Pillsbury Harry Nelson

Un potentiel champion du monde disparu trop vite


Né en 1872 à Somerville, dans le Massachusetts, le grand maître américain Harry Nelson Pillsbury était de l'étoffe qui font les champions du monde. Malheureusement, son parcours a été entravé par la forme sévère de la Syphilis dont il souffrait et qui l'a emporté à 34 ans, en 1906. Mais si sa carrière a été brève, elle a été fulgurante et brillante.


Carrières échiquéenne

Pillsbury n'a appris à jouer aux échecs que tardivement, à 16 ans, mais à peine deux ans plus tard, il faisait déjà parler de lui. Son premier exploit vraiment marquant fut de battre Steinitz, à New York, en 1892 ; le champion autrichien lui avait concédé un avantage d'un pion mais cela lui apporta néanmoins beaucoup de notoriété et le décida à devenir joueur d'échecs professionnel.

Le club d'échecs de Brooklyn financa son voyage en Grande Bretagne pour le tournoi d'Hastings de 1895 où, à 22 ans, il réussit à battre l'élite mondiale des échecs, notamment Mikhaïl Tchigorine, Siegbert Tarrasch, l'ex-champion du monde Wilhelm Steinitz et le champion du monde en titre Emanuel Lasker.

Dans la foulée, il participa au tournoi de Saint-Pétersbourg, qui eut lieu quelques mois plus tard, et c'est là que les premiers symptômes de la maladie apparaîtront. Au milieu du tournoi, alors qu'il était en tête de classement, il souffrit de violentes céphalées. Ses résultats s'effondrèrent. Il finit troisième derrière Lasker et Steinitz. S'il avait gagné ce tournoi, comme cela semblait prévisible, Lasker n'aurait sans doute pas pu éviter d'affronter l'américain pour le titre mondial.

Pillsbury continua à jouer à très haut niveau, mais la maladie l'empêcha d'être au mieux de ses capacités. Alors qu'il semblait en mesure de battre les plus forts joueurs de l'époque, Lasker, Steinitz et Tarrasch, ses résultats devinrent moins brillants. En 1998, il termina second au départage du tournoi de Vienne. Puis deuxième au tournoi de Paris en 1900 et encore deuxième du tournoi de Munich, la même année.
Les progrès de la maladie l'éloignèrent des compétitions internationales mais Pillsbury continua à jouer dans son pays. Champion des Etats Unis depuis 1897, il conserva le titre jusqu'à sa mort en 1906.


Style de jeu

Pillsbury était un joueur très offensif qui déployait un jeu vif et tactique, sans pour autant méconnaître les principes d'une bonne stratégie positionnelle. Néanmoins, il était moins à l'aise dans les finales ou lorsque les parties s'éternisaient dans un jeu lent et défensif. Ce sont des faiblesses qu'il aurait probablement pu corriger, s'il en avait eu le temps.
En matière d'ouvertures, il a popularisé le gambit de la dame et ses variantes ; il a beaucoup joué également les ouvertures espagnoles.



Jouer contre une simulation de Pillsbury ?

Chessmaster 10 et 11

Chessmaster ne pouvait pas manquer de proposer une simulation d'Harry Nelson Pillsbury. On préfèrera bien sur le profil qui accompgane CM 10 ou 11, le plus abouti. Si vous ne disposez pas de cette célèbre franchise d'échecs, vous pouvez lancer une version UCI du moteur The King de Chessmaster et sélectionner le profil Pillsbury parmi les 49 profils de grands maîtres proposés avec le moteur. Vous trouverez également sur cette page une collection de trois bibliothèques d'ouvertures construites à partir des parties du champion américain.

Pillsbury pour Rodent IV

En me basant sur les paramètres de la simulation de Chessmaster, j'ai construit un profil "Pillsbury" pour Rodent IV, accompagné d'un jeu de bibliothèques guide obtenu avec près de 400 parties du grand maître américain. Voir "Pillsbury pour Rodent IV".


En savoir plus sur Pillsbury ?

Voici quelques pages utiles pour en savoir plus sur le champion américain :

Excellente biographie de Pillsbury sur le site de Chessbase. On y trouve aussi une partie de Pillsbury contre lasker, commentée par Kasparov lui-même.

Biographie de Pillsbury sur Wikipédia


Pillsbury sur Chess.com : biographie succincte, cinq parties commentées, ouvertures préférées, sélection de 573 parties de Pillsbury.


La partie "Pillsbury - Lasker" de St-Pétersbourg, en 1896, gagnée par Lasker, commentée par Kasparov.


Qui est l'architecte des échecs modernes ? Un article concernant Pillsbury du grand maître américain Daniel Naroditsky, à l'anthousisasme un peu exagéré mais avec une belle partie commentée (Pillsbury vs Szymon Winawer, 1896, Budapest).



Emanuel Lasker

27 ans de règne sans partage

Emanuel Lasker est né en 1868 à Berlinchen, Prusse (aujourd'hui en Pologne) dans une famille juive de confession israélite. Il est mort en 1941 à New York. Il a appartenu durant une quarantaine d'années à l'élite mondiale des échecs - dont 27 ans en tant que champion du monde.


A l'âge de 11 ans, le jeune Emanuel s'est installé à Berlin avec son frère Berthold, de huit ans son aîné. Berthold était un des meilleurs joueurs d'échecs allemands. Étudiant à l'université de Berlin, il gagnait en partie sa vie en donnant des cours d'échecs et en affrontant, avec handicap, d'autres joueurs dans les cafés berlinois. Voyant les dispositions de son frère pour le jeu, il lui a enseigné ce qu'il savait des échecs avec autant de sérieux que les mathématiques. La famille Lasker était pauvre mais d'un niveau éducatif très élevé. Le père ne voyait pas d'un très bon œil le goût de ses deux fils pour les échecs et a tenté un temps de le freiner - heureusement avec peu d'efficacité.

<= Lasker, jeune homme (auteur inconnu, données inconnues).


Le moment venu, Berthold a ouvert à son frère les portes de la Société des échecs de Berlin, où il a pu rencontrer les meilleurs allemands du moment.



Deuxième champion du monde pour longtemps

Le premier coup d'éclat d'Emanuel Lasker à consisté à remporter, en 1888, le tournoi d'hiver du Café Kaiserhof à Berlin. Un amuse-gueule, mais il s'agit d'une compétition au niveau déjà élevé. Ce sera le début d'une fructueuse et très longue carrière.  Après quelques succès allemands prévisibles, la carrière du futur champion s'internationalise. Tout en poursuivant des études de mathématique à l'université de Berlin, Lasker affronte et bat nombre de maîtres reconnus, tel Henry Bird, grand joueur anglais vaincu à Londres en 1889.

Ses études terminées, il décide de s'engager en professionnel dans les échecs. Il s'installe à Londres en 1890 et voyage de tournois en tournois : deuxième à Amsterdam en 1891, premier à deux tournois de Londres en 1892, premier à New York en 1893, avec 13 parties gagnées sur 13...  Il se sent les épaules d'affronter Siegbert Tarrasch et lance un défi au grand maître allemand, qui le rejette avec dédain. Lasker propose alors à Steinitz de remettre en jeu son titre de champion du monde.

Emanuel Lasker vers 1894 (Auteur inconnu.
Source : Yenowine's Illustrated News, Milwaukee) ->


Contre toute attente, Steinitz accepte ; mais le challenger a beaucoup de difficulté à réunir les fonds nécessaires. Steinitz réclamait initialement une mise de 5000 dollars américains, Lasker ne peut fournir que 2000 dollars (il faut se rendre compte que cela représente quand même plus de 300.000 dollars d'aujourd'hui). Steinitz accepte de rabaisser ses conditions. Il est certain que battre Lasker ne sera qu'une formalité, comme d'ailleurs les journalistes spécialisés, qui ne s'intéressent pas à l'évènement. Ceux-ci critiquent même sévèrement le choix du champion sortant, qui leur apparaît de pur confort. Les médias font la même erreur que Tarrasch et Steinitz : ils ne prennent pas Lasker au sérieux.
Le match à lieu en 1894 en trois étapes, à New York, Philadelphie et Montréal. Lasker remporte le titre haut-la-main avec dix victoires, cinq défaites et quatre nuls : la carrière de Steinitz prend le chemin de la sortie. Le match revanche de 1896-97 confirmera la force supérieure de Lasker : +10-2=5.

Dans les dix années suivantes, Lasker infirme facilement les critiques qui prétendent que sa victoire contre Steinitz n'était due qu'à l'âge avancé de l'ancien champion du monde. Durant une dizaine d'années, personne ne semble en mesure de le contrer.  Puis quelques prétendants sérieux se bousculent au portillon : Marshall en 1907, Tarrasch en 1908, Janowski en 1909 et 1910, Schlechter, encore en 1910. Seul ce dernier lui a posé de sérieuses difficultés mais Lasker a réussi in-extrémis à égaliser. Le match se termine par cinq parties gagnées et cinq perdues, il conserve son titre.
En 1911, l'étoile montante des échecs, le cubain Capablanca, lui lance un défi mais les négociations s'éternisent puis capotent du fait des exigences un peu excessives de Lasker. Un match pour le titre est envisagé également entre Lasker et Akiba Rubinstein, mais le juif allemand, affligé d'une timidité maladive, ne trouve pas les fonds pour participer. Finalement, alors qu'un accord semble sur le point d'être trouvé avec Capablanca, la première guerre mondiale éclate et tout est mis entre parenthèses.
Les négociations avec Capablanca reprennent en 1920 et un accord est trouvé. Le match a lieu en mars et avril 1921. Lasker abandonne après 14 parties, Capablanca ayant une nette avance. Le cubain a gagné quatre parties et concédé 10 nulles. Il est plus jeune de 20 ans, il est un tout petit peu plus fort et à une technique un peu plus moderne…
Néanmoins la carrière de Lasker ne s'achève pas aussi brutalement que celle de Steinitz. Il continue à jouer à très haut niveau durant une quinzaine d'années, remportant encore des tournois, parfois devant Capablanca...



Style : la dimension psychologique des échecs en plus

Emanuel Lasker avait une formation scientifique et était un brillant mathématicien. Marchant dans les pas de Steinitz, qu'il admirait beaucoup, il a lui aussi fait des échecs une matière à étudier scientifiquement. Steinitz avait édicté les principes du jeu positionnel. Lasker va approfondir cet héritage en enrichissant la théorie, notamment sur le thème de la préservation d'une bonne structure de pions. Il introduisit aussi dans les échecs une dimension nouvelle, malheureusement bien difficile à faire appréhender par un moteur d'échecs : la psychologie. Pour Lasker une partie d'échecs est d'abord une confrontation entre deux êtres humains, entre deux volontés. Il n'y a donc aucune raison de ne pas introduire une dimension psychologique dans le jeu. Avant d'affronter un adversaire, il passait beaucoup de temps à l'étudier, afin de prévoir ses réactions. Son jeu était ainsi en partie fondé sur la déstabilisation psychique de l'adversaire. Sa méthode: sortir de son style habituel, jouer des coups inattendus, voire illogiques, concéder un avantage positionnel uniquement dans le but d'éveiller la crainte dans l'esprit adverse et le détourner de son plan initial, le priver de ses repères analytiques, l'entrainer dans des positions chaotiques...

Ci-dessus, Lasker chez lui à Berlin en 1933 (archives fédérales allemandes)

C'est pourquoi son style est si difficile à définir avec précision. Pour Lasker, pas question de s'en tenir à une méthode de jeu, aussi efficace soit-elle. Pour gagner, il faut savoir s'adapter à son partenaire - et donc éviter de s'enfermer dans son propre style. Néanmoins, si l'on devait coûte que coûte définir son style, nous dirions qu'il était avant tout un joueur positionnel, veillant à avoir une bonne structure de pions et à éviter les faiblesses, tout en cherchant à créer des faiblesses dans le camp adverse. Il était très fort en finale, condition nécessaire pour convertir en victoire les avantages positionnels obtenus tout au long de la partie.


Fuite en Union soviétique puis aux Etats-Unis

En 1937, Lasker est contraint de fuir l'Allemagne pour échapper aux purges nazies. Il se réfugie en URSS, devient citoyen soviétique et réside à Moscou pendant plus de deux ans. En 1937 il prétexte un voyage aux Pays-Bas et s'exile aux Etats-Unis où il passe les dernières années de sa vie. Il meurt à New York en janvier 1941 d'un malaise cardiaque.


Contribution théorique

On a reproché à Lasker de ne pas connaître très bien les ouvertures et de livrer des premières parties un peu faibles, dans lesquelles souvent il tardait à développer son jeu. Ce n'est pas faux mais ça ne l'a pas empêché d'apporter des contributions importantes à la science des ouvertures, avec notamment "la défense Lasker du gambit dame refusé" et un grand nombre de variantes de l'ouverture espagnole, de la défense française, de la défense sicilienne, du gambit de la reine...  Il a écrit de très nombreux articles (d'abord dans sa propre revue, le Lasker's Chess Magazine, puis pour le New York Evening Post) et plusieurs livres, certains concernant les échecs mais aussi des œuvres philosophiques - qui ont beaucoup impressionné Albert Einstein - et des essais sur les affaires et la guerre.



Jouer contre une simulation d'Emanuel Lasker ?

Les possibilités sont nombreuses.

Emanuel Lasker version Chessmaster 10 et 11

Chessmaster propose depuis la V4000 une simulation de Lasker. Les profils de Chessmaster 10 et 11 sont identiques et bien plus travaillés que celui de Chessmaster 4000. Si vous n'avez pas ce programme commercial, je vous conseille d'installer dans l'interface Arena la version UCI du moteur The King de Chessmaster. Elle est accompagnée de 49 simulations de grands maîtres, parmi lesquels figure aussi Lasker.

Lasker, "moteur GM" de Lucas Chess


Lucas Chess propose également un profil "Lasker" dans sa série des "Moteurs GM".


Lasker version Rodent III et Rodent IV, par Pawel Koziol

Le vieux profil Lasker de Rodent III, conçue par Pawel Koziol, est toujours disponible pour la version III du moteur Rodent. A
ucune bibliothèque n'étant fourni avec le profil j'en ai réalisé une, que vous trouverez dans l'archive.
J'ai adapté cette ancienne personnalité de Rodent III
pour qu'elle puisse fonctionner avec Rodent IV. Voir "Emanuel Lasker pour Rodent IV".

Moteur Grand Maître Lasker


Cette personnalité existe aussi sous la forme d'un "Moteur Grand Maître", moteur Rodent IV autonomisé avec la personnalité Lasker, déclinée en 10 niveaux de force, de 1200 à 3000 Elo, et accompagnée d'un jeu complet de bibliothèques pour s'adapter à la force choisie.


En savoir plus sur Lasker ?

Voici quelques pages utiles pour en savoir plus sur Lasker :

Biographie détaillée sur CréaChess


Biographie de Lasker sur Wikipédia en français et version anglaise, plus fouillée.

Lasker sur Chess.com : biographie succincte, six parties commentées, ouvertures préférées, sélection de 1321 parties de Lasker.

La partie "Pillsbury - Lasker" de St-Pétersbourg, 1896, gagnée par Lasker, commentée par Kasparov.

Lasker - Bauer, Amsterdam 1889 : partie commentée où l'on peut observer un double sacrifice de fous.



David Janowski

Un romantique français

Dawid Markelovitch Janowski est un joueur d'échecs français d'origine judéo-polonaise. Il est né en 1868, à Volkovysk, en Biélorussie (appartenant alors à l'empire russe) et s'est installé avec sa famille à Paris en 1890 où il a commencé à jouer aux échecs. Il a résidé une dizaine d'années aux Etats-Unis mais est revenu finir sa vie en France. Il est mort en janvier 1927, à Hyères.
Janowski a été un joueur de classe mondiale durant la première décennie du vingtième siècle, réputé pour ses combinaisons d'attaque brillantes.



Carrière échiquéenne

Janowski commence à faire parler de lui en 1896, au tournoi de Nuremberg. Il termine cinquième mais devant quelques grandes pointures : Steinitz, Schlechter, Tchigorin... Suivent des performances remarquées au tournoi de Vienne de 1889 (3eme) et au tournoi de Londres de 1899 (2eme). La même année, il bat de champion américain Frank Marshall, alors considéré comme l'un des meilleurs joueurs du monde, au cours d'un match de quatre parties (trois victoires, une défaite). C'est à cette même époque qu'il défie Lasker, le champion du monde en titre. Lasker prend Janowski au sérieux mais les deux joueurs ne peuvent s'entendre sur les modalités de la rencontre et la confrontation n'a pas lieu.
Janowski poursuit sa carrière de joueur de tournois internationaux, additionnant victoires (Monte-Carlo, 1901, Hanovre, 1902, Barmen, 1905...) et brillantes secondes ou troisièmes places. Pour tout le monde, Janowski est un prétendant sérieux à la succession de Lasker.  Il ne fera pourtant pas le poids face au joueur allemand. Cela commence plutôt bien : en mai 1902 à Paris, Janowski fait match nul contre Lasker : 2-2. La confrontation n'avait pas d'enjeu particulier ; Janowski offre alors à Lasker de remettre en jeu son titre de champion du monde. Le match a lieu en octobre et novembre 1902 et le résultat est cruel pour le maître français : sept défaites, une victoire, deux nulles. Il aurait dû se le tenir pour dit mais Janowski, ne percevant pas la supériorité écrasante de Lasker, réclame un match revanche ; lequel tourne au désastre pour lui : huit parties perdues, deux nulles, aucune victoire...
Il a cependant continué à jouer à haut niveau jusqu'au déclenchement de la première guerre mondiale. Il a fui aux Etats-Unis en 1915 et a poursuivi pendant quelques années encore une petite carrière américaine. Il est revenu en France en 1925, pour y mourir de la tuberculose.


Style : attaquant flamboyant

Janowski était typiquement un romantique français, ne connaissant des échecs que l'attaque. Il en avait les qualités, notamment un sens tactique aigu, qui lui permettait de monter de belles combinaisons offensives avec sacrifices spectaculaires à foison. Il manipulait sa paire de fou avec une telle maîtrise que les américains l'ont surnommé "The two Jan's" ("Les deux Janowski"). Mais il en avait aussi les défauts, qui expliquent pourquoi il n'a pas réussi à détrôner Lasker en 1909 et 1910.  En résumé : faiblesse positionnelle, défense passive, excès d'optimisme le poussant à refuser les offres de nullité...
Lorsqu'il ne trouvait pas d'attaque et que les parties s'éternisaient, Janowski avait tendance à lâcher prise. Ce n'était pas un bon joueur de finales. En revanche, contrairement à nombre de maîtres au style romantique, il maîtrisait très bien la phase de l'ouverture. Ses débuts de partie étaient généralement solides et dépourvus de fautes majeures. Au point que Lasker a pu déclarer que pour gagner une partie, il suffisait "Qu'on (lui) donne une partie de Janowski au dixième coup".



Apport théorique

Des ouvertures de Janowski la postérité a principalement retenu une variante de la défense vieille-indienne (1. d4 Cf6 2. c4 d6 3. Cc3 Ff5) et une variante du gambit dame refusé (1. d4 d5 2. c4 e6 3. Cc3 a6.)



Jouer contre une simulation de Janoski ?

Chessmaster 5000 et 6000

Une simulation de Janowski apparaît pour la première fois avec Chessmaster 5000. Elle sera disponible encore avec Chessmaster 6000 puis disparaîtra des éditions suivantes de la célèbre franchise d'échecs. Il est vrai que le joueur français n'est pas resté comme une personnalité de premier plan.

Janovski pour Rodent IV

Me basant (un peu) sur les paramètres du profil de Chessmaster, j'ai développé ma propre simulation pour Rodent IV. D'abord parce que c'est un joueur français oublié, ensuite parce que j'aime bien les joueurs romantiques. Voir : "David Janowski pour Rodent IV".



En savoir plus sur Janowski ?

Voir notamment :

Sa biographie dans Wikipédia

Sa fiche sur Chess.com : Notice biographique assez détaillée, six parties commentées, ouvertures les plus pratiquées, collection de 664 parties.



Akiba Rubinstein

Un génie des échecs miné par des craintes phobiques

Akiba Rubinstein est né en 1880 à Stawiski, Pologne, dans l'Empire russe ; il est mort en 1961 à Anvers, Belgique, à 79 ans.  Il a été l'un des tous meilleurs joueurs d'échecs de son époque mais n'a jamais pu concourir pour le championnat du monde, faute de chance et de soutien.


Issue d'une famille juive polonaise, Akiba Rubinstein était destiné à devenir rabbin. Il n'apprend à jouer aux échecs que tardivement, à 16 ans, en découvrant un manuel d'échecs écrit en hébreu. Le jeu le fascine et il se procure rapidement d'autres livres, puis va chercher des adversaires au café Stein de Bialystok. Son premier mentor sera le maitre Bartoszkiewicz.

<= Akiba Rubinstein en 1907 ou 1908 (auteur et autres données inconnus).


Ses dispositions pour les échecs sont exceptionnelles et Rubinstein se consacre de plus en plus activement à ce jeu. En 1903, ayant enregistré des premiers résultats encourageants en tournoi,  il se rend à Lodz,  où il rencontre le maître Henryk Salwe, qui l'aiguille vers le club d'échecs de la ville et l'aide à faire ses premiers pas dans les milieux de la compétition. Il l'accompagne à Kiev, où Akiba termine cinquième du championnat de Russie. C'est un bon début. Rubinstein décide alors d'abandonner ses études talmudiques pour devenir joueur d'échecs professionnel.


Au sommet de l'élite mondiale au mauvais moment


Ses progrès sont rapides et les succès s'enchainent, mais son talent éclata littéralement en 1907. Il se classe premier à Ostende et à Karlsbad, où il devance les plus grands noms de l'époque : Tartakover, Tchigorine, Nimzowitsch, Marshall, Maroczy... Il cloture l'année en beauté, en devenant champion de Russie.
Entre 1907 et 1914, malgré une timidité pathologique, il s'est imposé au sommet de l'élite mondiale des échecs, remportant plusieurs fois le championnat de Russie, le tournoi de Karlsbad puis consécutivement cinq tournois majeurs: Saint-Sébastien, Pistyan, Breslau, Varsovie et Vilnius. Il est souvent présenté comme le meilleur joueur du monde, mais Rubinstein n'a encore jamais rencontré les deux plus grands : Capablanca et Emanuel Lasker.
Les négociations pour un match avec Capablanca commencent puis capotent ; en revanche,
les conditions du match avec Lasker sont conclues en 1913, la rencontre devant avoir lieu en octobre 1914. Mais l'éclatement du premier conflit mondial met un terme à ce projet et donne un coup d'arrêt brutal à la carrière échiquéenne de Rubinstein.


Une carrière paralysée par des craintes phobiques

Après la guerre, il s'installe avec sa famille en Suède. Mais ses performances sont moins régulières, même s'il reste un très fort joueur tout au long des années 20. Capablanca, devenu champion du monde après avoir battu Lasker en 1921, lui propose un match pour le titre, mais une fois de plus, Rubinstein n'a pu lever les fonds nécessaires. Ses résultats auraient eu la régularité d'avant guerre, il aurait sans doute trouvé des sponsors pour l'aider. Mais Rubinstein commençait à donner des signes forts de la maladie mentale qui le conduira à passer les 30 dernières années de sa vie à l'écart du monde.
En 1922 il déménage en Allemagne. La même année il gagne le tournoi de Vienne, battant le futur champion du monde  Alexandre Alekhine, mais ce sera son dernier véritable coup d'éclat.
En 1926 il s'installe définitivement en Belgique. A la tête de l'équipe polonaise, il gagne l'olympiade de 1931, mais, compte tenu de son niveau, ce n'est qu'un demi-succès. La même année, il finit bon dernier du tournoi de Rotterdam. Ce qui n'était dans sa jeunesse qu'une timidité maladive a évolué en anthropophobie, une crainte phobique de la compagnie des gens. La maladie a pris une forme très invalidante et il se retire définitivement de la compétition. Il passera les dernières années de sa vie caché dans un grenier, où même ses familiers auront du mal à l'approcher.


Style positionnel et défensif

Akiba Rubinstein est un joueur d'ouvertures et de finales, deux domaines dans lesquels sa maîtrise est légendaire. Il  joue modérément en défense mais avance lentement et avec prudence, en conservant une position solide et un centre fort. Il préfère les lignes de jeu tranquille et sans complications. Une partie gagnée est pour Rubinstein une partie où l'on finit avec un pion de plus et une position un peu meilleure que celle de l'adversaire. Son habileté en finale lui permet alors souvent de prendre l'avantage sur l'adversaire.  Bien sûr ce n'est pas un jeu épique, ce n'est pas spectaculaire mais c'est efficace.

Ci-dessus, Rubinstein affronte Emanuel Lasker en 1909, à Saint-Petersbourg.


En savoir plus sur Rubinstein ?

Biographie de Rubinstein sur Wikipédia

Rubinstein sur Chess.com :  biographie succincte, quatre parties commentées, ouvertures préférées, sélection de 772 parties.

L'immortelle de Rubinstein : partie commentée de 1907 (ou 1908) jouée à Lodz entre Rubinstein et Gersz Rotlewi.

Nimzowitsch - Rubinstein, Dresde 1926 : Nimzowitsch expérimente dans cette partie les conceptions nouvelles de l'école hypermoderne qui stupéfient le monde des échecs.


Jouer contre une simulation de Rubinstein ?

Joueur historiquement important, Rubinstein ne manque pas de simulation.


Rubinstein version Chessmaster 10 et 11

Rubinstein est présent depuis Chessmaster 4000 mais les dernières versions de Chessmaster (10 et 11) proposent la simulation de Rubinstein la plus fine. Si vous n'avez pas ce programme commercial, je vous conseille d'installer dans l'interface Arena une adaptation à l'UCI du moteur The King de Chessmaster, que vous pouvez télécharger sur ce site. Elle est accompagnée de 49 simulations de grands maîtres, parmi lesquels Akiba Rubinstein. La personnalité est enrichie de deux bibliothèques d'ouvertures au format abk d'Arena.

Rubinstein pour Rodent III et Rodent IV


Pawel Koziol avait déjà développé une personnalité Rubinstein pour Rodent II, qu'il a actualisé pour accompagner Rodent III. Cette simulation est toujours disponible, avec la bibliothèque guide "ph-rubinstein2.bin".

Télécharger le profil Rubinstein et sa bibliothèque ?

Rodent IV ne pouvant pas utiliser le profil Rubinstein pour Rodent III, je l'ai adapté pour qu'il puisse fonctionner avec ce moteur. Voir "Akiba Rubinstein pour Rodent IV"...

Moteur Grand Maître Rubinstein


Cette personnalité existe aussi sous la forme d'un "Moteur Grand Maître", moteur Rodent IV autonomisé avec la personnalité Rubinstein, déclinée en 10 niveaux de force, de 1200 à 3000 Elo, et accompagnée d'un jeu complet de bibliothèques pour s'adapter à la force choisie.



José Raúl Capablanca

The chess machine


Capablanca est né en 1888 à La Havane, à Cuba, dans un milieu bourgeois. Son père, fonctionnaire colonial espagnol, lui a appris à joueur aux échecs dès ses quatre ans. Il est mort à 1942 à New York à 54 ans.  Champion du monde de 1921 à 1927, il est considéré comme l'un des plus grands joueurs de l'histoire.


Capablanca est parfois appelé le "Morphy cubain" pour sa précocité. Il a commencé à pousser les pièces à quatre ans et à huit ans, il est déjà un fort joueur. A treize ans, en 1901, il bat le meilleur joueur cubain et devient champion national.

Capablanca photographié à lâge de 5 ans jouant aux échecs avec son père ->


A Cuba, les fils de "bonne famille" font leurs études aux Etats-Unis. Capablanca n'y échappe pas. Il apprend d'abord l'anglais à New York puis s'inscrit à l'université de Columbia, en 1905. Membre du Manhattan Chess Club, il joue surtout beaucoup aux échecs et décide d'arrêter ses études et de devenir joueur professionnel. Cela ne fait pas le bonheur de sa famille. Son oncle, furieux, lui coupe les vivres. Capablanca se lance alors au cours de l'hiver 1909, dans une longue tournée à travers le pays ; Il gagne 168 parties d'affilée sans en perdre une seule ; sur l'ensemble de l'année de l'année 1909, il gagnera 703 parties pour douze défaites et dix-neuf nulles, applatissant au passage l'élite américaine des échecs. C'est de là que lui est venu le surnom de "Chess machine".


Carrière échiquéenne


La performance de Capablanca arrive aux oreille du meilleur américain du moment, Frank Marshall. Le champion lui propose un match avec un enjeu de 600 dollars. Contre toute attente, Capablanca le bat facilement. Il devient célèbre, le territoire américain devient trop petit pour lui. Sa carrière se poursuit à l'international, avec l'aide de
l'administration cubaine, qui lui offre un poste de complaisance au ministère des Affaires étrangères de Cuba. En réalité, sa carrière diplomatique consiste essentiellement à jouer aux échecs.
En Espagne, pour le grand tournoi de Saint-Sébastien,  il défait facilement tous les ténors de l'époque, à l'exception de Lasker : Bernstein, Marshall, Nimzowitsch, Rubinstein, Tarrasch, Vidmar...


Troisième champion du monde

En 1921, Capablanca met fin au règne de Lasker et devient le troisième champion du monde des échecs. La règle voulait que le premier joueur à aligner six parties gagnantes était déclaré vainqueur.  A la quatorzième partie, Lasker abandonne. Capablanca a déjà quatre victoires, dix nulles... et aucune défaite ! Dans les années suivantes, il gagne plus de 200 parties et n'en perd que six. Jamais le surnom de "Chess machine" ne lui aura aussi bien convenu.

<- Jose Raul Capablanca, en 1919 (auteur inconnu)


Capablanca règne sur les échecs jusqu'en 1927, date de sa confrontation avec Alekhine. Les aficionados ne donnent pas cher de la peau du russe ; pourtant celui-ci est le premier à obtenir six victoires. Capablanca n'en a que trois, il doit céder le titre. Néanmoins le joueur cubain continue à jouer durant plusieurs années à un très haut niveau. Il cherche à obtenir d'Alekhine qu'il accepte une revanche mais le nouveau champion du monde fait tout pour l'éviter. Ce comportement très peu sportif lui vaudra de recevoir la fameuse lettre ouverte de Rudolf Spielmann intitulée : "J'accuse"...


Après 1931, Capablanca s'éloigne progressivement de la scène internationale, alors qu'une nouvelle génération de joueurs apparaît. Euwe, Flohr, Botvinnik, Keres, Fine, Reshevsky sont plus jeunes et marquent des points, alors que Capablanca donne des signes de fatigue. Comme toujours, la roue tourne. En 1938, il finit avant-dernier du tournoi AVRO et se retire de la scène internationale, sur conseil de ses médecins. Il souffre d'hypertension artérielle, maladie qui causera sa mort en 1942, à seulement 53 ans.


Ci-dessus, Alekhine (à gauche) affronte Capablanca pour le titre de champion du monde en 1927 (auteur inconnu).

Style purement positionnel

Capablanca est un pur joueur positionnel. Il joue en défense, avance lentement et mise avant tout sur la solidité de sa position, en attendant que l'adversaire commette une erreur qui lui permettra de prendre l'avantage. Il ne cherche pas à créer de tension offensive, mais il n'hésite pas à lancer des attaques directes contre le roi adverse, si l'opportunité se présente et si la supériorité de sa situation sur celle de l'adversaire est solidement établie. En ce sens, il est un digne héritier de Steinitz.
Il est économe de ses pièces, ne les échangeant qu'avec une certaine réticence et jamais sans une bonne compensation. Sans les rechercher, il s'accommode facilement des échiquiers encombrés aux lignes fermées. En somme, il est en tout point l'antithèse du style romantique.
Capablanca avait inclus le bagage hypermoderne dans sa manière de jouer. Sans en être un théoricien, on peut même dire qu'il a anticipé le mouvement. Notamment, s'il défend l'idée classique de la prise du centre avec des pions, il pouvait aussi parfois contrôler le centre à distance avec des pièces mineures. Il avait une petite préférence pour la paire de fous, qu'il considérait comme supérieure à la paire de cavaliers. En revanche, le couple dame + cavalier lui semblait un meilleur duo que le couple dame + fou.
Il était, comme Rubinstein, un fabuleux technicien des fins de parties, qu'il maîtrisait comme personne, à son époque. Grâce à quoi un léger avantage matériel en finale pouvait souvent être converti en victoire. Au pire, cela lui permettait de forcer le nul en cas de situation inférieure.
En résumé, le jeu de Capablanca est simple, clair, méthodique, prévisible. On lui a reproché parfois de manquer de profondeur stratégique et d'être un médiocre tacticien, peu à l'aise dans les situations confuses du point de vue tactique. Ce n'est pas faux, mais il s'adaptait rapidement aux évolutions de son adversaire.


Apport théorique

Capablanca n'a pas beaucoup apporté aux échecs en matière théorique. On ne lui attribue aucune ouverture majeure ; il a écrit peu de livres et aucun de vraiment important sur le plan des concepts. En revanche son ouvrage didactique "Les principes fondamentaux aux échecs" était un modèle de clarté et de concision qui a été lu par des générations de débutants et d'amateurs.


Capablanca Chess

Capablanca était convaincu que l'on était sur le point d'avoir fait le tour des échecs et qu'on ne pourrait vite plus départager des joueurs de force égale. Les tournois s'achèveraient alors sur des wagons de parties nulles. C'est la raison pour laquelle il a proposé une variante se jouant sur un échiquier 10×8, chaque joueur disposant, en plus des pièces habituelles des échecs, de deux nouvelles pièces, dites "féeriques" :
➤Le Chancelier (ou l'Impératrice), qui combine les mouvements de la tour et du cavalier
➤Le Centaure (ou encore la Princesse), qui combine les mouvements du cavalier et du fou.
Le Chancelier comme le Centaure peuvent passer par dessus les autres pièces lorsqu'ils se déplacent comme des cavaliers mais pas lorsqu'ils se déplacent comme des fous ou des tours.
Contrairement aux échecs orthodoxes, chaque roi, au lieu de chaque reine, commence sur une case de sa propre couleur : le roi blanc sur une case claire ; le roi noir sur une case sombre. Le centaure est placé du côté dame, entre le cavalier et le fou ; le Chancelier occupe l'emplacement symétrique, côté roi.
Le roque est légèrement modifié : le roi se déplace de trois cases lors du roque au lieu de deux cases comme aux échecs standard.


Un échiquier 10x8 avec la position de départ de la variante
Capablanca (copîe d'écran du logiciel Smirf Fullchess)


La variante Capablanca Chess (qui est en fait une adaptation d'une variante inventée au début du 17eme siècle par Pietro Carrera) n'a pas obtenu le succès escompté par son inventeur. Sans doute parce que, contrairement à ce qu'il pensait, on était encore loin de maîtriser tous les aspects des échecs. Aucun grand joueur d'échecs de l'époque n'a daigné s'y intéresser.  Selon le champion britannique William Winter, il y aurait trop de pièces fortes, ce qui rendrait peu pertinente la présence des pièces faibles et nuirait à l'équilibre général du jeu. D'autres ont fait remarquer que l'on gagne beaucoup plus souvent lorsqu'on a les blancs.
Néanmoins le problème soulevé par Capablanca dans les années trente est bien réel et l'on note bel et bien aujourd'hui, à très haut niveau, la multiplication des parties nulles pronostiquée par le joueur cubain. Cela a poussé Bobby Fischer à proposer dans les années 90 sa propre variante, dite "Echecs aléatoires de Fischer" ou "Chess 960". Pour le champion du monde d'aujourd'hui, Magnus Carlsen, la solution est d'imposer des cadences de jeu plus rapides.  



Jouer contre une simulation de Capablanca ?

Capablanca pour Chessmaster 10 et 11

Les dernières versions de Chessmaster proposent une bonne simulation de Capablanca. Si vous n'avez pas ce programme commercial, installez dans l'interface Arena la version UCI du moteur The King de Chessmaster et sélectionnez Capablanca parmi les 49 simulations de grands maîtres disponibles. La personnalité est enrichie de deux bibliothèques d'ouvertures au format abk d'Arena.

Capablanca version Lucas Chess


Lucas Chess propose également un profil "Capablanca" dans sa série des "Moteurs GM". Cette simulation est d'une précision comparable à celle de Chessmaster.

Capablanca pour Rodent IV de Rob Robinson

Pawel Koziol proposait avec Rodent II une simulation de Capablanca assez sommaire - compte tenu du nombre de critères de programmation relativement limité de Rodent II. Cette personnalité fonctionne avec Rodent III mais n'a jamais été actualisée par Pawel. En prenant ce vieux profil comme base de départ, j'ai développé ma propre simulation de Capablanca pour Rodent IV. Voir "Capablanca pour Rodent IV".

Moteur Grand Maître Capablanca


Cette personnalité existe aussi sous la forme d'un "Moteur Grand Maître", moteur Rodent IV autonomisé avec la personnalité Capablanca, déclinée en 10 niveaux de force, de 1200 à 3000 Elo, et accompagnée d'un jeu complet de bibliothèques pour s'adapter à la force choisie.



En savoir plus sur Capablanca ?

Voici quelques pages utiles pour en savoir plus sur le champion cubain :

"Portrait en noir et blanc de Capablanca", sur le blog gardien de Tarswelder. Excellent article biographique.


Capablanca sur Chess.com : biographie succincte, quatre parties commentées, ouvertures préférées, sélection de 1310 parties de Capablanca.

Biographie de Capablanca sur Wikipédia

Botvinnik-Capablanca, AVRO 1938 : Lors du Tournoi AVRO qui s'est déroulé à Rotterdam en 1938, Mikhaïl Botvinnik a battu José Raúl Capablanca.


Véra Menchik

La première reine des échecs

Véra Menchik est née à Moscou en 1906 d'un père Tchèque et d'une mère anglaise. Sa famille a fui la révolution russe en 1921 et Vera est allée s'établir avec sa mère à Hastings, en Grande-Bretagne. Elle est morte en 1944 à Londres, tuée dans sa maison par une bombe volante V1. Pionnière des échecs au féminin, elle a été la première et, jusqu'à sa mort, l'unique championne du monde des échecs.


La première grande championne de l'histoire

C'est un fait connu, les échecs sont restés longtemps un domaine particulièrement fermé aux femmes. Elles étaient réputées ne pas avoir un cerveau capable des mêmes aptitudes mathématiques et logiques que les hommes. Un préjugé dénué de tout fondement scientifique mais qui a la vie dure. Dans les années 90, Kasparov promettait encore que les femmes n'arriveraient jamais au même niveau que les hommes ; c'était avant qu'il ne soit  battu par Judit Polgar ; encore plus près de nous, c'était en 2015, Nigel Short a laissé entendre à un journal anglais que les femmes n'étaient pas moins intelligentes que les hommes mais avaient des compétences différentes. Selon lui, elles seraient moins douées par exemple pour conduire une voiture ou jouer aux échecs.
Une grande partie de sa vie de joueuse d'échecs, Vera Menchik a ainsi été en but à moqueries, quolibets et résistances de la gent masculine. Car dans les années 20 et 30, en Angleterre, les femmes ne jouent pas aux échecs ! Les clubs de haut niveau ne les acceptent pas ; c'est même pour Véra un véritable coup de chance que le meilleur joueur du club d'Hastings, James Drewitt, lui permette de venir s'y entraîner. C'est là qu'elle rencontrera le champion hongrois Géza Maróczy, ancien prétendant au titre mondial qui la prendra sous son aile. Sans cela, il n'y aurait certainement jamais eu de Véra Menchik championne du monde.


Carrière échiquéenne

Le premier exploit significatif de la carrière de Véra Menchik sera sa victoire en 1925 contre  la championne britannique Edith Charlotte Price. Sa notoriété se forge toutefois à partir de 1927, lorsque la FIDE a l'idée d'organiser, en marge des olympiades d'échecs masculines, un tournoi individuel réservé aux femmes. Menchik remporte l'épreuve qui sera rebaptisée, à postériori, "championnat du monde d'échecs féminin". La domination de Véra est écrasante : sur 11 parties elle en remporte 10 et laisse échapper une seule nulle. Elle gagne avec facilité toutes les éditions suivantes jusqu'en 1939, la guerre mettant le championnat entre parenthèses : en 1930 à Hambourg, en 1931 à Prague, en 1933 à Folkestone, en 1935 à Varsovie, en 1937 à Stockholm et en 1939 à Buenos Aires. Sur un total de 83 parties elle n'en aura perdu qu'une seule et ne concédera en tout et pour tout que quatre nulles.
De toute évidence, le niveau des échecs féminins de l'époque était bien inférieur à celui des hommes. Seule Véra Menchik était en mesure de rivaliser avec les meilleurs joueurs masculins. Comme Judit Polgar, elle n'a d'ailleurs jamais hésité à les affronter sur leur propre terrain, dans divers tournois où ses performances sont loin d'avoir été ridicules. Certes, elle n'aurait jamais été championne du monde. Mais de grands noms ont à regret rejoint "le club Menchik", c'est-à-dire la liste des joueurs ayant un jour ou l'autre été battus par la championne. On y trouve notamment Samuel Reshevsky et Max Euwe, ce dernier étant taxé de "président" pour avoir été battu deux fois.


Style de jeu

Vera Menchik avait un jeu défensif et positionnel ressemblant beaucoup à celui de son mentor, Géza Maróczy. On a reproché à la championne anglo-tchèque de s'être contentée de reproduire ce style prudent et peu épique, sans chercher à inventer sa propre voie. Mais il est probable qu'il était tout simplement dans son tempérament. Reshevsky jouait d'ailleurs de façon assez analogue et il ne serait venu à l'idée de personne de reprocher au grand maître américain d'imiter le style de Maróczy. En résumé, Véra Menchik n'appréciait pas du tout, c'est vrai, l'offensive et les complications tactiques qui en découlent. Elle veillait à conserver une position très solide, afin d'arriver à la fin de la partie avec un avantage positionnel ; sa grande maîtrise des finales lui permettait alors souvent de prendre l'avantage. Elle avait une préférence marquée pour les positions fermées où elle se sentait à l'aise. Son répertoire d'ouvertures était un peu étroit mais elle le maîtrisait totalement. Avec les blancs, elle jouait très souvent, comme Reshevsky,  l'ouverture du pion dame, qui s'accordait bien avec son style de jeu. Avec les noirs, contre 1.e4 sa préférence allait à la défense française, dont elle sera considérée de son vivant comme l'un des meilleurs spécialistes.  


Jouer contre une simulation de Véra Menchik ?

C'est maintenant possible puisque j'ai développé un profil "Menchik" pour Rodent IV. Au demeurant, la championne avait un jeu très typé, facile à imiter avec Rodent. La seule véritable difficulté aura été de réaliser un jeu de bibliothèques d'ouvertures avec les seules 459 parties d'elle que j'ai pu trouver. Voir "Véra Menchik pour Rodent IV".


En savoir plus sur Véra Menchik ?

Biographie de Véra Menchik sur Wikipédia (il s'agit de la page en anglais, bien plus complète que la page en français).

Véra Menchik dans la collection "Top Chess Players" de Chess.com : notice biographique, trois parties commentées, collection de 208 parties.



Aaron Nimzowitsch

Son "système" à bouleversé les échecs


Aaron Nimzowitsch est né en 1886 à Riga en Lettonie (empire Russe); il est mort en 1935 à Copenhague, au Danemark, à 48 ans.

Né dans l'empire Russe et d'origine juive, Aaron Nimzowitsch était néanmoins de culture germanique. Germanophone, il fit d'ailleurs le début de ses études à Berlin, qu'il abandonna très vite cependant pour les échecs. Tous ses livres ont été publiés d'abord en langue allemande.
La première guerre mondiale paralysa ses efforts mais son talent éclata à partir de son installation au Danemark, en 1922 - pays dont il acquit rapidement la nationalité. Il y vécu jusqu'à sa mort en 1935, d'une méchante pneumonie.  


Une carrière échiquéenne qui n'aboutit pas

Nimzowitsch étudiait la philosophie à l'université de Berlin en 1904 mais il était plus assidu à jouer aux échecs dans les clubs et les cafés de la ville. Il atteignit vite un très haut niveau et décida de devenir professionnel. Le premier fait notable de sa carrière sera sa troisième place en 1910 à Hambourg, derrière Carl Schlechter et Oldrich Duras mais devant une belle brochette de grosses pointures : Alekhine, Marshall, Savielly, Spielmann, Tarrasch, Tartakower...

<= Nimzowitsch en 1916 (auteur inconnu et
autres données inconnues)


Malheureusement, la première guerre mondiale et, dans la foulée, la révolution russe de 1917 contraignirent Nimzo à ronger son frein. Il ne refit vraiment surface qu'en 1922, lorsqu'il émigra au Danemark. La décennie 22-32 sera celle de son apogée en tant que compétiteur : il termina premier seul ou ex æquo à Copenhague en 1923, 1924, 1928, 1933, 1934 (c'est son "fief"), à Mareinbad en 1925, à Dresde et Hanovre en 1926, à Londres (Tournoi du British Empire Club Masters et tournoi de l'Imperial Chess Club) en 1927, à Berlin (pour le Berliner Schachgesellschaft) en 1928, à Francfort en 1930, à Winterthur en 1931...
Il se situait de toute évidence dans le peloton de tête des meilleurs joueurs mondiaux, mais il n'obtint jamais cependant de titre majeur. Le principal obstacle fut financier : Nimzowitsch ne réussit pas à rassembler les fonds nécessaires. A l'époque, il fallait beaucoup d'argent pour participer à la compétition pour le titre mondial. Or, Nimzowitsch a été très désservi par un caractère peu engageant. Egocentré, arrogant et imbue de lui-même, méfiant voire même un peu paranoïaque, il n'obtint jamais les soutiens qui auraient pu booster sa carrière.  



Apport théorique : le "Système" Nimzowitsch

Si Nimzowitsch est resté un joueur "historique" c'est surtout pour ses concepts théoriques extrêmement avançés. Ils feront de lui le plus illustre représentant de l'école "hypermoderne". Par chance, il était doué d'un certain talent de pédagogue qui s'exprime dans plusieurs livres majeurs, fondateurs de la nouvelle école : "Mon système", suivi de "Pratique de mon système" développaient des conceptions qui tranchaient avec les idées de l'école classique, assénées souvent de manière quelque peu dogmatique. Malgré un style un peu ampoulé et de nombreuses digressions inutiles, les livres de Nimzowitsch, traduits et lus dans le monde entier, ont influencé toutes les générations suivantes de joueurs d'échecs. Résumé de ses conceptions :  

➤Nécessité de contrôler le centre. Cette idée, déjà présente chez Steinitz et Tarrasch, et proposée avec davantage de souplesse et de richesse. Contrôler le centre ne veut pas simplement dire y amasser du matériel… Le contrôle peut se faire à distance.
➤Gêner les mouvements de l'adversaire en bloquant son jeu : une attaque ne réussit en effet qu'avec un avantage de mobilité. En fermant par des moyens divers les lignes de communication entre les pièces adverses, on crée des affaiblissements structurels, lesquels, à un stade ultime, permettront d'imposer à l'adversaire des coups forcés défavorables. C'est le fameux zugzwang.
➤ La surprotection : il s'agit, après avoir identifié les cases stratégiques pour les deux camps d'accroître soi-même le contrôle de ces positions au détriment de l'adversaire.
➤Le concept des pions liés : Tarrasch avait fait du pion dame isolé l'une de ses armes favorites. Nimzowitsch réfute cette menace. Il préfère miser sur des "pions liés", se soutenant mutuellement, une arme pour lui à maîtriser absolument.
➤Le louvoiement : cette tactique consiste à repérer deux faiblesses ennemies et à les attaquer alternativement. Comme il est impossible d'attaquer et de se défendre en même temps, ce louvoiement va susciter chez l'adversaire des affaiblissements structurels qu'il conviendra d'identifier et d'exploiter par la suite.
➤Le "développement élastique" dans l'ouverture : Nimzowitsch est un fervent défenseur de l'idée selon laquelle l'ouverture choisie doit servir une stratégie d'ensemble, qui ne peut-être définie qu'au bout d'un certain temps. Il convient donc de rester souple afin de conserver le plus longtemps possible la faculté de se déterminer pour un type de contrôle du centre ou un autre. Nimzowitsch a théorisé et mis en pratique plusieurs ouvertures devenues très populaires comme la Défense nimzo-indienne et la défense Nimzowitsch du pion-roi, par exemple.

Dans un troisième ouvrage théorique majeur, "Die Blockade" (le blocage), Nimzowitsch approfondit sa technique pour geler le jeu adverse.  


Nimzowitsch versus Tarrasch

L'histoire des échecs est émaillée de rivalités – comme dans tous les autres domaines. Celle entre Siegbert Tarrasch et Aaron Nimzowitsch relèverait selon certains auteurs d'un sentiment amour-haine. Au fond, Nimzo révérait le grand maître allemand mais celui-ci se moqua du jeu du jeune joueur letton, alors totalement inconnu, lors de leur première rencontre à Nuremberg, en 1904. En 1907 à Ostende, Nimzo chercha encore à attirer l'attention de Tarrasch, qui l'ignora superbement. De nombreuses personnes ayant fréquenté Nimzo ont pu témoigner de sa sensibilité aux supposés affronts qu'on lui aurait fait. C'est pourquoi sans doute ces deux événements constitueront la base de l'animosité d'un Nimzo peut être aussi par ailleurs pressé de tuer le père. Ses propos contre "le professeur de l'Allemagne" seront excessifs, souvent injurieux, et Nimzo passera une partie de son temps à tenter, parfois avec succès, de ridiculiser les conceptions plus anciennes de Tarrasch. Mais cet antagonisme, pour puérile qu'il ait été, a peut être aussi aidé Nimzo à pousser ses théories dans leurs derniers retranchements, à inventer le neuf... en tentant de discréditer le vieux.



Jouer contre une simulation de Nimzowitsch ?

Beaucoup de bonnes simulations pour Nimzo :

Nimzowitsch pour Chessmaster 10 et 11

Chessmaster propose une simulation de Nimzo depuis la V4000. Celle de Chessmaster 10 et 11 est la plus fine. Si vous n'avez pas ce programme commercial, installez dans l'interface Arena la version UCI du moteur The King de Chessmaster et sélectionnez Nimzowitsch parmi les 49 simulations de grands maîtres disponibles. La personnalité est enrichie de deux bibliothèques d'ouvertures au format abk d'Arena.

Nimzowitsch pour Rodent III et IV, de Pawel Koziol

Nimzowitsch a été l'une des premières personnalités de grand maître proposées avec Rodent. Il y a eu un Nimzo pour Rodent II, qui a été actualisé pour Rodent III et Nimzo est finalement l'un des trois GM à accompagner Rodent IV. Une simulation savante et fidèle, accompagnée d'une excellente bibliothèque "Nimzowitsch". Voir "Nimzowitsch pour Rodent IV".
A noter : la vieille personnalité Nimzo pour Rodent III est toujours disponible.

Moteur Grand Maître Nimzowitsch

Cette personnalité existe aussi sous la forme d'un "Moteur Grand Maître", moteur Rodent IV autonomisé avec la personnalité Nimzowitsch, déclinée en 10 niveaux de force, de 1200 à 3000 Elo, et accompagnée d'un jeu complet de bibliothèques pour s'adapter à la force choisie.


En savoir plus sur Nimzowitsch ?

Voici quelques pages utiles pour en savoir plus sur le grand théoricien hypermoderne :

Biographie de Nimzowitsch sur Wikipédia

Nimzowitch sur Chess.com : biographie succincte, quatre parties commentées, ouvertures préférées, sélection de 737 parties.

L'immortelle du Zugzwang, partie commentée de 1923, entre Aaron Nimzowitsch et Friedrich Sämisch.

Johner - Nimzowitsch, Dresde, 1926 : partie commentée considérée comme l'un des premières parties de l'histoire à afficher un style hypermoderne.

Nimzowitsch - Rubinstein, Dresde, 1926 : partie commentée dans laquelle Nimzo explore différentes facettes de la technique hypermoderne.



Rudolf Spielmann

Le dernier chevalier du gambit roi


Né en 1883 à Vienne dans une famille juive, Rudolf Spielmann était juriste de formation mais préféra embrasser, avec succès, la carrière de joueur d'échecs professionnel. Il fut même l'un des plus grands joueurs d'attaque de tous les temps, le dernier héritier de l'âge romantique des échecs. Malgré des faiblesses psychologiques qui minaient souvent la qualité de son jeu, le joueur autrichien s'est hissé dans les années 20 parmi les 10 meilleurs joueurs mondiaux. La progression du nazisme dans les années 30 l'a conduit à fuir en Tchécoslovaquie, en Hollande puis enfin en Suède. Sa carrière de joueur d'échecs en a été considérablement contrariée. Il est mort à Stockholm en 1942, dans le dénuement.


Le maître de l'attaque


Petit homme aimable, doux et fragile, Spielmann était tout le contraire sur un échiquier.  Peu de joueurs auront eu un jeu aussi agressif et pugnace. Il jouait en effet uniquement pour gagner et il est resté comme l'un des joueurs au monde ayant concédé le moins de parties nulles.  Son très beau style tactique et prompt à l'échange pouvait paraître démodé car l'époque de Spielmann était celle du jeu "scientifique", positionnel et défensif. Ses ouvertures tranchantes favorisant les jeux ouverts n'étaient plus guère pratiquées que par lui, ce qui lui a valu les qualificatifs de "dernier chevalier du gambit roi" ou de "dernier des romantiques". De fait, son style s'apparentait à celui de Tchigorine ou d'Anderssen, y compris dans le choix des ouvertures. Toutefois, Spielmann avait pris soin d'étudier le jeu positionnel et les principes de la défense ne lui étaient pas du tout inconnus. Tout cela a fait de lui le "maître de l'attaque", le dernier des artistes de l'échiquier, au style tactique brillant et audacieux, très apprécié des amateurs d'échecs.


Apport théorique

J'ai souvent lu que le style de Spielmann était proche de ceux d'Anderssen et de Tchigorine, notamment par le choix des ouvertures. En regardant son jeu de plus près, on s’aperçoit que nous avons typiquement affaire à un "attaquant sacrificiel", comparable à Mikhaïl Tal, plutôt qu'à un romantique tardif.  Spielmann a été d'ailleurs le premier joueur à théoriser la notion de sacrifices, posant des notions telles que le sacrifice de qualité positionnelle ou les sacrifices spéculatifs et perturbateurs ; ces derniers étant utilisés non pour débuter une séquence tactique avec un but à la clé mais pour pulvériser la position, priver l'adversaire du secours de ses schémas habituels. Ces conceptions ont été formalisées dans son livre le plus connu, "L'art du sacrifice aux échecs". Cet apport théorique, pour important qu'il ait été dans l'histoire des échecs, est relativement oublié aujourd'hui car les connaissance en matière de défense ont  tellement progressé depuis Tal que plus aucun joueur de haut niveau ne peut se risquer à un sacrifice purement spéculatif.  


Carrière échiquéenne

Même dans sa période la plus faste, Spielmann a toujours eu des résultats irréguliers. Il a gagné nombre de grands tournois internationaux et à battu un jour ou l'autre tous les grands joueurs de son époque, y compris Steinitz, mais il peinait à concrétiser car il résistait mal à la pression et s'effondrait souvent après plusieurs parties géniales. Ainsi, il n'a jamais été considéré comme un prétendant sérieux au titre mondial. En revanche, sa présence donnait toujours du prix à un tournoi car les amateurs adoraient son jeu risque-tout et plein de surprises.



Jouer contre une simulation de Spielmann ?

Spielmann version Chessmaster 4000 Turbo

Jusqu'ici, il n'y avait  qu'une simulation du jeu de Spielmann, celle qui était associée aux vieux Chessmaster 4000. Ce profil n'était vraiment pas génial et il était difficile, avec les bibliothèques associées, de lui voire jouer le gambit du roi ou de Vienne. Il n'a d'ailleurs pas été repris dans les dernières versions de Chessmaster.

Spielman pour Rodent IV, par Rob Robinson

Pris au jeu,  j'ai décidé de développer une version pour Rodent IV. Elle doit être considérée pour ce qu'elle est : une ébauche, un peu grossière. Mais certainement bien meilleure que celle de Chessmaster 4000 et utilisant au moins une vraie bibliothèque dédiée - que j'ai pris la peine de construire pour l'occasion. Voir "Rudolf Spielmann pour Rodent IV ?"

Moteur Grand Maître Spielmann

Cette personnalité a été intégrée à la série des "Moteurs Grand Maître", moteur Rodent IV autonomisé avec la personnalité Spielmann, déclinée en 10 niveaux de force, de 1200 à 3000 Elo, et accompagnée d'un jeu complet de bibliothèques pour s'adapter à la force choisie.


En savoir plus sur Spielmann ?


Voici quelques pages utiles pour en savoir plus sur le dernier romantique :

Biographie de Spielmann sur Wikipédia

Spielmann sur Chess.com : biographie succincte, deux parties commentées, ouvertures préférées, sélection de 1332 parties.

Voir aussi sur Chess.com l'article "Rudolf Spielmann, le gentleman mortel !" avec plein de petits "puzzle" à résoudre.



Richard Réti

L'hypermoderne

Richard Réti est né en 1889 à Pezinok, près de Bratislava ; il est mort en 1929 à Prague, à 40 ans, emporté prématurément par une poussée de Scarlatine. Il est donc né Hongrois, puis est devenu Tchécoslovaque après la première guerre mondiale, comme sa région d'origine.  Il fut l'un des meilleurs joueurs du monde de 1918 jusqu'à sa disparition, mais aussi l'un des plus grand théoriciens du jeu, inventeur du fameux "début Réti" et cofondateur de l'école hypermoderne des échecs.


Richard Réti est issu d'un milieu juif éduqué et aisé de Hongrie. C'est son père, médecin, qui lui apprend à joueur à six ans et le petit garçon s'avère très vite capable de le battre. Il ne lâche plus le jeu et à 12 ans soumet un problème d'échecs à une publication, première manifestation d'une grande carrière de journaliste d'échecs. Carl Schlechter, grand joueur autrichien, le remarque et l'introduit dans le club d'échecs de Vienne.

Réti se fait remarquer en 1907 en obtenant la septième place du championnat national Hongrois. Il est loin cependant d'être une grosse pointure et, contrairement à d'autres joueurs, il a de grandes capacités mais n'est pas un prodige. Sa rencontre avec Gyula Breyer, un joueur très doué lui aussi, avec qui il s'est lié d'amitié, a certainement été déterminante dans son parcours. Partageant les mêmes conceptions théoriques novatrices, ils s'entraidèrent et élaborèrent ensemble une conception nouvelle des échecs. Ils seront avec Aaron Nimzowitsch, les fondateurs de l'école hypermoderne.




Carrière échiquéenne

Réti et Gyula Breyer commencent à accumuler les succès dans les tournois locaux, puis nationaux mais lorsque les premières perspectives de tournois à l'étranger se profilent, tout est remis en cause par le déclenchement du premier conflit mondial.
Réti refait surface en 1918. Entre temps, il a terminé ses études secondaires et poursuivi à l'université des études de mathématique. A la fin de la guerre, il terminait une thèse de doctorat mais égarait le manuscrit de sa thèse. C'est à ce moment que l'opportunité de devenir professionnel des échecs se profile.  La fédération d'échecs  hollandaise lui propose de s'établir en résidence dans le pays comme maître d'échecs. Il accepte et se tourne à 100% vers le jeu.  Les premiers succès s’enchaînent : vainqueur à Rotterdam en 1919, à Amsterdam, à Vienne et surtout à Göteborg, en  1920, où, à la surprise générale, il passe devant Tarrasch, Rubinstein, Bogoljubov, Mieses et Aaron Nimzowitsch.
Les années 1921 à 1926 sont un peu en dents de scie, car Réti n'est pas totalement impliqué dans la compétition. Il s'est lancé dans le journalisme, chroniquant les échecs pour plusieurs journaux autrichiens et allemands, et travaille à ses premières études théoriques. C'est en 1921 qu'il a rédigé "Les idées modernes aux échecs", grand classique de la littérature échiquéenne et premier manifeste du courant hypermoderne.
En 1922 et 1923, il participe cependant à de nombreux tournois. Il gagne à Teplitz-Schönau devant l'élite mondiale et engrange quelques belles secondes places. Mais son fait d'arme le plus marquant sera de battre le champion du monde José Raúl Capablanca, à New York, en 1924. Le Cubain, que l'on surnommait "
chess  machine", était alors considéré comme pratiquement invincible. La partie est restée assez célèbre, notamment parce que Réti y employa l'ouverture qui porte aujourd'hui son nom (1. Cf3 suivi de 2. c4 sans d4).
En 1925, Réti fait un long voyage au Brésil et se détourne de la compétition. Le fait le plus marquant de cet époque est assez anecdotique : Réti établit de record du monde de parties jouées simultanément à l'aveugle : 29 parties, 21 gagnées, deux perdues, six nulles.
Il revient à la compétition en 1927 et obtient quelques bons résultats en 1928, avec une première place à Vienne et à Giessen. En 1929 il remporte encore le tournoi de Stockholm et fait une nouvelle pause pour terminer "Les Maîtres de l'échiquier". L'ouvrage sera publié incomplet après son décès.



Grand théoricien de l'hypermodernisme

C'est pour ses œuvres théoriques plus que pour ses titres échiquéens que Réti est passé à la postérité. Il avait l'étoffe d'un champion du monde mais était trop absorbé par ses activités de journaliste, d'essayiste et de théoricien du jeu. Sa victoire contre Capablanca s'est appuyé sur une ouverture nouvelle dont le but est d'occuper indirectement le centre. Cette partie a joué un rôle important dans la propagation des conceptions théoriques de Réti, qui se basait notamment sur une série d'ouvertures dites "de flanc", refusant l'occupation prématurée du centre, mais s'assurant de son contrôle indirect et à distance ;  quitte à laisser l'adversaire occuper lui-même le centre, tout en préparant les pions qui pourraient l'attaquer et ruiner cette position le moment venu. Cette tactique s'appuie sur la mise en fianchetto des fous et sur l'attaque du centre adverse par les pions de flancs...
Voici une liste non exhaustive de ces ouvertures :
Pour les blancs :
➤le début Réti (1. Cf3 d5 2. c4 )
➤les ouvertures anglaises (1. c4 )
➤L'attaque Nimzo-Larsen (1. b3 e5 2. Fb2 Cc6 3. e3 d5 4. Fb5 Fd6 5. f4)
Pour les noirs :
➤la défense Alekhine (1. e4 Cf6 2. e5 Cd5 3. d4 d6 4. Cf3)
➤la défense est-indienne (1.d4 Cf6 2.c4 g6 3.Cc3 Fg7 4.e4 d6)
➤la défense ouest-indienne (1.d4 Cf6 2.c4 e6 3.Cf3 b6)
➤la défense nimzo-indienne (1.d4 Cf6 2.c4 e6 3.Cc3 Fb4.)
➤la défense Grünfeld (1.d4 Cf6 2.c4 g6 3.Cc3 d5)
➤la défense Moderne (1.e4 g6, avec un développement précoce du Fou g7 en fianchetto)
➤la défense Nimzowitsch (1.e4 Cc6)
Réti a critiqué le dogmatisme de l'école classique, dans laquelle les échecs s'étaient un peu figés, mais il était beaucoup plus mesuré que Nimzowitsch, et beaucoup moins arrogant. Il admirait Tarrasch, alors que Nimzowitsch ne manquait jamais une occasion de tourner en dérision les principes du représentant majeur de l'école classique à leur époque. Ses conceptions furent formulées dans plusieurs ouvrages théoriques qui enrichirent considérablement la connaissance des échecs et connurent un grand succès. Ses œuvres les plus importantes :
➤"Les Idées modernes aux échecs"
➤"Les Maîtres de l'échiquier"


Style  : naturellement hypermoderne

Grand théoricien, Réti met naturellement en œuvre les principes hypermodernes qu'il a généreusement formulé. Peu disposé à occuper le centre directement, il joue souvent le système qui porte son nom (Système Réti, 1. Cf3), la défense Alekhine (1. e4 Cf6) et les ouvertures permettant la mise en fianchetto du fou. Il avance lentement et avec prudence, en prenant soin de conserver une position très solide. Malgré ce jeu fortement positionnel, Réti avait un jeu assez équilibré entre attaque et défense. C'était un bon tacticien, capable de combinaisons d'attaque brillantes.



Jouer contre une simulation de Richard Réti ?

Réti pour Chessmaster 10 et 11

Une simulation de réti existe dans toutes les versions de Chessmaster depuis la V4000. La meilleure est celle que proposent les version 10 et 11 de Chessmaster. Si vous n'avez pas ce programme commercial, installez dans l'interface Arena la version UCI du moteur The King de Chessmaster et sélectionnez Réti parmi les 49 simulations de grands maîtres disponibles. La personnalité est enrichie de deux bibliothèques d'ouvertures au format abk d'Arena.

Réti version Rodent III et IV, de Pawel Koziol

Pawel Koziol, auteur du moteur Rodent, à développé une simulation de Réti pour Rodent III. Elle est toujours disponible mais je vous invite plutôt à utiliser la convertion que j'en ai fait pour la dernière version du moteur, Rodent IV. C'est la simulation la plus fine actuellement disponible pour Richard Réti. Voir "Richard Réti pour Rodent IV".

Moteur Grand Maître Réti

Cette personnalité existe aussi sous la forme d'un "Moteur Grand Maître", moteur Rodent IV autonomisé avec la personnalité Réti, déclinée en 10 niveaux de force, de 1200 à 3000 Elo, et accompagnée d'un jeu complet de bibliothèques pour s'adapter à la force choisie.


En savoir plus sur Réti ?

Voici quelques pages utiles pour en savoir plus sur le grand théoricien hypermoderne :

Biographie de Réti sur Wikipédia

Réti sur Chess.com : biographie succincte, sept parties commentées, ouvertures préférées, sélection de 757 parties de Réti.



Alexandre Alekhine

Des échecs classiques aux échecs modernes


Né en Russie en 1892 et mort à Estoril (Portugal) en 1946, à l'âge de 54 ans, Alexandre Alekhine est un joueur d'échecs russe, naturalisé français en 1927, champion du monde des échecs de 1927 à 1935 et de 1937 à sa mort.


Alexandre Alekhine est issu d'une riche famille aristocratique (par son père) et bourgeoise (par sa mère) de l'empire russe. Son frère aîné lui apprend à jouer aux échecs vers l'âge de sept ans mais il n'a pas le coup de foudre pour le jeu. Il a 10 ou 11 ans lorsque son frère participe à une simultané à l'aveugle donnée par Harry Nelson Pillsbury. Le joueur américain affronte les yeux bandés ce jour là 22 adversaires. Il gagne 17 parties, concède 4 nulles et perd une seule partie. Alekhine est époustouflé et se lance dans le jeu avec acharnement. Il est mordu !




L'ascension

Le premier succès est enregistré en 1909 : il remporte un tournoi de joueurs amateurs venus de toute la Russie. L'année d'après ce sont les tournois d'automne et d'hiver du Club d'Échecs de Moscou qu'il gagne ; il donne aussi sa première démonstration publique de jeu à l'aveugle, affrontant 22 joueurs. Résultats : +15 -1 =6. Aussi bien que Pillsbury !
Son ascension se poursuit au niveau national, puis il accède à certains évènements internationaux, où il est encore loin de gagner mais où il fait bien mieux que de la figuration.


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Alexandre Alekhine  (George Grantham / Bain Collection, bibliothèque du Congrès des États-Unis / Pas de précision ni sur la date ni sur le lieu)

Il émerge véritablement de la masse en 1914, en partageant avec Nimzowitsch la première place du tournoi des maîtres russes et, surtout, en décrochant la troisième place du tournoi de Saint-Pétersbourg. Devant lui, Lasker et Capablanca. Derrière, Tarrasch, Marshall, Bernstein, Rubinstein, Nimzowitsch, Blackburne, Janowski et Gunsberg. L'ensemble des participants représentent le plus gros de l'élite échiquéenne de l'époque.


La parenthèse du premier conflit mondial

Par malchance, Alekhine participe au tournoi de Mannheim, en Allemagne, lorsque la guerre éclate. Il est fait prisonnier mais est libéré après quelques semaines d'internement. Il retourne en Russie, participe à la guerre dans une unité sanitaire, est blessé deux fois... Puis 1917, la révolution russe, qui lui pose bien des problèmes. Ses origines aristocratiques ne plaident pas en sa faveur. Il n'est plus autorisé à participer à des tournois, survit en donnant des démonstrations de jeu à l'aveugle, est soupçonné d'espionnage... Incarcéré à Odessa, il manque d'être exécuté mais s'en sort miraculeusement, parce que le premier ministre ukrainien est un amateur d'échecs.
Puis sa situation s'améliore un peu. Les bolchéviques prennent peut-être conscience de détenir le meilleur joueur d'échecs du monde... Le fait est qu'on le laisse à nouveau jouer et qu'il remporte le championnat d'URSS avec le score parfait de 11 points sur 11 possibles.
En 1921, la Tchéka l'arrête à nouveau. Il est vite libéré mais il en a assez de l'Union Soviétique. A l'occasion de son voyage de noce en Lettonie, il fuit en Allemagne puis, plus tard, en France.
Alekhine cherche à obtenir sa naturalisation dès 1924 mais les autorités françaises craignent d'avoir affaire à un espion bolchévique.  Il faudra l'intervention de la FIDE, nouvellement créée à Paris, et la perspective du tournoi des nations, qui doit avoir lieu en juillet 1927, pour que les autorités signent le décret de naturalisation d'Alekhine.  Trop tard pour qu'il participe en tant que français au tournoi des nations. Mais assez tôt pour le championnat du monde.



Champion du monde inattendu en 1927

Faute d'adversaires à affronter, Alekhine a beaucoup moins joué dans les années précédentes ; il en a profité  pour explorer en profondeur tous les compartiments du jeu, accumulant un énorme savoir théorique. Sa force en est fortement accrue mais les événements auxquels il a participé entre 1924 et 1927 n'ont pas attiré l'attention. Lorsqu'il se présente devant Capablanca en 1927, pour la remise en jeu du titre de champion du monde, il n'y a pas grand monde pour parier sur lui. D'autant qu'Alekhine n'avait jamais réussi à prendre le dessus sur le cubain, jusque-là.  Il a d'ailleurs eu bien du mal à rassembler les fonds nécessaires.

Portrait d'Alekhine en 1913 (auteur inconnu) =>


Le match a lieu à Buenos Aires. Le gagnant est celui qui remporte le premier six parties. La confrontation dure des semaines. A la 34eme partie, Alekhine gagne sa sixième partie,  Capablanca n'en a que trois. Il doit céder le titre. Alekhine le conservera jusqu'en 1935, date de sa défaite contre Max Euwe, un joueur moins talentueux que lui mais qui a pu bénéficier d'un relâchement du champion français. Alekhine s'entraînait moins, fumait et buvait beaucoup. Il est même venu visiblement éméché à certaines des parties contre Max Euwe. Après cette cuisante défaite, il remet de l'ordre dans sa vie, cesse de boire et de fumer. Il regagne facilement le titre en 1937 et le conservera jusqu'à sa mort en 1946.  
Toutefois beaucoup de reproches lui seront fait à ce sujet. Certains biographes soutiennent qu'Alekhine a toujours soigneusement évité une nouvelle rencontre avec Capablanca, préférant affronter des joueurs moins forts, tel Bogolioubov en 1929. Mais d'autres affirment que les conditions posées par Capablanca étaient inacceptables. Ces tractations de marchand de tapis ont prouvé en tout cas une fois de plus qu'il fallait au plus vite changer de système de sélection.


Alekhine (à gauche) affronte Capablanca pour le titre de champion du monde en 1927 (auteur inconnu).



"Echecs juifs et aryens..."

La période de la seconde guerre mondiale est elle aussi sujette à polémiques. De 1939 à 1943, Alekhine a peu joué et plutôt passablement. Mobilisé dans l'armée française, il sert dans une unité de renseignement jusqu'à la capitulation. Il se trouve à Paris au début de l'occupation et obtient l'autorisation de se rendre en Espagne. Grace, son épouse américaine, reste dans leur vaste propriété de Dieppe. Il compte fuir avec elle pour les Etats-Unis, mais les allemands prennent Grâce en otage. Ils font pression sur Alekhine pour qu'il publie sous son nom un article appelé "Echecs juifs et aryens". La thèse est vraiment nauséabonde ; elle prétend qu'il y a une façon aryenne de jouer aux échecs, offensive et courageuse, et une façon juive, défensive et lâche.
Alekhine s'est toujours défendu d'avoir écrit ce texte (et d'autres, tout aussi antisémites) et on ne sait toujours pas aujourd'hui s'il en partageait peu ou prou le contenu. Quoiqu'il en soit, il cède aux exigences des allemands au minimum en prêtant son nom. Cela lui vaut à la fin de la guerre d'être accusé de collaboration avec les nazis et d'être interdit des principales compétitions internationales. On parle même de lui retirer son titre. Mais Alekhine, à qui la Russie manque, cherchait depuis 1939 à restaurer ses relations avec l'Union Soviétique. Il n'a cessé de donner des gages et les Russes se sont avérés réceptifs. A la fin de la guerre, ils veulent un championnat du monde Alekhine-Botvinnik, estimant peut-être que quel que soit le vainqueur, ils seront gagnants : ce sera un russe ! Ils font pression sur la FIDE, Alekhine conserve son titre et le match avec Botvinnik s'organise. Mais le champion sortant meurt chez lui, à Estoril (Portugal), probablement d'un accident cardiaque. Dépressif, il avait recommencé à fumer et à boire énormément.  


Grand théoricien des échecs


Bien que déjà doté d'un sens tactique très aigu, Alekhine a compris qu'il pouvait encore améliorer son jeu en étudiant les échecs de manière systématique. Sa théorie des ouvertures est à elle seule une contribution majeure, avec des variantes nouvelles telles "la défense Alekhine", célèbre bien que peu jouée aujourd'hui. Mais il a aussi étudié en profondeur toutes les autres phases du jeu et écrit un grand nombre de livres qui ont considérablement enrichi la connaissance des échecs. L'ensemble a formé une très solide synthèse entre l'école classique et les écoles plus modernes, comme l'hypermodernisme.
Deux ouvrages sont encore beaucoup lus aujourd'hui. "Mes meilleures parties (1908-1923)", recueil de jeux commentés par Alekhine lui-même, est régulièrement cité comme un des meilleurs livres jamais écrits sur les échecs. "New York 1924" est un commentaire du fameux tournoi au cours duquel Alekhine affronta Emmanuel Lasker et Capablanca. Il est assorti d'un long article théorique faisant le point sur les nouveautés apparues au cours de ce tournoi en matière d'ouvertures.


Style : un jeu tactique-offensif soutenu par la science positionnelle

Du point de vue du style, Alekhine est toujours resté un joueur tactique et offensif. Il était réputé pour ses attaques brutales, montrant une grande habileté pour les combinaisons. Ce qui le différencie essentiellement des romantiques c'est la richesse de ses connaissances positionnelles. La faiblesse des romantiques venait de leur manque de maîtrise des fragilités créées par leurs attaques débridées.


Alekhine au début des années 1920 (auteur inconnu) =>

Rien de tel avec Alekhine, qui sait en toute circonstance maintenir une position solide et défendable. Il faisait preuve par ailleurs d'un matérialisme modéré et avait une certaine prédilection pour la paire de fous, qu'il employait avec une grande efficacité.



Jouer contre une simulation d'Alekhine ?

Pour Alekhine, nous n'avons que l'embarras du choix :

Alekhine pour Chessmaster 10 et 11


Les dernières versions de Chessmaster proposent une bonne simulation d'Alekhine. Si vous n'avez pas ce programme commercial, installez dans l'interface Arena la version UCI du moteur The King de Chessmaster et sélectionnez Alekhine parmi les 49 simulations de grands maîtres disponibles. La personnalité est enrichie de deux bibliothèques d'ouvertures au format abk d'Arena.

Alekhine, moteur "GM" de Lucas Chess

L'interface Lucas Chess propose elle aussi une simulation d'Alexandre Alekhine, dans sa série de 16 moteurs "GM". Elle est d'un niveau de précision comparable à ce que proposait Chessmaster. Elle est de plus accompagnée d'une bibliothèque d'ouvertures dédiée. Pour l'utiliser, il suffit d'installer sur votre ordinateur cette belle interface d'échecs gratuite. Les personnalités "GM" sont immédiatement disponibles.


Alekhine-Prodéo

Ed Schröder a développé un profil Alekhine, pour accompagner son moteur Prodéo. Voir Alekhine pour Prodeo...

Alekhine pour Rodent III et IV, de Pawel Koziol

Pawel Koziol a développé une personnalité Alekhine pour Rodent II et cette très vieille version n'a jamais été actualisée. Elle est donc assez approximative. Toutefois, je propose aussi une personnalité "Alekhine" pour Rodent IV, construite à partir de la vieille simulation pour Rodent II.  Voir "Alekhine pour Rodent IV".

Moteur Grand Maître Alekhine

Cette personnalité existe aussi sous la forme d'un "Moteur Grand Maître", moteur Rodent IV autonomisé avec la personnalité Alekhine, déclinée en 10 niveaux de force, de 1200 à 3000 Elo, et accompagnée d'un jeu complet de bibliothèques pour s'adapter à la force choisie.


En savoir plus sur Alekhine ?


Biographie d'Alekhine sur Wikipédia

Alekhine sur Chess.com : biographie succincte, quatre parties commentées, ouvertures préférées et 2354 parties du quatrième champion du monde.

Bogoljubov - Alekhine, Hastings, 1922 : célèbre partie d'échecs disputée lors du tournoi de Hastings le 21 septembre 1922

La Perle de Zandvoort : célèbre partie d'échecs jouée le 3 décembre 1935 à Zandvoort aux Pays-Bas lors du championnat du monde d'échecs 1935 entre le challenger Max Euwe et le champion du monde Alexandre Alekhine.



Salo Flohr

L'éternel réfugié


Salomon Flohr, souvent appelé par le diminutif "Salo", est né en 1908 à Horodenka, alors en Autriche-Hongrie - et maintenant en Ukraine - dans une famille juive.  Ses parents ont été victimes d'un pogrom durant la première guerre mondiale ; Salomon et son frère, devenus orphelins, ont pu trouver refuge en Tchécoslovaquie, où ils s'établirent.
Dans les années vingt, le talent de Flohr pour les échecs éclata. Au début des années trente, il était dans le peloton de tête des meilleurs joueurs mondiaux et beaucoup voyaient en lui le futur champion du monde. Il était un véritable héros dans son pays. Mais l'invasion de la Tchécoslovaquie par les troupes allemandes le contraignit à nouveau à s'enfuir, d'abord aux Pays Bas puis, devant l'avancée allemande, en Suède - d'où il fut contraint encore de fuir. Avec l'aide de Botvinnik, il pu gagner l'Union Soviétique, où il continua à jouer à haut niveau. Cependant, ces événements traumatisant affectèrent son caractère et son style de jeu. Très respecté en URSS, il se reconvertit dans le journalisme et devient l'un des piliers du chess sytem russe jusqu'à son décès en 1983.


Carrières échiquéenne

De 1928 à 1937, Salo Flohr participa à 42 tournois internationaux et en remporta une bonne moitié, tout en finissant deuxième ou troisième de la plupart des autres. C'était aussi un redoutable joueur d'olympiades, obtenant à titre individuel deux médailles d'or, une d'argent et une de bronze.
Ces brillants résultats lui ouvrirent les portes de la compétition pour le titre mondial. La FIDE le choisit pour être le challenger d'Alexandre Alekhine, en 1937 mais  il ne trouva pas l'argent pour participer à la compétition, l'imminence de la guerre faisant passer les échecs à l'arrière plan.

Une fois réfugié en URSS avec sa famille, il participa encore au tournoi AVRO de 1938, destiné à sélectionner l'adversaire d'Alekhine, mais il finit dernier, trop marqué par les événements récents.
Le championnat du monde n'aura finalement pas lieu, pour cause de seconde guerre mondiale, mais Flohr semblait encore dans la course après la guerre. Il se qualifia cependant avec quelques difficultés pour le tournoi des candidats de 1950 et finit dernier une fois de plus. Comme il l'a reconnu lui-même au début des années 70, il avait perdu sa combattivité et le goût de l'effort. Sa carrière échiquéenne était terminée.


Style de jeu

Au fil du temps, la manière de jouer de Flohr a beaucoup changé. Le style brillant et offensif des années trente a laissé la place dans les années quarante à un jeu hyper-défensif, d'une prudence extrême. Flohr avait perdu sa combativité, évitant comme la peste les positions risquées et acceptant la nullité à la moindre situation d'infériorité. Il privilégia les ouvertures tranquilles, qui s'accommodaient mieux de son jeu devenu ultra-positionnel.


Jouer contre une simulation de Flohr ?

Salo Flohr version Chessmaster 10 et 11

Les dernières versions de Chessmaster proposent une bonne simulation de Salo Flohr, basée toutefois sur le jeu post-seconde guerre mondiale du joueur russo-tchèque. Si vous n'avez pas ce programme, vous pouvez lancer le moteur The King version UCI depuis l'interface Arena et sélectionner celui de Flohr parmi les 49 profils de grands maîtres proposés. La simulation a retenu toutefois le style frileux et défensif du Flohr de fin de carrière, dont nous avons vu plus haut qu'il n'était pas vraiment représentatif des qualités de ce joueur.

Salo Flohr pour Rodent IV

J'ai développé pour Rodent IV une simulation de Salo Flohr représentant elle-aussi le jeu ultra-défensif de la période soviétique de ce joueur. Voir "Salo Flohr pour Rodent IV".



En savoir plus sur Flohr ?

Biographie de Salo Flohr sur Wikipédia

Flohr sur Chess.com : biographie succincte, une partie commentée, ouvertures préférées et 1035 parties de Flohr.


Flohr sur Chessgames.com



Max Euwe

Le plus fort des amateurs

Max Euwe est né en 1901 à Amsterdam, aux Pays-Bas ; il est  mort en 1981 dans la même ville.

Bien qu'il ait été champion du monde de 1935 à 1937, le Hollandais Max Euwe n'a pas marqué fortement de son empreinte le monde des échecs. Sans doute parce que, contrairement à tous les autres - ou presque - il est resté un amateur pour qui les échecs était moins une profession qu'un hobbie pratiqué avec passion. Docteur en mathématique, il fut avant-tout un enseignant et un universitaire, doublé d'un chercheur en mathématique et en informatique. Sur le plan théorique, son apport est modeste. Il a très bien joué, mais sans rien révolutionner. Il a écrit, souvent avec d'autres auteurs, de nombreux ouvrages pédagogiquement très réussis et dont certains sont encore appréciés aujourd'hui ; mais rien là-encore qui enrichisse vraiment la science des échecs.  

<- Photo : Max Euwe en 1963 - Par Harry Pot  (ANEFO)


Il a cependant beaucoup fait pour développer la disciplines aux Pays Bas. On se souvient aussi qu'il a été un très bon président de la FIDE, dans les années soixante-dix.


Bref champion du monde

Pour un joueur resté amateur, le palmarès de Max Euwe est impressionnant. En 1921, participant pour la première fois au tournoi d'Hastings, il réussit à battre Lasker à deux reprises. Champion des Pays-Bas en 1921 cette même année, il restera jusqu'en 1935 le champion national. Dans les années  vingt et trente, il participe à de nombreux tournois internationaux, en gagne beaucoup et pas uniquement des événements de second ordre. Il remporte notamment à trois reprises Hastings (1924, 1931, 1935). Alors qu'il hésite encore au sujet de l'investissement qu'il est en mesure de consacrer aux échecs, il perd de peu un match d'entraînement contre Alekhine, ce qui le décide à poursuivre ses efforts.
En 1934, il lance un défi au champion du monde en titre qui relève le gant. La confrontation à lieu à l'automne 1935...

Le tort de Max Euwe sera d'avoir remporté ce match de justesse, à un moment où Alekhine n'était pas au mieux de sa forme. Le joueur Franco-Russe, dépressif et alcoolique, est venu visiblement éméché à certaines parties et ce fait est resté dans les anales. Après cette défaite, souvent considérée comme accidentelle, Alekhine a mis de l'ordre dans sa vie et n'a eu aucun mal, moins de deux ans plus tard, à reprendre le titre à Max Euwe. Le grand maître hollandais continua cependant à jouer à un haut niveau durant une vingtaine d'années, participant notamment à sept Olympiades. On se souvient qu'il fut aussi, de 1970 à 1978, un président de la FIDE respecté et apprécié, qui joua un rôle positif de modérateur dans le conflit entre Bobby Fischer et la FIDE lors du championnat du monde de 1972.

Max Euwe en 1945 (Photo Theo van Haren Noman / ANEFO) ->



Style

Max Euwe est l'un de ces joueurs dit "universel", au style assez équilibré entre tactique et stratégie positionnelle. Il n'avait pas la réputation d'être un brutal attaquant ; son jeu était habituellement solide et plutôt défensif ; mais il lui arrivait de créer la surprise en se lançant dans des positions déséquilibrées et à double-tranchant dont il sortait souvent victorieux, car il était aussi un excellent tacticien.
Il jouait fréquemment à la manière des hypermodernes lorsqu'il avait les blancs mais avec les noirs, il préférait les lignes classiques, mettant souvent en œuvre une défense slave.
Son jeu était clair, direct, méthodique et efficace mais sans grande originalité.


Jouer contre une simulation de Max Euwe ?

Trois possibilités existent :

Max Euwe, moteur GM de Lucas Chess

Le bref champion du monde a été pris comme modèle pour l'un des 16 moteurs "GM" de Lucas Chess. Téléchargez ma bibliothèque d'ouvertures obtenue à partir de 1640 parties gagnantes ou nulles du champion, en remplacement de la petit bibliothèque de Lucas Chess.

Max Euwe version Chessmaster : Max Euwe a également été simulé pour le jeu Chessmaster. Vous trouverez sur la  page dédiée à son moteur, The King, la possibilité de télécharger le profil Euwe ainsi que les trois bibliothèques d'ouvertures, "spécial Euwe",  à utiliser conjoibntement avec l'interface  Arena.

Max Euwe pour Rodent IV

C'est tout frais, il y a maintenant une personnalité Euwe pour le moteur Rodent IV ! Je l'ai développé en collaboration avec Fabien Sauser. Voir "Max Euwe pour Rodent IV ?"


En savoir plus sur Euwe ?


Biographie de Max Euwe sur Wikipédia

Euwe sur Chess.com
: biographie succincte, trois parties commentées, ouvertures préférées et 1775 parties de Max Euwe.

La Perle de Zandvoort : célèbre partie d'échecs jouée le 3 décembre 1935 à Zandvoort aux Pays-Bas lors du championnat du monde d'échecs 1935 entre le challenger Max Euwe et le champion du monde Alexandre Alekhine.



Reuben Fine

Celui qui aurait pu, un jour...


Reuben Fine est né à New York à 1914 et il est mort dans cette même ville en 1993, à l'âge de 78 ans. Joueur professionnel à partir du début des années 30 il fut l'un des meilleurs joueurs américains et, jusqu'à la seconde guerre mondiale, l'un des cinq meilleurs mondiaux. Injustement peu connu, il fait partie de ces joueurs qui, à l'instar de Kortchnoï, Keres ou Rubinstein, avaient tout pour être champion du monde mais ne l'ont pas été pour diverses raisons qui tiennent plus à l'adversité et au hasard qu'à un manque de capacités.
Après la guerre, Reuben Fine continua à jouer en professionnel quelques années mais il abandonna la compétition en 1951 pour se tourner vers la psychologie et la psychanalyse.


Carrière échiquéenne

Sur le territoire national, Reuben Fine a un palmarès contrasté. Alors qu'il remportait systématiquement l'US Open (7 fois en tout), il ne réussit jamais à conquérir le titre de champion des Etats Unis, qui revenait systématiquement à son rival américain de toujours, Samuel Reshevsky, juif orthodoxe d'origine polonaise au style fortement défensif.
Ses succès à l'international sont plus marquants. Il remporte dans les années trente beaucoup de grands tournois internationaux et il est le fer de lance de l'équipe olympique américaine, à qui il permet d'empocher l'or à trois reprises, en 1933, 1935 et 1937. En 1938, il arrive à égalité avec Paul Keres pour la première place du tournoi AVRO de 1938, qui avait pour but de sélectionner le challenger d'Alekhine pour le titre de champion du monde. Mais Alekhine disposant d'une certaine latitude pour le choix de son adversaire, les discussions traînent en longueur et retardent le début de la compétition. Le déclenchement de la seconde guerre mondiale mettra fin aux tractations.

Après la guerre et la mort d'Alekhine, Fine est invité par la FIDE à participer à un nouveau processus de sélection pour le titre de champion du monde, mais il décline. Les échecs ne lui rapportent plus de quoi vivre décemment et il prépare sa reconversion professionnelle. A cette période, il est absorbé par sa thèse de doctorat en psychologie. Il est également refroidi par l'incertitude qui pèse sur la tenue du championnat et par l'influence que les soviétiques exercent sur la FIDE, laquelle est complaisante avec l'habitude qu'ils ont prise de jouer entre eux des "parties de salon" afin de favoriser leur meilleur champion. On se souvient que ce fut l'un des points de discorde vingt ans plus tard entre la FIDE et Bobby Fischer.
Lorsque Fine obtint son doctorat en 1951, il abandonna la compétition.


Reuben Fine, essayiste

Si Reuben Fine n'a pas révolutionné les échecs, d'un point de vue théorique, il a été en revanche un essayiste de grand talent, auteur de quelques-uns des meilleurs ouvrages sur la discipline. Publié en 1941, Basic Chess Endings, un recueil d'analyses de fins de partie, est toujours considéré aujourd'hui comme un ouvrage majeur.
Autre livre de référence, The Ideas Behind the Chess Openings ("Les idées cachées dans les ouvertures d'échecs") s'intéresse aux ouvertures moins pour détailler une multitude de variantes que pour mettre à jour les principes qui les sous-tendent.
Alors qu'il ne jouait plus aux échecs qu'en amateur Reuben Fine a publié en 1956  The Psychology of the Chess Player,  une analyse du comportement du joueur d'échecs dans une perspective psychanalytique.



Style de jeu

Très fin connaisseur des ouvertures, Fine avait la réputation de baser son jeu sur un bon début de partie, recherchant l'initiative dès les premiers coups puis ne concédant plus aucune faiblesse. En réalité, il était un joueur beaucoup plus complet, à l'aise dans tous les compartiments du jeu, notamment dans les finales, qu'il maîtrisait aussi bien que les ouvertures. Son jeu était assez équilibré, mais davantage tourné vers l'attaque que la défense et affichant une préférence pour les lignes ouvertes.


Jouer contre une simulation de Reuben Fine ?

Chessmaster 10 et 11

Méconnu ou oublié, Fine avait bien besoin d'une franchise américaine pour lui rendre hommage. Sans Chessmaster et son moteur The King, il n'y aurait certainement aucune simulation du champion avorté. Vous pouvez lancer le moteur The King version UCI depuis l'interface Arena et sélectionner parmi les 49 profils de grands maîtres proposés celui de Fine. Sur la page consacrée au moteur de Chessmaster, vous trouverez également un lien pour télécharger trois bibliothèques d'ouvertures réalisées à partir des parties de ce joueur.

Rodent IV

Vous pouvez aussi employer ma propre simulation de Fine pour Rodent IV, que j'ai développé en me basant assez largement sur les paramètres du profil de Chessmaster. Voir "Reuben Fine pour Rodent IV".



En savoir plus sur Reuben Fine ?

Biographie de Fine sur Wikipédia

Fine sur Chess.com : biographie succincte, deux parties commentées, ouvertures préférées et 568 parties de Reuben Fine.




Samuel Reshevsky

L'enfant prodige

Né en 1911 dans une famille juive orthodoxe de Pologne, Samuel Reshevsky est mort en 1992 à New York. Il vivait aux Etats-Unis depuis 1920 et aura été longtemps le plus fort joueur américain.

Le petit samuel a été initié dès 4 ans aux échecs. A 8 ans il était déjà un très fort joueur, que ses parents promenaient un peu partout en Europe, pour des séances de parties simultanées qui apportaient de quoi vivre à la famille. Contrairement à beaucoup d'autres juifs d'Europe, les Reshevsky n'ont pas été piégés par la progression du nazisme. Ils ont émigré aux Etats-Unis dès 1920, attirés par les opportunités qu'offre le pays.


Reshevski affrontre plusieurs joueurs en simultané en France (1920 - photo d'archive du New York Time)

Sur le nouveau continent, les parents de Samuel, qui ont lourdement négligé son éducation, ont des ennuis avec la justice américaine. Le garçon de 13 ans a des carences éducatives dans tous les domaines. Ils obtiennent toutefois l'aide du philanthrope Julius Rosenwald, qui a perçu le potentiel de Samuel. Le deal est le suivant : les échecs seront mis entre parenthèses, le temps que le jeune homme rattrape son retard et apprenne un métier. Reshevsky, qui est un juif orthodoxe très pratiquant, respecte scrupuleusement sa part du marché. En 1934 il obtient un diplôme de comptabilité de l'université de Chicago, trouve un emploi de comptable et subvient alors aux besoins de sa famille. Il est revenu à la compétition dès 1931 mais ne s'implique à fond qu'en 1935.


Carrière échiquéenne

Reshevsky remporte le championnat américain Western Open, à Tulsa, en 1931, qui sera rebaptisé en 1939 l'US Open.  C'est l'une des plus vieilles compétitions américaines et l'une des plus prestigieuses, avec des prix élevés pour l'époque : 1000 dollars pour une première place, 500 pour une seconde...  En 1932 et 1933 il finit deuxième derrière Reuben Fine, son rival de toujours ; en 1934 il est premier ex æquo avec, une fois de plus, Reuben Fine.
Sur le territoire national, Reshevsky a gagné de 1936 à 1972 pas moins de sept fois le championnat des Etats-Unis. Les années où il ne l'a pas remporté, il arrive second.
1935 est l'année où les échecs redeviennent sa priorité. Sa carrière s'internationalise avec un deux premiers tournois gagnés en Angleterre, à Great Yarmouth d'abord puis à Margate où il bat le champion du monde en titre José Capablanca.  En 1936, il fait une très bonne performance, toujours en Angleterre, au tournoi de Nottingham : troisième avec 9,5 points sur 14 possibles, derrière Capablanca et Botvinnik. Reshevsky est bien l'un des meilleurs joueurs du monde, qui obtient sans peine sa qualification pour le tournoi AVRO de 1938, championnat du monde mythique. Il termine quatrième.
Puis il y a la longue parenthèse de la guerre et de ses suites. Reshevsky tente à nouveau sa chance en 1948 mais Botvinnik l'emporte, en partie du fait que les joueurs soviétiques perdent ou annulent leurs parties pour favoriser leur champion. Cette mauvaise habitude, qui a perduré pendant deux décennies, a provoqué le retrait de Reuben Fine et, plus tard, la fronde de Bobby Fischer contre la FIDE.
En 1953 le même scénario se reproduit : Reshevsky fait un très bon score, mais Smyslov fait encore mieux grâce aux parties de complaisance des autres joueurs soviétiques. C'est la fin de la course au titre pour Reshevsky, qui se replie sur le territoire américain. Au cours de sa longue carrière, il aura néanmoins battu sept champions ou futurs champions du monde : Lasker, Capablanca, Alekhine, Euwe, Botvinnik, Smyslov et Fischer.


Rivalité avec Bobby Fischer

En 1957, Reshevsky perd dans les grandes largeurs le championnat des Etats-Unis contre un gamin de 14 ans : Bobby Fischer. A 46 ans et avec la carrière qu'il a derrière lui, c'est une véritable humiliation ! Et le début d'une féroce animosité entre les deux joueurs. Reshevsky retrouve un peu de couleur en 1960, en devançant largement Fischer au tournoi de Buenos Aires puis en faisant jeu égal avec lui dans un match de 16 parties qui se termine au bout de 11 parties en raison d'un différent entre Fischer et les organisateurs. Reshevsky est déclaré gagnant par abandon. Il a refusé par la suite de participer à plusieurs olympiades (60, 62 et 66) pour lesquelles Fischer, champion des Etats-Unis, est le chef de file du premier plateau tandis que Reshevsky n'a que le second. Il a toutefois accepté de jouer sur un plateau inférieur en 1970 en présence de Fisher. Peut-être parce que ce dernier à affirmé en public que Reshevsky avait été certainement le joueur le plus fort des années cinquante et qu'il avait beaucoup de respect pour lui…


Le style

Reshevsky était bon dans tous les registres du jeu : excellent joueur de position mais également bon tacticien. Mais il n'était pas dans sa nature d'attaquer. Avant tout, c'était un défenseur acharné, qui ne lâchait jamais prise et acceptait rarement une offre de nullité. Il ne passait à l'offensive que si une occasion majeure se présentait. Il avançait lentement en début de partie, cherchant, souvent trop longtemps, à prendre l'avantage dès cette phase initiale. Sans y arriver toujours car il n'était pas un bon connaisseur des ouvertures. Et cette perte de temps partiellement inutile le conduisait fréquemment à poursuivre la partie avec un lourd handicap de temps, voire même en frisant le zeitnot. D'où en finale quelques bévues inhabituelles  pour un joueur de ce niveau.
Reshevsky appréciait les plateaux encombrés et lorsqu'il avait les blancs, il jouait généralement une ouverture du pion dame. En défense, il optait pour diverses variantes de la Nimzo-indienne (dont l'une porte  son nom) ou pour la Benoni. Avec les noirs, son répertoire était un peu plus large.


Jouer contre une simulation de Reshevsky ?

Reshevsky version Chessmaster 10 et 11

Célèbre joueur américain, Reshevsky ne risquait pas d'être absent de la liste de simulation de personnalités proposée par Chessmaster.  Le profil des versions 10 et 11 de Chessmaster est évidemment le plus fin. Vous trouverez sur la page dédiée au moteur The King de Chessmaster la possibilité de télécharger le profil Reshevsky ainsi que des bibliothèques d'ouvertures, "spécial Reshevsky",  à utiliser conjointement avec l'interface Arena.

Reshevsky pour Rodent IV

J'ai développé ma propre simulation de Reshevsky pour Rodent IV. Le style défensif et positionnel de Reshevsky était au demeurant assez facile à simuler. Ce profil constitue certainement l'imitation la plus aboutie disponible aujourd'hui. Voir "Reshevsky pour Rodent IV".


En savoir plus sur Reshevsky ?

Reshevsky sur Wikipédia (fiche en anglais, plus détaillée)


Reschevsky, dans la série "Grand joueurs d'échecs" de Chess.com: biographie, six parties commentées, ouvertures les plus fréquentes, sélection de 1729 parties.


Article d'Europe Echecs sur Reshevsky : biographie, beaucoup de photos, quatre parties commentées par Reshevsky lui-même…




Xavier Tartakover

Le plus romanesque des joueurs d'échecs


Savielly Grigorevitch Tartakover*, dit Xavier Tartakover, est né à Rostov-sur-le-Don en Russie en 1887,  d'un père autrichien et d'une mère polonaise, tous deux d'origine juive.  Il est mort en 1956, en France. Il a été l'un des plus grands joueurs d'échecs de l'entre-deux-guerres et un théoricien important du mouvement hypermoderne.


Un personnage hautement romanesque

La vie de Tartakover aura été on ne peut plus romanesque, pleine de drames, surprises et rebondissements. Ses parents ont fui l'URSS alors qu'il avait 12 ans. Il obtint son bac à Genève, en Suisse, puis poursuivit ses études à Vienne, en Autriche, où il décrocha un doctorat en Droit. Il avait 24 ans lorsqu'il apprit que ses parents, retournés à Rostov,  avaient été assassinés lors d'un pogrom antisémite**.

<- Tartakover encore jeune (date et auteur inconnus)

Il a passé la première guerre mondiale dans les rangs de l'armée austro-hongroise, s'installa ensuite à Paris mais prit la nationalité polonaise - dont pourtant il ne parlait pas la langue. Membre de l'équipe olympique polonaise, il était avec Miguel Najdorf à Buenos Aires pour les 8eme olympiades de 1939 , lorsque la Pologne a été envahie par l'Allemagne. Najdorf resta en Argentine mais Tartakover rejoignit la France et s'engagea dans l'armée. Après la débacle et sa fuite à Oran, il se rendit à Londres pour offrir ses services aux forces françaises libres du général de Gaulle. Il participa à la résistance française sous le pseudonyme de "lieutenant Cartier". Il adopta définitivement la nationalité française lorsque la Pologne, après la guerre, tomba dans le giron soviétique.

Tartakover était un personnage haut en couleur, souvent à contre-courant, pourvoyeur de jeux de mots savoureux, d'un caractère jovial mais pas toujours facile.  Il avait deux passions, l'une lui rapportait beaucoup d'argent, les échecs, et une autre lui en faisait perdre plus encore, les jeux d'argent.  Les casinos l'ont conduit progressivement à la misère.


Carrière échiquéenne


Tartakover a découvert le jeu assez tardivement, durant ses études de droit en Autriche mais il est vite devenu un brillant amateur. Il obtint ses premiers grands succès après la première guerre mondiale. Durant les années de 1930 à 1935 il gagna beaucoup de tournois prestigieux, tels les tournois de Hastings (1924, 1926, 1927), de Londres (1927), de Pologne (1935, 1937)... il permit à l'équipe polonaise de remporter plusieurs médailles lors des olympiades d'échecs... Il aurait pu prétendre au titre mondial mais sa concentration n'était pas constante. Il craquait souvent à la fin des épreuves, ruinant par de grosses gaffes des jours d'efforts fructueux.

Tartakower dans les années 50 (auteur inconnu) ->


Après la seconde guerre mondiale, il décida de devenir professionnel, mais ses résultats ont été moins brillants. Il remportera tout de même une quatrième fois le tournoi de Hastings, en 1946 et amènera une médaille d'or à la France à l'olympiade d'échecs de 1950. C'est durant cette période en revanche que ses talents de pédagogue et de journaliste des échecs s'affirmèrent.


Style

Dans le domaine des échecs aussi Tartakover était fantasque.  Ce n'est pas un joueur qu'il est facile de définir par son style. Bon en attaque comme en défense, il était surtout connu pour explorer des sentiers peu fréquentés, notamment en matière d'ouvertures.  Ses coups excentriques, ses ouvertures improbables n'étaient pas toujours des paris gagnants mais ils avaient au moins le mérite de déstabiliser ses adversaires. Tartakover cherchait généralement à obtenir un avantage dans l'ouverture, en employant des lignes peu usitées, voire nouvelles, ce qui lui permettait souvent d'obtenir un gain positionnel ou tactique, quand cela ne se retournait pas contre lui...


Apport théorique

Plus que tout autre, il employait quantité d'ouvertures différentes, aussi bien avec les blancs qu'avec les noirs. Se réclamant de l'école hypermoderne (c'est lui qui a popularisé l'appelation) Tartakover aura été un explorateur insatiable de territoires inconnus en matière d'ouvertures. Plusieurs sont restées célèbres:
➤L'ouverture 1.b4, appelé par Tartakover lui-même l'ouverture "Orang-Outang", utilisée pour la première fois à New York en 1924.
➤Les ouvertures "catalanes", baptisées ainsi parce que Tartakover les a employées massivement à Barcelone en  1929. Elles consistent, pour les blancs, à combiner la mise en fianchetto du fou Fg2 avec le duo de pions blancs d4 et c4.
➤ La "variante Tartakover du Gambit dame"  (1.d4 d5 2.c4 e6 3.Cc3 Cf6 4.Fg5 Fe7 5.e3 0-0 6.Cf3 h6 7.Fh4 b6). Beaucoup de très grands joueurs l'ont utilisée et l'utilisent encore.
Une bonne vingtaine de variantes d'ouvertures déjà connues portent aussi son nom.

Tartakover a publié une trentaine de livres, dont certains ont été de grands succès, notamment:
➤ "La Partie d'échecs hypermoderne" (1925)
➤ Le "Bréviaire des échecs" (1934). Ce dernier n'est pas un ouvrage théorique mais un livre d'initiation qui a été lu par des générations de joueurs débutants.
Écrivant pour de nombreuses revues spécialisées, il a été un brillant commentateur de l'actualité échiquéenne, se voyant même décerner un titre officieux de "Champion des journalistes d'échecs".

Jouer contre une simulation de Tartakover ?

Tartakover version Chessmaster 10 et 11


Le moteur de Chessmaster, The King, est doté d'une personnalité "Tartakover". Installez le moteur dans l'interface Arena et depuis le menu de configuration, choisissez la personnalité Tartakover parmi les 49 profils de grands maîtres. N'oubliez pas de guider Arena vers l'une des trois bibliothèques que j'ai construites à partir d'un échantillon de 1290 parties de ce joueur.

Tartakover pour Rodent IV

En me basant sur les paramètres de la simulation de Chessmaster, j'ai développé une simulation de Tartakover pour Rodent IV, avec un jeu de bibliothèques d'ouvertures obtenu avec 1700 parties du joueur franco-polonais. Voir "Tartakover pour Rodent IV".



En savoir plus sur Tartakover ?

Biographie de Tartakover sur Wikipédia

Article de Georges Bertola sur Europe Echecs : Biographique très bien documentée et articulé autour du commentaire d'une partie de 1922 jouée entre Tartakover et Geza Maroczy.

Tartakover sur Chess.com : biographie succincte, deux parties commentées, ouvertures préférées et 568 parties de Tartakower.

Maróczy - Tartakover, Teplitz-Schönau, 1922 : fameuse partie considérée comme la meilleure de Tartakover et couronnée par un troisième prix de beauté lors du tournoi de Teplitz-Schönau tenu en février-mars 1922.

* Comme pour beaucoup de personnalités venues des pays de l'est ou de Russie, l'orthographe du nom est très variable. J'ai retenu une fois pour toute "Tartakover" mais on trouve fréquement d'autres orthographes, en particulier dans les collections de parties.
** Le fait n'est pas établi avec certitude. Pour certains biographes, les parents de Tartakover ont été victimes d'un banal crime crapuleux...




Efim Bogolioubov

Ukrainien de naissance, Allemand par nécessité

Efim Bogolioubov est né à Kiev, en Ukraine,  en 1889, alors que la région était sous la tutelle de l'empire Russe, puis, plus tard,  de l'Union Soviétique. Naturalisé Allemand en 1926, il s'est installé définitivement en Allemagne où il est mort en 1952, à l'âge de 63 ans. Il aura été, dans l'entre-deux guerre, le plus fort des grands maîtres Allemands et l'un des meilleurs joueurs mondiaux.


Une carrière échiquéenne perturbée par les guerres


Comme beaucoup de joueurs européens, Bogolioubov a vu sa carrière  perturbé par les conflits qui ont secoué l'Europe au vingtième siècle. En 1914, à 25 ans, il était une étoile montante des échecs dans l'empire russe et débutait une prometteuse carrière internationale. Il participait au tournoi de Mannheim au moment de la déclaration de guerre et se retrouva piégé en Allemagne avec dix autres joueurs russes, dont Alekhine.  Il a été interné durant une grande partie de la guerre mais a pu continuer à jouer aux échecs, participant à huit tournois entre 1914 et 1917, en gagnant la majeure partie ou finissant second.

Après la guerre, il resta en Allemagne et épousa une allemande, dont il eut deux filles. C'est l'époque où son talent explose : il remporte de nombreux tournois, devient champion d'Allemagne, puis retourne en Russie en 1924 où il fait jeu égal avec les meilleurs et devient également champion d'Union Soviétique. Il pense un moment rester en Russie mais il n'apprécie pas le régime soviétique et estime que sa carrière est trop sous contrainte des autorités, qui se méfient de lui. Il retourne en Allemagne en 1926 et obtient sa naturalisation. Les années suivantes sont fructueuses. Il remporte de nombreux tournois internationaux et gagne deux matchs contre Max Euwe, très fort joueur qui deviendra champion du monde en 1935.

<- Photo : Bogolioubov en 1925

Ces résultats en font le challenger naturel d'Alekhine, le champion du monde en titre, que Bogo affronte deux fois, en 1929 et 1934. Il n'est pas écrasé, mais il perd assez nettement les deux fois : il ne sera jamais champion du monde. Avec la montée du nazisme en Allemagne, ses origines ukrainiennes redeviennent un problème. Bien qu'il ait adhéré au parti nazi - par pragmatisme et non par conviction - sa carrière reste entravée, mise entre parenthèses. A la fin des hostilités, il revint à la compétition mais son temps était passé.


Style

Le logiciel d'échecs Chessmaster présente Bogoljubow comme un joueur au style positionnel et modérément défensif tandis que, dans sa série d'articles "Top Chess Players",  Chess.com estime inversement qu'il s'agit d'un joueur "agressif et tactique". En fait cela signifie surtout que, tel Anand ou Spassky, Bogo peut être qualifié de joueur "universel", susceptible de jouer aussi bien en défense qu'en attaque, bien qu'avec modération. L'article de Chess.com précise d'ailleurs que  son style général "est équilibré dans toutes les phases du jeu".


Apport théorique

Principalement on lui doit la défense Bogo-Indienne (1.d4 Cf6 2.c4 e6 3.Cf3 Fb4+), moins populaire que la défense Ouest-Indienne mais néanmoins solide et toujours occasionnellement utilisée.


Jouer contre une simulation de Bogolioubov ?

Chessmaster 10 et 11

Bogolioubov n'étant pas considéré comme un joueur de premier plan, seul Chessmaster en avait jusqu'ici proposé une simulation. Vous pouvez l'utiliser en installant le moteur The King avec l'interface Arena. Vous sélectionnerez le profil Bogolioubov dans la liste des joueurs proposés. Trois bibliothèques d'ouvertures, adaptées à des niveaux de force différents, sont également disponibles pour accompagner le profil.

Rodent IV

Vous pouvez aussi utiliser mon profil Bogolioubov pour Rodent IV et ses trois bibliothèques *.bin. Voir "Bogolioubov pour Rodent IV".


En savoir plus sur Bogolioubov ?

Biographie de Bogolioubov sur Wikipédia

Bogolioubov  sur Chess.com
: biographie succincte, cinq parties commentées, ouvertures préférées et sélection de 1267 parties.

Bogoljubov - Alekhine, Hastings, 1922 : célèbre partie d'échecs disputée lors de la 10e et dernière ronde du tournoi de Hastings le 21 septembre 1922 par Alexandre Alekhine avec les pièces noires contre Efim Bogoljubov




Vassily Smyslov

Le roi de l'hiver

Vassili Vassilievitch Smyslov est né en 1921 à Moscou, Russie : il est mort en 2010, dans sa ville natale. Il a été brièvement champion du monde des échecs, en 1954.

Ce joueur Russe, même s'il a été champion du monde, n'a laissé qu'une modeste empreinte dans l'histoire échiquéenne. Probablement parce que, comme Max Euwe, il était davantage un très brillant amateur qu'un joueur d'échecs professionnel… Il a mené en effet parallèlement une carrière de compositeur et de chanteur d'opéra et se laissa aussi accaparer par la présidence de la puissante fédération soviétique des échecs. Bref, il lui a manqué - un peu - de cette volonté de compétition qui, seule, permet d'atteindre le plus haut sommet.

<- Smyslov en 1977 au tournoi de Tilbourg, au Pays-Bas (Koen Suyk / ANEFO)



Champion du monde éphémère

Vassily Smyslov aura été durant une grande partie de sa vie un très fort joueur d'échecs, sans réussir cependant à se distinguer véritablement des grands maîtres du moment. D'où de nombreuses victoires dans les tournois internationaux et un grand nombre de sélection pour les épreuves du championnat du monde (sept en tout dont quatre finales) toutes infructueuses... sauf en 1957.

En 1954,  Smyslov avait déjà pu tenter sa chance contre Botvinnik, contre qui il fit jeu égal. Le privilège de tenant du titre permis à Botvinnik de le conserver de justesse. En 1957, Smyslov retrouva à nouveau Botvinnik face à lui. Il gagna cette fois assez nettement, mais Botvinnik exerça son droit à la revanche et repris tout aussi facilement le titre à Smyslov un an plus tard. Il n'aura été que l'un de ces "rois de l'hiver", vite détronés. Il redevint alors l'éternel outsider, engrangeant de nombreuses victoires jusque dans les années 80, tout en restant "celui qui pourrait peut-être un jour, encore..."



Style

Vassily Smyslov possède un style de jeu très solide positionnellement mais aux traits stylistiques assez peu marqués ; Mikhaïl Tal voyait en lui un Capablanca moderne, mais son style se rapproche davantage d'un joueur comme Karpov ou, plus près de nous de Magnus Carlsen. Il est ce que je nomme un "attaquant positionnel". Pas de brutales attaques, pas d'échanges de pièces spectaculaires mais une avancée lente et patiente assortie d'une pression constante sur les pièces adverses qui conduit généralement en finale avec un avantage de position dont Smyslov savait tirer partie - car sa maîtrise des phases finales du jeu était reconnue comme exceptionnelle. Une technique offensive que Max Euwe avait qualifié de "sournoise", car on ne voit pas l'attaque se produire.


Jouer contre une simulation
de Vassily Smyslov ?


Trois possibilités :

Smyslov, personnalité de Chessmaster 10 et 11

Une première possibilité consiste à se tourner vers la simulation de Smyslov proposée avec Chessmaster 10 ou 11. Si vous ne possédez pas ce logiciel, installez son moteur The King, dans l'interface Arena. Vous pourrez lancer la simulation de Smyslov avec l'une des trois bibliothèques abk que j'ai créées spécialement pour l'accompagner.

Smyslov, moteur GM de Lucas Chess :
Lucas Chess propose un profil de jeu imitant le champion russe dans sa série "Moteurs GM".

Smyslov, version Rodent IV

Il est hors de question qu'un champion du monde, fut-il aussi éphémère que Smyslov, manque à la collection de personnalités de Rodent IV. D'autant que les possibilités de programmation de Rodent IV permettaient de simuler le jeu très particulier de Smyslov avec une précision bien plus grande que ce qu'il était possible d'obtenir du moteur de Chessmaster. C'est probablement tout aussi vrai du moteur qui a servi à la fabrication du Smyslov de Lucas Chess. Voir "Smyslov pour Rodent IV".



En savoir plus sur Smyslov ?

Biographie de Smyslov sur Wikipédia

Smyslov sur Chess.com : biographie succincte, trois parties commentées, ouvertures préférées et sélection de 3027 parties de Smyslov.


Bobby Fischer vs Vassily Smyslov, Palma de Majorque, 1970 : cette célèbre partie est proposée dans la collection "Parties mémorables" du jeu commercial Power Chess, désormais abandonware (et donc gratuit). Elle est commentée par la reine, l'une des personnalités du jeu.



Youri Averbakh

Plus théoricien que compétiteur

Grand maître russe né en 1922 à Kalouga d'un père juif-allemand et d'une mère russe. Il est mort à Moscou en 2022 dans sa centième année.
En 1945, au sortir de la guerre, Averbakh venait de terminer ses études d'ingénieur en mécanique. Son avenir semblait tout tracé mais il était aussi un très fort joueur d'échecs. Après quelques hésitations, il s'est orienté vers les échecs. En tant que compétiteur, les années 50 sont celles d'Averbakh. Il appartenait alors à la petite poignée des meilleurs russes de la décennie.

Il était en effet très fort ; mais pas tout à fait assez pour se hisser au sommet du sommet ; en revanche, il est resté durant les dizaines d'années suivantes une personnalité importante dans le monde des échecs : secondant de plusieurs champions du monde russes, arbitre international, journaliste de grand renom, président de la fédération soviétique d'échecs et cadre éminent de la FIDE, théoricien et historien, auteur de très nombreux essais dont un sur les finales qui a fait date…

<- Youri Avernakh en 1963 au tournoi de Beverwijk (Photo Eric Koch, Anefo)



Carrière échiquéenne

Averbakh se fait remarquer pour la première fois en 1949 en remportant le championnat de Moscou, une compétition de très haut niveau qu'il gagne encore l'année suivante. Ses bons résultats au championnat d'URSS et au tournoi interzonal de 1952 lui ouvrent la porte du tournoi des candidats et lui permet d'obtenir la norme de grand maître international. Il finit dixième sur quinze participants ; un résultat moyen mais le tournoi de Zurich de 1953 est resté dans les annales comme l'un de ceux qui aura été le plus disputé dans l'histoire des échecs.
Dans les années suivantes il fut éliminé assez vite de la compétition pour le championnat du monde, sauf en 1958, année où il termina quatrième du tournoi des candidats. Finalement, son fait d'armes le plus remarquable aura été de remporter haut la main le championnat d'URSS de 1954 devant des pointures telles que Taimanov, Kortchnoï, Petrossian, Geller ou Flohr.
Comme compétiteur, la motivation lui aura manqué moins que le talent. "Je n'ai pas le caractère d'un champion", a-t-il déclaré un jour. "Je suis un chercheur, pas un combattant".


Style

Averbakh présente un style de jeu très modérément défensif et positionnellement très solide. Comme il l'a indiqué lui-même, il aimait ruiner les plans de l'adversaire, le priver de tout jeu actif dès qu'il faisait mouvement.  Les joueurs offensifs le craignaient particulièrement car il n'avait pas son pareil pour tirer profit de la dégradation de la position que leur action offensive créaient immanquablement.


Apport théorique

Averbakh a écrit un grand nombre d'ouvrages sur les échecs. Ses travaux sur les fins de partie représentent une contribution majeure à la théorie des finales. L'auteur lui-même a révisé et rassemblé son travail au milieu des années 80 dans une somme en cinq volumes intitulée "Comprehensive Chess Endings".
Son travail théorique sur les ouvertures est moins connu mais il laisse tout de même plusieurs variantes "Averbakh" de lignes d'ouvertures classiques. Celles-ci toutefois ne sont plus très jouées aujourd'hui à haut niveau.
Enfin, Averbakh est un historien important des échecs avec plusieurs livres réputés, notamment le dernier, "A History of Chess from Chaturanga to the Present Day", publié en 2012, au crépuscule de sa vie.



Jouer contre une simulation
de Youri Averbakh ?

On a vu apparaitre dans Chessmaster 5000 une simulation d'Averbakh, qui était encore préente dans Chessmaster 6000, avant de disparaître définitivement. Ce n'était pas une simulation très fignolée, je ne vous la conseille pas. Par contre j'ai développé un profil "Averbakh" pour Rodent IV. Il est un peu approximatif mais certainement moins que celui de Chessmaster 6000. Voir "Averbakh pour Rodent IV" ?

En savoir plus ?

Youri Averbakh sur Wikipedia

Bel hommage à Averbakh peu après sa mort sur Chess.com

Fiche bio très succincte sur Chess.com, une partie commentée, ouvertures les plus jouées, bibliothèque de 1051 parties.



Mikhaïl Botvinnik

Le père de l'école soviétique

Mikhaïl Botvinnik est né en 1911 à Kuokkala (aujourd'hui Repino) petite commune proche de Saint-Pétersbourg, en Russie. Il est mort en 1995 à Moscou à 84 ans.  Joueur d'échecs de premier plan durant des décennies, il était aussi ingénieur électricien et informaticien.



Champion du monde et créateur de l'école soviétique

Champion du monde d'échecs de 1948 à 1957, de 1958 à 1960 et de 1961 à 1963, il a été le premier joueur soviétique de classe mondiale. Brillant organisateur, il a largement contribué à créer, après la seconde guerre mondiale,  la très efficace école soviétique des échecs. L'institution a formé plusieurs générations de grands maîtres internationaux qui dominèrent la discipline pendant 40 ans. Parmi ses nombreux élèves, on compte plusieurs champions du monde, notamment Karpov, Kasparov et Kramnik. Chouchou du régime, son influence a été considérable en URSS et dans les Républiques associées - mais pas seulement. Elle s'étendait sur l'ensemble du monde des échecs, y compris en occident. Botvinnik a par exemple joué un rôle déterminant dans la conception du nouveau système de championnat du monde d'échecs, après la guerre, système qui a avantagé les joueurs sociétiques pendant des décénnies.

Photo : Botvinnik en 1936 (archives nationales ANEFO) ->


En tant que joueur d'échecs, malgré un palmarès prestigieux dont plusieurs titres de champion du monde, Botvinnik n'est généralement pas considéré comme un joueur génial. C'était surtout un gros travailleur, maître dans la préparation, et un théoricien passant beaucoup de temps à étudier ses propres parties et celles des autres joueurs. Ses travaux ont fait avancer la science des échecs et ont fortement soutenu son propre jeu. Il a développé de nombreuses ouvertures originales et enrichi la théorie de la phase finale avec des analyses rigoureuses.


Un style "positionnel-offensif"

Sur le plan du style, Botvinnik pratiquait un jeu méthodique, très équilibré, produisant des positions claires mais ne craignant pas les complications tactiques. Un jeu positionnel mais qui maintenait une pression offensive constante sur l'adversaire. Il se définissait lui-même comme "joueur universel", s'adaptant avec souplesse à l'adversaire et à la position sur l'échiquier, généralement solide positionnellement, dans le but primaire d'obtenir un avantage stratégique à long terme. Néanmoins, il était capable de prouesses tactiques et d'un jeu très offensif, si l'occasion se présentait où s'il n'y avait nécessité de remporter la partie.
Son répertoire d'ouvertures étaient très varié. Il a d'ailleurs mis à jour un nombre impressionnant de variantes d'ouvertures classiques, dont beaucoup sont désormais associées à son nom : variantes de l'ouverture anglaise, variantes de l'ouverture slave, du gambit de la dame, de la défense Caro-Kann, variantes de la défense française, etc. Notons cependant qu'il préfère les ouvertures positionnellement solides plutôt que celles qui apportent un avantage tactique transitoire.


Jouer contre une simulation de Botvinnik ?


L'embarras du choix :


Botvinnik version Chessmaster 10 et 11

Une simulation Botvinnik est proposée par Chessmaster depuis la version 4000. Il a été affiné et proposé ensuite de la version 9 jusqu'à l'ultime version 11 de la célèbre franchise d'échecs. Si vous ne possédez pas ce logiciel, installez la version UCI du moteur The King de Chessmaster dans l'interface Arena et sélectionnez Botvinnik parmi les 49 profils GM proposés.

Botvinnik, "moteur GM" de Lucas Chess

Lucas Chess propose également un profil "Botvinnik" dans sa série des "Moteurs GM".  


Botvinnik pour Rodent III et IV, de Pawel Koziol

Botvinnik accompagne Rodent depuis la version II de cet excellent moteur. Il reste disponible pour Rodent III mais j'ai adapté ce vieux profil de Pawel Koziol à Rodent IV, ultime version de ce génial moteur d'échecs. Voir : Botvinnik pour Rodent IV?

Moteur Grand Maître Botvinnik

Cette personnalité existe aussi sous la forme d'un "Moteur Grand Maître", moteur Rodent IV autonomisé avec la personnalité Botvinnik, déclinée en 10 niveaux de force, de 1200 à 3000 Elo, et accompagnée d'un jeu complet de bibliothèques pour s'adapter à la force choisie.


En savoir plus sur Botvinnik ?

Biographie de Botvinnik sur Wikipédia

Botvinnik sur Chess.com : biographie succincte, cinq parties commentées, ouvertures préférées et 1319 parties de Botvinnik.

Botvinnik-Capablanca, AVRO 1938 : Lors du Tournoi AVRO qui s'est déroulé à Rotterdam en 1938, Mikhaïl Botvinnik a battu José Raúl Capablanca.



Paul Keres

L'éternel second

Né en 1916 en Estonie, Paul Keres a été durant un quart de siècle parmi les meilleurs joueurs mondiaux, sept fois candidat au championnat du monde, quatre fois finaliste, trois fois champion d'URSS et fabuleux joueur d'olympiade. D'aucuns estiment qu'il aurait été champion du monde s'il n'avait été bridé par le régime soviétique.


Début étincelant

Keres a appris à jouer aux échecs à 4 ou 5 ans mais a commencé à s'y intéresser surtout à partir de l'âge de 10 ans. Faute de bons adversaires à portée, il a beaucoup joué par correspondance durant son adolescence. On parle que quelque 500 parties, dont une période durant laquelle il disputait 150 parties en même temps. Exceptionnel joueur, il se hissa facilement dans les années 30 parmi l'élite échiquéenne de son pays, raflant avec facilité le titre de champion d'Estonie en 1935. Il était aussi un des meilleurs tennismen du pays, vice-champion national en 1934. Durant cette même époque, il poursuivait à l'université de Tartu des études de mathématique. Malgré toutes ces activités menées de front, Keres trouva le temps de s'investir dans l'équipe olympique estonienne. Aux olympiades de 1935, il brilla de mille feux. Il avait 20 ans et, semblant surgir de nulle part - car l'Estonie était une petite nation discrète - tint tête aux meilleurs joueurs.  
En 1936 et 1937 il participa à de nombreux tournois et accumula les victoires : Bad Nauheim (ex-aequo avec Alekhine), Tallin, Margate, Ostende, Prague, Vienne, Semmering...
Deux ans à peine après son "apparition", Keres est devenu un sérieux prétendant au titre mondial. Il sera sélectionné pour participer au fameux tournoi AVRO de 1938, qui devait désigner le challenger d'Alekhine. Il le remporta, devant l'élite mondiale des échecs : José Raúl Capablanca,  Max Euwe, Mikhaïl Botvinnik, Reuben Fine, Samuel Reshevsky, Salo Flohr et, bien sûr, Alekhine.
Malheureusement, la seconde guerre mondiale bouleversa l'Europe - et suspendit la carrière échiquéenne de Keres et de bien d'autres joueurs de talents. Comme Najdorf et Tartakover, il était à Buenos Aires pour les olympiades de 1939 lorsque l'Allemagne nazie lança sa grande offensive vers l'Est...


Sous surveillance en Union Soviétique

Najdorf resta en Argentine ; Tartakover rejoignit la France pour combattre les allemands ; Keres préféra retourner dans son pays. Il y arriva au moment où la Wehrmacht l'envahissait. Il s'accomoda de l'occupant nazi et continua à jouer aux échecs. Il participa à des tournois dans toute l'Europe occupée et rencontra fréquemment Alekhine. Pour les russes, qui reprirent le contrôle de l'Estonie en 1944, l'attitude de Keres resta toujours une tache indélébile.
Fuyant l'armée rouge à la fin de la guerre, le grand maître estonien chercha à embarquer pour la Suède mais n'y parvint pas. Le NKVD l'arrêta et l'accusa de collaboration avec les nazis. Il ne dut son salut qu'à l'intervention du premier secrétaire du comité central estonien, qui tenait à son champion. Mais il resta toujours sous surveillance du NKVD et n'aura jamais la confiance des autorités soviétiques. Il perdit son titre de grand maître de l'URSS et durant la première année d'après-guerre, les compétitions internationales lui furent interdites. Les soviétiques étaient néanmoins conscients que Keres restait l'un des tous meilleurs joueurs du monde. Pragmatiques, ils l'utilisèrent au mieux de leurs intérêts. Il fut ainsi un fabuleux joueur olympique, gros pourvoyeur de médailles pour l'URSS. Des sept olympiades auxquelles il participa, il ramena ainsi 13 médailles d'or : sept collectives, cinq individuelles.


L'éternel second du championnat du monde

En raison du conflit mondial, le championnat du monde a été suspendu pendant une dizaine d'années. Après la guerre, la FIDE proposa que les survivants du tournoi AVRO de 1938 s'affrontent dans une série de tournois toutes-rondes qui devait avoir lieu pour partie à La Haye, pour partie à Moscou. Les participants étaient, outre Keres, Max Euwe, Mikhaïl Botvinnik, Samuel Reshevsky et Vassily Smyslov (qui remplaçait Salo Flohr). L'américain Reuben Fine a décliné l'invitation.
Très fort joueur au style admiré, beau, élégant, d'allure sportive, Keres était un joueur admiré et populaire. Beaucoup le donnaient comme vainqueur. Pourtant il ne finit que troisième, à égalité avec Reshevsky. Étrangement, il perdit ses quatre premiers matchs contre Botvinnik. On ne connaîtra sans doute jamais la vérité sur cet épisode de l'histoire, mais il est très probable que le joueur estonien, sur ordre des autorités, ait échoué volontairement afin de donner des points à Botvinnik.
Après cet échec, Keres ne déclina pas du tout, bien au contraire. Déjà champion d'URSS en 1947, il regagna ce titre prestigieux en 1950 et 1951, ce qui le qualifiait automatiquement pour le tournoi des candidats. Cette fois, il arriva en troisième position, derrière Boleslavsky et Bronstein. En 1953 et 1956, il perdit en finale du tournoi des candidats contre Vassily Smyslov. Finaliste en 1959 et 1962, il s'inclina encore contre Mikhaïl Tal puis contre Tigran Petrossian. Ces échecs successifs lui valurent d'être appelé "l'éternel second". Mais là encore, on peut avoir quelques doutes. Bronstein resta assez évasif sur cette question de son vivant mais dans son livre "Secret notes", publié après sa mort, il a révélé que Keres et lui-même avaient subi de fortes pressions pour faire match nul entre eux afin de favoriser Smyslov. De toute évidence, Keres n'était pas celui que voulait Moscou. Le chess system soviétique comptait bien le cantonner dans les seconds rôles, tout comme Bronstein et Kortchnoï. Kortchnoï est passé à l'ouest, Bronstein a désobéi et a été lourdement puni ; Keres n'avait pas l'âme d'un résistant, il a préféré plier comme le roseau. C'est pourquoi le qualificatif de "roi sans couronne" paraît plus judicieux.

Toujours populaire, Keres continua à faire jusqu'à sa mort d'un infarctus en 1975 ce qu'il aimait le plus ; jouer aux échecs et remporter des tournois. Dans toute sa carrière, il aura été celui qui a battu le plus de champions du monde. A son tableau de chasse, on trouve ainsi : Alekhine, Botvinnik, Capablanca, Euwe, Fischer, Petrossian, Spassky, Smyslov et Tal.
Beaucoup laisse à penser que Botvinnik lui était inférieur et qu'il aurait dû être à son tour champion du monde. Mais on ne refait pas l'histoire…


Style "universel"


Comme beaucoup de joueurs possédant d'excellentes capacités tactiques, Keres a commencé à jouer de manière agressive et combinatoire pour s'assagir et finir par adopter un style fortement positionnel, à dominante défensive. Cependant ses pulsions agressives ne l'avaient pas quitté et il ne faisait pas de cadeau à un joueur concédant une importante faiblesse : il passait alors à l'attaque, n'hésitant pas à compliquer le jeu, sachant qu'il avait plus de chance que son adversaire de trouver la sortie.  En résumé, nous avons un style de jeu polyvalent, équilibré dans tous les compartiments du jeu, bon défenseur mais pouvant "jouer dans un style casse-cou où tout semble ne tenir qu'à un fil", selon les propos tenus par Sachový Týden, en 1938. Bref, un style de jeu "universel".
Keres a été un extraordinaire joueur, mais certainement pas un chercheur. Les écrits qu'il a laissés, principalement  "Grandmaster of chess" et "The Art of the Middle Game" (ce dernier rédigé en partenariat avec Alexander Kotov), pour populaires qu'ils aient été, n'ont pas beaucoup alimenté la théorie. De ses ouvertures ont retiendra surtout la variante Keres de la Sicilienne Scheveningue (1.e4 c5 2.Cf3 d6 3.d4 cd4 4.Cd4 Cf6 5.Cc3 e6 6.g4...), tranchante et bien adaptée à son style.


Jouer contre une simulation de Keres ?

Keres pour Chessmaster
Chessmaster 10 et 11 proposent une simulation acceptable de Paul Keres. Si vous ne disposez pas de ce logiciel, vous pouvez utiliser ma version UCI du moteur The King de Chessmaster. installez-le dans l'interface Arena et sélectionnez Zukertort dans la collection de GM proposée.

Keres pour Rodent IV
J'ai créé pour Rodent IV ma propre simulation de Paul Keres, accompagnée d'un jeu de bibliothèques d'ouvertures obtenu avec 3600 parties du grand joueur estonien. Voir "Paul Keres pour Rodent IV".


En savoir plus sur Paul Keres ?


Keres sur Wikipedia

Keres, Top Chess Players de Chess.com : biographie, quatre parties commentées, ouvertures préférées, sélection de 2304 parties

Les 100 ans de Keres (Europe Echecs) : très intéressante biographie, six parties commentées, dont l'une par Flohr, une autre par Alekhine et une troisième par Keres lui-même.  

Keres sur ChessHistory.com : foutrac mais une mine d'éléments biographiques intéressants

Keres - Chess 24: Une mine de renseignements concernant Keres sur cette page rédigée par Joosep Grants, un historien et joueur estonien qui a connu Paul Keres


 


Miguel Najdorf

L'amateur génial

Mieczyslaw Mandel Najdorf est né en 1910 en Pologne, dans une commune proche de Varsovie. Il est mort à Malaga, en Espagne, en 1997. Il appartenait à l'équipe polonaise participant aux 8ème olympiades de Buenos Aires en 1939 lorsque la guerre éclata et que son pays fut envahi par les troupes allemandes. Juif polonais, il jugea plus prudent de rester en Argentine et tenta d'y faire venir sa femme et sa fille, sans y parvenir.  Il garda le contact pendant un certain temps puis le perdit. Il chercha longtemps à retrouver leur trace mais dû admettre, à la fin de la guerre, que presque toute sa famille - sa mère, quatre de ses frères, son épouse et sa fille, avait disparu pour toujours dans la Shoah.
Najdorf resta en Argentine, changea son prénom pour Miguel et adopta la nationalité de ce pays. Les échecs ne suffisant pas à le faire subsister, il se fit courtier en assurances. Il développa diverses activités commerciales qui lui assurèrent un train de vie élevé mais l'accaparèrent, de sorte que les échecs cessèrent définitivement d'être une activité professionnelle pour lui. Il resta néanmoins jusqu'à la fin de sa vie un très fort joueur.


Carrière échiquéenne

Brillant élève de Xavier Tartakower, Najdorf est devenu dans les années 30 l'un des tous meilleurs joueurs polonais, vainqueur du tournoi de Varsovie et vice-champion de Pologne en 1934. Il intégra l'équipe olympique polonaise dès 1935 et commença à recevoir des invitations à participer à de grands évènements internationaux. Mais sa carrière était encore essentiellement polonaise lorsque les allemands envahirent la Pologne, en 1939, alors que lui-même et Tartakower représentaient ce pays à Buenos Aires, pour les huitièmes olympiades d'échecs. Les deux hommes étaient juifs. Ils savaient ce qui les attendait s'ils rentraient en Pologne. Tartakover s'engagea dans l'armée française tandis que Najdorf faisait le choix de rester en Argentine...

<- Miguel Najdorf en 1973 à Wijk aan Zee (Photo Bert Verhoeff / ANEFO)


Pendant la guerre, son activité s'est réduite mais il remporta tout de même un certain nombre de compétitions en Amérique du sud.  Son talent éclata véritablement à la fin du conflit, entre 1946 et 1950. Il remporta plusieurs grands tournois internationaux, ce qui fera de lui l'un des premiers joueurs à obtenir de la FIDE la norme de Grand Maître International. Cependant, il ne réussit pas à se qualifier pour le championnat du monde de 1948, la FIDE ne l'estimant pas suffisament prêt. Pourtant, selon une étude du site Chessmetrics, Najdorf aurait été en 1948 le second plus fort joueur d'échecs mondial. Cela apporte de l'eau au moulin de ceux qui pensent que les pressions de la Fédération Soviétique des échecs sur la FIDE ont permis d'écarter opportunément de Botvinnik un concurrent sérieux.
Le fait est cependant que Najdorf, s'il avait obtenu d'excellents résultats en tournoi, avait beaucoup moins joué que ses principaux concurrents, ce qu'il reconnaissait lui même.
En 1950 il réussit à se qualifier pour le tournois des candidats du championnat du monde. Il finit cinquième. Trois ans plus tard, il fut à nouveau sélectionné pour la course au titre et figura, honorablement,  à la sixième place sur quinze. Il ne réussit plus à se qualifier dans les années suivantes.
Najdorf a peut être été victime comme d'autres des "parties de salon" entre compétiteurs soviétiques. Mais il a probablement payé surtout sa décision de ne pas devenir un joueur d'échecs professionnel. Homme d'affaires avisé, il tirait de gros revenus de ses diverses activités mais ne jouant pas aux échecs à plein temps, il manquait de préparation face à l'élite de l'époque, au niveau d'entrainement sans commune mesure avec les pratiques d'avant-guerre.
Najdorf a cependant continué à jouer aux échecs jusqu'à la fin de sa vie restant encore dans les années 70 parmi les 100 meilleurs joueurs du monde.  


Dernier spécialiste des parties à l'aveugle

Najdorf était un adepte des parties à l'aveugle. En 1943, il réussit à conduire 40 parties en même temps et à en remporter 36, n'en perdant que trois. Cette exhibition monumentale avait pour but d'attirer l'attention de ce qui restait de sa famille et de ses amis, en Europe et en Russie. En 1947 il tenta encore plus fort,  à Sao Polo, en affrontant les yeux bandés 45 adversaires simultanément, gagnant 39 parties et n'en perdant que deux. Il s'agit probablement du record du monde de parties menées simultanément à l'aveugle.


Personnage haut en couleur

Miguel Najdorf fut un joueur très populaire, à la fois par son style de jeu, très souvent surprenant, et parce que c'était un homme très sociable, plein d'humour et d'esprit, maître du langage et parlant pas moins de huit langues. Certaines de ses saillies sont restées célèbres. Comme celle-ci par exemple : "Quand Boris Spassky vous offre une pièce, vous feriez bien d'abandonner sur le champ. Mais quand Mikhail Tal offre une pièce, il vaut mieux continuer à jouer, car il pourrait vous en offrir encore une, puis une autre..."


Style de jeu et contribution théorique

Najdorf pensait, comme son mentor Tartakower, qu'il faut être imprévisible et que pour cela il ne faut pas avoir de style. Il a aussi déclaré, faisant allusion au jeu de Bobby Fischer : "La perfection n'a pas de style". Autrement dit, nous avons affaire à un joueur qui cherche à échapper à tout schéma, dans sa manière de mouvoir les pièces. Il n'en reste pas moins que quelques lignes de force se dégage de ses parties. On peut noter une nette préférence pour l'attaque et pour un jeu plus volontiers mobile et ouvert.  Dans ce registre, il accorde un intérêt limité à la solidité de la position, préférant garder l'initiative de la partie. Il n'ignore rien néanmoins de la science positionnelle et des conditions d'une bonne défense.
En matière d'ouverture, son répertoire est vaste. Il pouvait jouer le pion dame comme l'ouverture anglaise ou le début Réti avec les blancs -  car Najdorf avait absorbé l'apport hypermoderne et la théorie du contrôle du centre à distance.
Lorsqu'il avait les noirs, il optait souvent pour des ouvertures plus agressives : l'indienne du roi ou la défense sicilienne, parfois le gambit de la dame...
Najdorf à beaucoup contribué à enrichir la théorie des ouvertures. La variante sicilienne qui porte son nom (1. e4 c5 2. Cf3 d6 3. d4 cxd4 4. Cxd4 Cf6 5. Cc3 a6) est une ouverture très productive qui a été employée par des générations de grands maîtres. Encore aujourd'hui, elle est fréquemment jouée par Anand, Topalov, Kariakine, Grichtchouk ou le français Vachier-Lagrave. Le joueur polono-argentin a également popularisé plusieurs variantes d'ouvertures classiques.


Jouer contre une simulation de Najdorf ?

Najdorf version Chessmaster 10 et 11

Le moteur de Chessmaster, The King, est doté d'une personnalité "Najdorf". Installez le moteur dans l'interface Arena et depuis le menu de configuration, choisissez la personnalité "Najdorf" parmi les 49 profils de grands maîtres. N'oubliez pas de guider Arena vers l'une des trois bibliothèques que j'ai construites à partir d'un échantillon de plus de 1600 parties du grand maître argentin.

Najdorf pour Rodent IV

En me basant en grande partie sur les paramètres de la simulation de Chessmaster, j'ai développé un "Najdorf" plutôt offensif pour Rodent IV, accompagné d'un jeu de bibliothèques d'ouvertures guide que j'ai créé avec près de 2000 parties du GMI. Voir "Najdorf pour Rodent IV".




En savoir plus sur Najdorf ?

Biographie de Najdorf sur Wikipédia

Najdorf sur Chess.com : biographie succincte, sept parties commentées, ouvertures préférées et sélection de 1838 parties.

L'Immortelle polonaise, Varsovie, 1930 : fameuse partie d'échecs au cours de laquelle Najdorf sacrifie quatre pièces mineures pour obtenir le gain.




David Bronstein

Si peu soviétique

David Bronstein est né en Ukraine en 1924 dans une famille juive habitant la banlieue de Kiev. Il est mort en 2006 à Minsk, en Biélorussie. Vice-champion du monde en 1951, il est souvent présenté comme "le plus fort joueur d'échecs n'ayant pas été champion du monde"...

<= Bronstein en 1963 (photo Eric Koch / ANEFO)


David Bronstein a vécu une enfance heureuse, dans un milieu social élevé : son père était directeur d'une minoterie, sa mère médecin. Mais c'est le grand-père de David qui lui a appris à jouer aux échecs dès l'âge de six ans. Ses dispositions en la matière étaient impressionnantes et le grand maître ukrainien Aleksandr Konstantinopolski n'a pas tardé à s'intéresser à lui et à prendre en charge sa formation.
La famille Bronstein était sans histoire jusqu'en 1937. La collectivisation forcée et violente de l'agriculture ukrainienne s'achevait, avec les souffrances que l'on sait pour la paysannerie. C'est dans ce contexte difficile que le père de David a pris parti pour des paysans malmenés par les autorités locales. Il est arrêté et envoyé au goulag, d'où il ne sortira qu'en 1944; une extrême sévérité qu'il doit peut être au fait de s'appeler Bronstein, le même nom patronymique que Léon Trotsky, ukrainien  et ennemi juré du régime.

Ce côté rebelle, David Bronstein en a hérité. Pour le chess system soviétique, le joueur d'échecs idéal est Russe, caucasien, sérieux, de formation technique, obéissant, austère. Bronstein en est l'antithèse presque parfaite : il est ukrainien, juif, fantasque,  spirituel, romantique et il supporte mal l'autorité. Il n'a pour lui qu'un atout, mais de taille : il appartient à la poignée des meilleurs joueurs du monde. C'est assez pour Boris Vainstein, président du club d'échecs de Moscou et directeur du département d'économie du NKVD, services de sécurité intérieur et police politique d'URSS. Cadre de poids du régime, il poussera la carrière de Bronstein et lui  épargnera les plus gros ennuis. Les relations difficiles qu'il entretenait avec les autorités soviétiques ont néanmoins nuit à sa carrière et ont probablement contribué à le priver du titre de champion du monde.  


Carrière échiquéenne

Il n'avait que 16 ans lorsqu'il rafla la seconde place du championnat d'Ukraine, en 1940, derrière Isaac Boleslavsky - qui deviendra son ami et dont il épousera la fille, bien plus tard. La seconde guerre mondiale mit sa carrière entre parenthèses jusqu'en 1944. Son retour sera timide : il finit parmi les derniers du championnat d'URSS ; mais il n'avait que 20 ans et il s'agissait de la plus élevée des compétitions nationales. La partie qu'il a gagnée contre Botvinnik, vainqueur du tournoi, a aussi été remarquée. A partir de là, sa progression sera rapide: l'année d'après il décrocha la troisième place. En 1946 il s'offrit le titre de champion de Moscou ; puis il remporta le championnat d'URSS en 1948 et 1949. Entre temps il avait gagné le tournoi interzonal de Suède obtenant ainsi sa première qualification pour le tournoi des candidats au titre de champion du monde, prévu en 1950. Cette même année, la FIDE a créé le titre de "grand maître international" et l'a octroyé à 27 joueurs. Bronstein est le plus jeune d'entre-eux.


Championnat du monde : refus d'obstacle ?

Après avoir éliminé Paul Keres puis Isaac Boleslavsky (au départage), Bronstein obtint le droit d'affronter le champion du monde en titre, Mikhaïl Botvinnik. Dans ce match de 24 parties, les deux adversaires seront en permanence au coude à coude. Un point d'avance, un point de retard... A la 23eme partie, le score est égal. Au 22eme coup de la dernière partie, Bronstein, qui se bat habituellement jusqu'au bout et qui n'avait rien à perdre, fait une offre de nullité à Botvinnik, dans une situation un peu inférieure. Le sortant accepte, ce qui lui permet de conserver son titre. Certains biographes ont prétendu que Bronstein aurait cédé aux pressions exercées par les autorités soviétique, qui voulaient voir Botvinnik vainqueur. Lui-même a laissé planer le doute à ce sujet. Plus tard, il a prétendu avoir reculé face aux responsabilités et aux contraintes qu'impliquaient d'être champion du monde.


Botvinnik (à gauche) et Bronstein pour le match du championnat du monde de 1951.

Bronstein étant demi-finaliste, il pu participer sans sélection préalable au tournoi des candidats de 1953, où il finit à égalité au second rang, laissant Smyslov affronter Botvinnik en finale.  Vainqueur du tournoi interzonal de Göteborg de 1956 il était de nouveau dans la course au titre mondial mais n'obtiendra que la troisième place. Smyslov, à 2 points devant lui, détrônera provisoirement Botvinnik, en 1957. Là encore, la  rumeur prétend que les soviétiques ont utilisé la méthode des "nulles de complaisance" pour faire gagner Smyslov. Rumeur que Bronstein n'a que partiellement confirmée de son vivant. Mais dans son livre "Secret notes", publié après sa mort, il a révélé que Keres et lui-même avaient subi des pressions pour faire match nul entre eux afin de favoriser Smyslov. Le but étant de barrer la route à l'américain Reshevsky, qui semblait en mesure de l'emporter.

Le grand maître ukrainien a-t-il été découragé par la priorité toujours plus grande donnée aux enjeux politiques ? Dans la période suivante, Bronstein marqua le pas. Il ne réussit pas à se qualifier pour les tournois des candidats de 1958, 1961 et 1964. Il continua néanmoins à jouer à très haut niveau pendant une douzaine d'années avant que ne survienne pour lui un nouveau coup dur : son ami Viktor Kortchnoï était passé à l'ouest et tous les joueurs soviétiques de renom ont été "invités" à signer une lettre de dénonciation. Bronstein refusa et le paya cher. Il perdit son allocation d'Etat et fut pratiquement interdit de compétition internationale pendant treize longues années. Durant lesquelles le jeu de Bronstein décrut lentement…


Style : attaquant romantique

Ce qui frappe chez Bronstein et le distingue des autres joueurs soviétiques c'est le retour à des traits de l'époque romantique. D'abord par l'état d'esprit : pour lui, un bon coup n'était pas nécessairement le meilleur possible mais celui qui allait ravir les spectateurs. Ensuite bien sûr par le style : il attaquait fort et très vite, avançait à un rythme élevé, sacrifiant les pièces avec facilité, à la recherche de positions ouvertes et tendues. Il a par exemple joué fréquemment le gambit du roi, que plus un joueur de haut niveau n'employait depuis des décennies. Il prenait beaucoup de risques, entrant volontiers dans des complications qui perturbaient le jeu adverse mais dont il arrivait souvent à sortir, grâce à un sens tactique aigu. Bronstein était réputé pour ses nombreux sacrifices spectaculaires et pour son esprit sportif, qui le poussait à rechercher le mat plutôt que les nulles tranquilles. Moins scientifique que Botvinnik, il se fiait à son inspiration mais avait cependant ce qui manquait aux joueurs romantiques du 19eme siècle : un bagage positionnel considérable, mis au service d'un sens stratégique très fiable.
Ajoutons qu'il utilisait un très large répertoire d'ouvertures et qu'il a réellement renouvelé la pratique en la matière. Il a insufflé une nouvelle vie à la défense indienne du roi et au gambit du roi ; il a donné des variantes très productives d'ouvertures classiques telles que l'espagnole, la défense Caro-Kann, les défenses scandinaves, siciliennes, françaises...
Il avait tout de même quelques faiblesses. Il lui arrivait de perdre sa concentration et de se retrouver à cours de temps. Il était aussi moins à l'aise dans les finales que dans les autres compartiments du jeu.


Apport théorique et littérature

Fin lettré, Bronstein a écrit de nombreux livres très populaires parmi les joueurs d'échecs. "L'art du combat aux échecs", commentaire du fameux tournoi des candidats de Zurich, en 1953, est le premier ouvrage majeur. Publié dès 1956 en URSS, il n'a cependant été traduit en anglais qu'en 1979. Mais c'est à partir de la fin des années 70, après les sanctions du régime, que Bronstein s'est mis à écrire beaucoup. Il devait en effet trouver de nouvelles sources de revenu pour compenser la perte de son allocation d'état et la disparition des prix en monnaies fortes des tournois occidentaux. "L'apprenti sorcier", écrit en collaboration avec Tom Fürstenberg, est un ouvrage mondialement connu . Bronstein y passe les échecs en revu et décrypte son propre style en s'appuyant sur 235 de ses parties jouées entre 1938 et 1996. Malheureusement, les autres ouvrages de Bronstein n'ont pas été traduits en français. Parmi eux citons "200 Open Games", dévoré par Garry Kasparov, dans lequel il passe en revue sa pratique des ouvertures. Et aussi "Bronstein on the King's Indian", un traité sur la défense indienne du roi, l'une des contributions majeures du grand maître ukrainien à la théorie des ouvertures.


Jouer contre une simulation de Bronstein ?

Bronstein version Chessmaster 5 et 6000

Chessmaster 5000 et 6000 proposaient une simulation de Bronstein, mais elle était bien frustre, étant donné le faible nombre de paramètres de réglages du moteur The King de l'époque. Par la suite, le grand maître russe à disparu de la franchise.  

Bronstein pour Rodent IV

Qu'il n'existe aujourd'hui aucune simulation de Bronstein m'apparait vraiment comme une injustice. C'est pourquoi j'en ai créé une pour Rodent IV, accompagnée d'un jeu de bibliothèques d'ouvertures obtenu avec plus de 4500 de ses parties.  Voir "Bronstein pour Rodent IV".




Tigran Petrossian

Iron Tigran


Tigran Petrossian est né en 1929 de parents arméniens à Tbilissi, en République de Géorgie, appartenant alors à l'URSS. Il est mort  à Moscou en 1984, à 55 ans. Champion du monde de 1963 à 1969, quatre fois champion d'URSS, il a été dans la poignée des plus grands des années 50 aux années 70.

Venu d'un milieu très populaire, Petrossian a passé la première partie de sa vie à faire de petits boulots, jusqu'à ce qu'il hérite de l'emploi de concierge de son père, après son décès. Mais depuis l'âge de 12 ans, il joue aux échecs, jeu qu'il a découvert au Palais des pionniers de Tbilissi. Il avait 13 ans lorsqu'il a battu Salo Flohr lors d'une simultanée. C'est probablement ce qui a décidé le maître d'échecs du Palais, Archil Ebralidze, d'assurer son entraînement. Petrossian est bon mais pas extraordinaire. Il manque de confiance en lui et progresse lentement. Ce n'est qu'à la fin de la guerre qu'il prend vraiment son envol. Premier événement majeur : en 1945, il arrive premier aequo du tournoi junior d'URSS. Il prend enfin conscience de sa force.

Petrossian en 1962 (photo Harry Pot - ANEFO) =>



Champion du monde de 1963 à 1969


A partir de là, son ascension est rapide et continuelle. Petrossian  accéde en 1952 au rang de Grand maître international et accumule les bons résultats en tournoi. Sélectionné pour la course au championnat du monde, il enlève le titre suprême à Botvinnik en 1963. Spassky cherche à le lui prendre en 1966 et échoue; il y parvient en 1969, ce qui semble ravir Petrossian. Le joueur arménien, tout sourire, félicite chaudement Spassky et fait la fête le soir même, comme libéré d'un poids. Le titre mondial était une couronne lourde à porter, en Union Soviétique. Les pressions du parti, les nombreuses obligations liées au titre lui pesaient lourdement.  Un peu de liberté retrouvée, il se consacre davantage à sa revue, l'hebdomadaire "64", qu'il a ressuscité avec Alexander Roshal et Vassily Smyslov. Mais il continue à jouer aux échecs à très haut niveau. Déjà champion d'URSS en 1959 et 1961, il retrouve le titre en 1969 et 1975. Plusieurs fois invaincu lors des tournois interzonaux, vainqueur de plusieurs olympiades, il est resté jusqu'en 1980 parmis les 10 meilleurs joueurs du monde.


Sa faute : éliminé trois fois par Kortchnoï

Petrossian participe bien sûr au tournoi des candidats pour le titre de champion du monde de 1975, mais il est éliminé une première fois par Kortchnoï en demi-finale. En 1977 et 1980 l'histoire se répète : il doit céder la place à Kortchnoï en quart de finale, un ancien champion russe passé à l'ouest, quelque chose comme le diable en personne pour les autorités soviétiques. C'est une faute qu'on ne lui pardonne pas et qui lui vaut quantité de tracasseries. Sa carrière s'infléchit et s'arrête en 1982, après son échec au tournoi interzonal de Las Palmas.  Il meurt d'un cancer de l'estomac en 1984, après une très courte retraite.

Ci-dessus, Petrossian, date, auteur et autres données inconnues...



Style de jeu positionnel et fortement défensif


Petrossian était réputé pour son jeu positionnel hyper-défensif et pour sa capacité exceptionnelle à prévoir les attaques. Il jouait, comme il l'avoue lui-même "conformément aux exigences de la position", solidement campé en défense, avançant lentement et prudemment sur un plateau qu'il préfère encombré. De Nimzowitsch, qu'il avait totalement absorbé, Petrossian a retenu le souci presque obsessionnel de mettre en place des mesures de prophylaxie, afin de faire face à toutes les possibilités d'attaque imaginables.  C'est certainement ce qui est à l'origine de sa réputation d'être en mesure de percevoir à l'avance toute manœuvre agressive et à fait dire à un journaliste, "qu'il sait avant-même son adversaire ce qu'il va faire".
Mais Petrossian pouvait être aussi de temps à autre  un féroce contre-attaquant, adepte de spectaculaires sacrifices de qualité positionnel, tout à fait capable d'exploiter tactiquement une faute de l'adversaire.
Le grand maître arménien, était très difficile à battre car il opposait un mur infranchissable à ses adversaires ; d'où le fameux surnom "Iron Tigran". Mais il annulait aussi beaucoup de parties, acceptant même un peu trop facilement les offres de nullité. Évidemment, ce style n'était pas très populaire, surtout dans un pays, la Russie, où on aime l'épique, mais pour l'établishment soviétique, l'important c'est d'abord de gagner. Lui-même à d'ailleurs déclaré : "On dit que mes parties devraient être plus intéressantes. Je pourrais être plus intéressant... et perdre".
Corollaire de son style défensif, il avait naturellement une nette préférence pour les ouvertures solides mais passives, telles que la Caro-Kann ou la défense française. Mais si l'enjeu de la partie nécessitait de gagner, il pouvait déployer un jeu plus offensif, débutant avec des ouvertures plus agressives, telle que la sicilienne Najdorf.


Jouer contre une simulation de Petrossian ?

Les représentations de Petrossian sont nombreuses et intéressantes.

Petrossian de Chessmaster 10 et 11

Parmi les 49 GMI proposés par le programme Chessmaster, il y avait une simulation de Tigran Petrossian. Vous pouvez l'utiliser en installant dans l'interface Arena la vielle version du moteur  The King de Chessmaster que je propose sur ce site. Le profil est accompagné de deux bilbiothèques d'ouvertures abk, une petite (18 1/2 coups) et une grosse (45 1/2 coups).

Petrossian, "moteur GM" de Lucas Chess

Lucas Chess propose également un profil "Petrossian" dans sa série des "Moteurs GM". Son niveau de finesse est comparable à la version de Chessmaster et il utilise une petite bibliotèque réalisée avec les ouvertures du joueur arménien.

Petrossian pour Rodent III et IV, de Pawel Koziol

Déjà proposée avec Rodent II, la personnalité Petrossian de Pawel Koziol est l'un des plus anciennes. Je l'ai adapté pour qu'elle puisse être utilisé avec le moteur Rodent IV. Voir : Petrossian pour Rodent IV?

Moteur Grand Maître Petrossian

Cette personnalité existe aussi sous la forme d'un "Moteur Grand Maître", moteur Rodent IV autonomisé avec la personnalité Petrossian, déclinée en 10 niveaux de force, de 1200 à 3000 Elo, et accompagnée d'un jeu complet de bibliothèques pour s'adapter à la force choisie.

A noter : les moteurs AdroitChess et Mustang jouent d'une manière ressemblante à celle de Petrossian.


En savoir plus sur Petrossian ?

Biographie de Petrossian sur Wikipédia

Petrossian sur Chess.com : biographie succincte, trois parties commentées, ouvertures préférées et sélection de 2286 parties.



Efim Geller

Champion du monde avorté

Efim Petrovitch Geller est né en 1925 à Odessa, en Ukraine, dans une famille juive. Il est décédé en 1998 à Moscou. Ce gros fumeur, d'un abord bourru et fervent défenseur du régime soviétique, est peu connu des joueurs d'échecs contemporains. Pourtant il a été durant une trentaine d'années dans la poignée des vingt meilleurs mondiaux, participant à pas moins de six courses au titre mondial.  On a aussi oublié qu'il a été un théoricien remarquable, qui a notamment beaucoup enrichi la connaissance des ouvertures.


Carrière échiquéenne

Comme beaucoup d'autres joueurs de cette époque, la progression de Geller fut stoppée par la seconde guerre mondiale. C'est dans son pays d'origine, l'Ukraine, qu'il se fait remarquer en obtenant en 1946 - il a déjà 22 ans - la sixième place du championnat national. Mais le premier fait vraiment marquant est la troisième place obtenue en 1949 au championnat d'URSS - la compétition la plus prestigieuse du bloc soviétique - à un demi point seulement derrière les vainqueurs, Bronstein et Smyslov. C'était sa première participation et personne ne le connaissait.

<- Geller en 1977, à Wijk aan Zee, comme presque toujours avec une cigarette à la bouche (Suyk, Koen / ANEFO).


Par la suite, Geller a été sacré champion d'URSS à deux reprises, en 1955 et 1979. Presque toutes les autres années jusqu'à la fin des années soixante, il a été second ou troisième de ce championnat. Sa carrière s'est vite internationalisée. Du début des années 50 à la fin des années 70, il a ainsi participé à huit tournois interzonaux, lesquels lui ont ouvert à six reprises la porte du tournoi des candidats. Ses meilleurs résultats : troisième en 1956 et 1962, et demi-finaliste en 1965.
Comme le rappel Silman sur Chess.com, "Il fit mieux que de se défendre contre Mikhail Tal (6 victoires, 6 défaites, 23 nulles) et Paul Keres (7 victoires, 8 défaites, 21 nulles) et avait un score positif contre Mikhail Botvinnik (4 victoires, une défaite, 7 nulles), David Bronstein (5 victoires, 4 défaites, 12 nulles), Bobby Fischer (5 victoires, 3 défaites, deux nulles), Lajos Portisch (4 victoires, deux défaites, 12 nulles), Vasily Smyslov (11 victoires, 8 défaites, 37 nulles) et Tigran Petrossian (5 victoires, 3 défaites, 12 nulles)". Cinq d'entre-eux sont pourtant devenus champion du monde ! Par manque de chance, il aura à affronter à deux reprises durant le cycle des candidats un Boris Spassky en pleine forme contre lequel Geller a toujours eu des difficultés. Ironiquement, un peu comme Fischer a toujours eu des difficultés avec Geller…


Style et apport théorique

Efim Geller était un joueur complet, fort dans tous les registres du jeu. Il faisait preuve d'un style très offensif, actif et tranchant, préférant les positions ouvertes aux échiquiers encombrés. Il bénéficiait également d'une très grande maîtrise de la position. Il était d'ailleurs réputé pour sa considérable maîtrise des ouvertures, un domaine où son apport théorique est considérable. Il fut notamment à l'origine de la redécouverte du potentiel dynamique de la défense Est-Indienne avec les noirs.
Cette science des échecs, Boris Spassky l'a mis à profit en 1972 en employant Geller comme secondant lors de sa confrontation avec Bobby Fischer. L'américain redoutait le joueur ukrianien, contre lequel il avait un score très négatif. C'est sans doute la raison pour laquelle Karpov sollicita lui aussi Efim Geller, pour le championnat du monde de 1975. Pour lequel, on se souvient, Fischer fut déclaré forfait, celui-ci n'ayant pas accepté les conditions de la FIDE.



Jouer contre une simulation d'Efim Geller ?

Geller version Chessmaster 10 et 11

Chessmaster propose depuis longtemps une simulation du brillant joueur ukrainien. Le profil décrit un joueur fortement attaquant, privilégiant modérément la valeur positionnelle des pièces, avec une mobilité propre assez élevée et un faible contrôle central. La solidité structurelle et défensive est moyenne, corollaires habituels d'un style de jeu offensif.
Si vous n'avez pas Chessmaster, installez le moteur The King de Chessmaster dans l'interface Arena et sélectionnez "Geller" dans la collection de GM proposée. Vous trouverez également sur cette page trois bibliothèques d'ouvertures obtenues à partir d'un échantillon brut de 2198 parties du joueur ukrainien, une petite (6 coups), une moyenne (15 coups), une grande (30 coups), afin d'adapter la personnalité à des niveaux de force différents.

Geller pour Rodent IV

Ce Geller est de moi. Ce n'est certainement pas la simulation de grand maître la plus peaufinée mais elle sera tout de même plus précise que celle de Chessmaster. Voir "Geller pour Rodent IV".


En savoir plus sur Efim Geller ?

Biographie de Geller sur Wikipédia


Geller sur Chess.com : biographie succincte, une partie commentée, ouvertures préférées et sélection de 2417 parties.




Viktor Kortchnoï

Le Mathusalem des échecs

D'origine russe, Viktor Kortchnoï est né en 1931 à Leningrad. Grand joueur contrarié, il a fuit l'Union Soviétique en 1976 et a demandé l'asile politique aux Pays-Bas. Il résida quelques temps dans ce pays, puis en Allemagne et s'établit enfin en Suisse, dont il a obtenu la nationalité en 1992. Il est mort en 2016, à l'âge de 85 ans.


La plus longue carrière

Viktor Kortchnoï a commencé à faire surface en tant que joueur d'échecs au début des années 50, en URSS.  Comme il le reconnaît lui-même, il n'a jamais été un génie des échecs. Peu précoce, il n'a obtenu son titre de grand maître international que tardivement, à l'âge de 25 ans.  Mais c'était un travailleur acharné, un besogneux doté d'une volonté de fer. Sa carrière a certes démarré un peu tard, en 1956, mais elle sera l'une des plus longues et des plus fructueuses de l'histoire du jeu. Kortchnoï a été pendant  plus de trente ans parmi les dix meilleurs joueurs mondiaux, avec un classement de numéro 1 en 1965 et de numéro deux de 1967 à 1970. Il n'est sorti du top ten qu'en 1990, reculant lentement dans les classements. A 75 ans, il comptait encore parmi les cent meilleurs mondiaux.

Ci-dessus, Viktor Kortchnoï à la fin des années 70 (photo Fred Grinberg/Sputnik)


Carrière échiquéenne


Kortchnoï fait preuve d'une très grande force de caractère, trait qui s'est certainement renforcé durant le siège de Lenigrad par les troupes allemandes. Il y était. L'isolement de la ville a duré 29 mois et a laissé la population si affamée qu'on y a rapporté de nombreux cas de canibalisme. C'est probablement aussi durant cette période terrible qu'il est devenu un bon joueur d'échecs. Son père lui avait appris à jouer quand il était petit et c'est à peu près la seule activité de loisir qu'il pouvait encore pratiquer dans la ville assiégée. Après la guerre, en 1946, il remporta le championnat junior de Lenigrad, puis le championnat d'URSS junior en 1947 et 1948... L'URSS avait besoin de bons joueurs d'échecs et à tendu les bras à Kortchnoï. Malgré ses débuts laborieux, il devint dans les années cinquante, par son travail acharné, l'une des cartes maîtresses de l'Union Soviétique, toujours dans la poignée de tête du championnat d'URSS, avec une brillante victoire à Hastings en 1956, l'un des tournois internationaux les plus convoités. L'espoir placé en lui n'a pas été invalidé dans les années 60, mais l'union Soviétique avait bien d'autres fers au feu : Bronstein, Kérès, Petrossian, Tal, bientôt Karpov... Et Kortchnoï présentait aussi des facettes peu appréciées. Parmi elles, un caractère fort, certes, mais aussi fulminant et rebelle, teinté d'un individualisme passant mal dans un monde ou rien de compte plus que le collectif et la discipline. Selon Kortchnoï lui-même, il aurait eu surtout le tort d'avoir été trop brun, juif et d'origine bourgeoise. Cela a certainement joué, mais dans quelle proportion ?
Quoi qu'il en soit, il abordait le début des années 70 en approchant de la quarantaine et en santant son destin lui échapper. Il comprit que s'il ne changait rien, il resterait cantonné aux second rôles. Il décida d'abord d'intensifier ses efforts et d'améliorer sa préparation : il cessa de fumer et de boire, s'imposa des activités physiques et reprit des études théoriques. Son jeu évolua, devient plus dynamique et ses résultats dans les tournois internationaux confirmèrent sa progression. Mais il peina à se distinguer de Karpov, qui restait le premier choix de l'establishment. En 1974, il réussit presque son pari, affrontant son jeune concurrent en finale du championnat du monde. Le premier a gagner six parties serait déclaré vainqueur.
La tension entre les deux joueurs était au maximum. Karpov et Kortchnoï étaient devenus deux irréductibles ennemis ; les deux longs mois qu'a duré l'évènement ont été émaillés de nombreux incidents, parfois loufoques, comme lorsque Kortchnoï déposa une plainte pour tentative d'hypnose sur sa personne... Finalement, Karpov l'emporta à la trente-deuxième partie. On n'aurait pu imaginer de résultat plus serré.


La défection et le boycott

En novembre 1974, Kortchnoï donna une interview à un journaliste yougoslave à qui il expliqua que la victoire de Karpov s'expliquait par le soutien considérable que lui avait apporté l'appareil soviétique, tandis que lui n'avait eu droit qu'à la portion congrue. Une partie de ses propos furent rapportés par le journal de Belgrade Politika. A son retour à Moscou, il eu droit à une sévère remontée de bretelles. Plus grave, lorsque les autorités soviétiques demandèrent à Kortchnoï d'assister Karpov pour la préparation du championnat du monde de 1978, il refusa. Et reçu immédiatement le gros coup de baton soviétique : exclusion de la sélection nationale pour un an, interdiction de voyager, interdiction de publication, diminution de salaire, surveillance physique et mise sur écoute...
Kortchnoï fit le dos rond et un an plus tard, autorisé à nouveau à se déplacer à l'étranger, il obtint d'abord une quatrième place à Hastings ; dans la foulée, il se rendit aux Pays-Bas, pour le tournoi IBM d'Amsterdam, qu'il remporta, ex aequo avec Tony Miles. Le lendemain, il demanda l'asile politique.
Cette période fut particulièrement dure pour lui. D'abord parce qu'il resta plusieurs années un appatride, sans attache nationale, situation très inconfortable. Il fut victime d'un véritable boycott de la part de la fédération soviétique qui donnait le choix suivant aux organisateurs d'évènements : la présence de Kortchnoï signifirait automatiquement l'absence de tout autre joueur soviétique. Son nom fut banni de toutes les publications de l'espace communiste et on fit disparaitre autant que possible toute traces de lui. Enfin, il fut séparé longtemps de sa famille, en particulier de sa femme et de son fils, otage de fait du régime.  


L'éternel outsider du titre mondial


Kortchnoï a accumulé plus que n'importe quel autre les premières places, seul ou en équipe, des compétitions les plus prestigieuses, nationales et internationales. Cependant, il n'a jamais réussi à conquérir le titre mondial. Ce n'est pas faute d'avoir essayé. Il  détient le second record des sélections pour l'épreuve, derrière Karpov : 1963, 1969 (demi-finaliste), 1972 (demi-finaliste), 1975 (demi-finaliste), 1978 (finaliste contre Karpov), 1981 (demi-finaliste), 1985 (demi-finaliste), 1986, 1987, 1990 (8eme de finale).
Il lui a toujours manqué le "petit quelque chose" nécessaire pour conquérir le titre et c'était certainement le soutien de son pays de naissance. Dans une interview, bien des années plus tard, Kortchnoï a regretté qu'il n'ait pas été celui que voulait Brejnev. Le fait est que les autorités soviétiques ont poussé d'autres que lui et que sa carrière piétinait, bien qu'il fut un fabuleux joueur. Au moment où il était le plus fort, il s'est retrouvé isolé dans la situation d'apatride, sans soutien logistique, perçu comme un traitre par la plupart des joueurs de son pays, sans parler du poids des ennuis que sa fuite occasionnait à sa femme et à son fils, restés en URSS... C'était sans doute un peu trop, même pour un individu aussi apte que lui à faire face à l'adversité.


Style "passif-agressif"

Bien que son style ait évolué au fil du temps, gagant en dynamisme à partir du début des années 70, les grandes lignes sont restées les mêmes: Kortchnoï joue d'abord en défense. Son jeu est alors positionnel, matérialiste, faiblement offensif. Il incite l'adversaire à l'attaquer, au besoin en proposant un sacrifice tentant pour son adversaire. Lorsque celui-ci se décide enfin et affaiblit sa position - ou simplement lorsqu'il vient de faire une erreur -, il contre-attaque vigoureusement, prenant des risques inhabituels pour un joueur défensif. Mais la manoeuvre est souvent couronnée de succès car Kortchnoï est aussi un très bon tacticien, capable de déployer un redoutable jeu offensif. C'est un type de jeu assez rare, que Pawel Koziol nomme avec justesse "passif-agressif".

Ci-dessus, Kortchnoï en 2008  (Rorkhete)


On lui a souvent reproché de ne pas avoir un jeu harmonieux et lui-même le reconnaît volontiers. "Je n'avais pas le style brillant de Kasparov" déclarait-il à un journaliste à la fin de sa vie, admettant que cela avait été pour sa carrière un inconvénient. Mais personne ne niera, par contre, qu'il était efficace. Kortchnoï n'a pas été champion du monde mais il a battu un jour ou l'autre tous les tenants du titre, y compris Magnus Carlsen


Apport théorique

Kortchnoï a contribué à enrichir la connaissance des ouvertures, en jouant des variantes totalement nouvelles de nombre d'ouvertures classiques. Ces innovations, il les a détaillé et étudié dans de nombreux articles théoriques et dans plusieurs monographies sur le sujet.


Jouer contre une simulation de Kortchnoï ?

Pour commencer, sachez que deux moteurs d'échecs ont un style "passif-agressif" assez similaire à celui de Kortchnoï : Mustang et Alarm. Mustang est à la portée d'un bon joueur car son niveau Elo est modéré (2040). Bien qu'il soit un moteur tactique, il est un peu faible en calcul et face à un joueur patient et bon en défense, il peinera à réussir la phase offensive.
Plus fort (2200 Elo), Alarm se sortira beaucoup plus facilement de la phase offensive et sera un adversaire redoutable même pour un très bon joueur. Si vous envisagez de l'utiliser, référez-vous à mon article.

Kortchnoï version Chessmaster 10 et 11

Parmi les 49 GMI proposés par le programme Chessmaster, il y avait évidemment une simulation de Viktor Kortchnoï. Vous pouvez l'utiliser en installant dans l'interface Arena la vielle version du moteur The King de Chessmaster que je propose sur ce site. Le profil est accompagné de deux bilbiothèques d'ouvertures abk, une petite (18 1/2 coups) et une grosse (45 1/2 coups).

Kortchnoï pour Rodent III et Rodent IV, par Rob Robinson

Aucun moteur libre ou gratuit ne fournissant un profil spécifique "Kortchnoï", j'ai mis à profit ma conaissance du système de programmation de Rodent III pour en créer un pour ce moteur. Il est accompagné d'une bibliothèque d'ouvertures Polyglot, obtenue à partir de 6930 parties gagnantes de Viktor Kortchnoï. Voir : "Profil Kortchnoï pour Rodent III"
Plus récemment, j'ai adapté ce profil pour qu'il puisse fonctionner avec Rodent IV. Voir: Kortchnoï pour Rodent IV.


En savoir plus sur Viktor Kortchnoï ?

Biographie de Kortchnoï sur Wikipédia

Kortchnoï sur Chess.com : biographie, onze parties commentées, ouvertures préférées et sélection de 5638 parties.




Mikhail Tal

Le magicien de Riga

Mikhail Tal est né en 1936 à Riga, en Lettonie.  Il est mort en 1992 à Moscou (Russie), à l'âge de 56 ans. Malgré sa réputation de "joueur de café", il remporta le titre de champion du monde en 1960, le championnat du monde de blitz en 1988 et fut à six reprises champion d'URSS.



Un fauve dans l'arène


Après la guerre, les soviétiques considérèrent les échecs comme un enjeu d'image majeur pour le régime et faisaient tout pour favoriser le jeu. Des dépisteurs parcouraient la Russie et les Républiques associées à la recherche de nouveaux talents. C'est ainsi que le pédagogue et très fort joueur Alexandre Koblenz découvrit le jeune Tal.  Par miracle, Koblenz était lui aussi un attaquant féroce, à la manière des romantiques. Tout en instruisant le jeune joueur, il ne fit donc rien pour contrecarrer son style naturel : Tal avait un véritable talent pour les attaques coordonnées, apparemment fluides et harmonieuses. Jouant très vite et prenant des risques, il perdait beaucoup de parties mais s'en moquait.


Quand Koblenz se décida à lâcher son élève dans l'arène, il fit rapidement sensation. En 1957, il avait à peine 21 ans lorsqu'il remporta le titre de champion d'URSS, compétition considérée comme aussi élevée que le championnat du monde, en éliminant les plus forts joueurs soviétiques de l'époque: Petrossian, Bronstein et même Botvinnik, le champion du monde en titre et ultra-favori de l'épreuve.

<- Mikhaïl Tal en 1962 (Harry Pot / Archives nationales néerlandaises, ANEFO).


Cette victoire ouvrit à Tal la porte du tournoi interzonal de Portoroz (Slovénie), qu'il remporta facilement. C'est une seconde porte qui s'ouvrit alors : le droit de participer au "Tournoi des Candidats", processus de sélection du futur candidat au titre mondial. La compétition se déroula en Yougoslavie en 1959;  Mikhail Tal accumula 20 pts sur 28, ne subissant qu'une défaite contre Keres, ce qui en fit le challenger de Botvinnik.
Le match eut lieu de mars à mai 1960, à Moscou. 24 parties étaient prévues mais à la 21eme partie, Tal avait déjà obtenu 12,5 points. Avec ses 8,5 points, Botvinnik ne pouvait plus espérer battre son adversaire avec les trois parties restantes. Tal a donc emporté brillamment le titre.



Un champion qui a la faveur du public

La victoire de Tal sur Mikhaïl Botvinnik fut un grand moment dans l'histoire des échecs. La confrontation a été marquante car tout opposait les deux joueurs. Botvinnik était un scientifique sérieux et méthodique, qui ne jouait jamais un coup sans une bonne raison. Sa vie était ordonnée, programmée. Tal était fantasque, d'allure souvent négligée ; il jouait très vite, à l'instinct, des coups inattendus qui déstabilisaient ses adversaires et lui permettaient de gagner mais qui se révélaient souvent, après analyse de la partie, comme médiocres. Ses principes de vie étaient peu rigoureux. Il menait une existence un peu marginale, buvant et fumant beaucoup, jouant aux échecs la nuit contre n'importe qui, semblant tout prendre à la légère, y compris les échecs. Il faisait preuve d'ailleurs d'un humour distancié à la Tartakover. Au sujet de son goût excessif pour les sacrifices de pièces, il déclara par exemple : "Il y a deux types de sacrifice : ceux qui sont corrects et les miens".
Tal était très jeune, Botvinnik approchait de la cinquantaine et avait déjà une longue carrière derrière lui. Comme la plupart des grands champions soviétiques, il était Russe et moscovite. Tal venait d'une petite République. Botvinnik était un homme du système, loin du vulgum pecus, Tal était un homme du peuple qui jouait dans les clubs et les cafés des parties rapides contre des amateurs inconnus.


Enfin, leur style de jeu étaient pour ainsi dire opposés. Botvinnik était un joueur "positionnel-offensif", maintenant la pression sur l'adversaire dans le but non de faire un coup-d'éclat mais d'affaiblir la position adverse. Tal était un hyper-attaquant qui jouait au feeling. Il accordait relativement peu d'importance à la position, se lançait dans des attaques comportant des sacrifices de pièce surprenants, souvent à l'appel d'une simple intuition et non sur la base d'une véritable stratégie d'attaque.



Mikhaïl Tal en 1982 (Rob C. Croes / Archives nationales néerlandaises, ANEFO) ->


Comme on pouvait s'y attendre, Tal avait le soutien des amateurs et du public mais l'intelligentsia des échecs ne voyait en lui qu'un "joueur de café" et pariait sur Botvinnik. La victoire de Tal fut très bénéfique car elle donna un coup de fouet à la pratique des échecs, qui s'enfonçait dans une technique et s'éloignait de l'art. Botvinnik était trop froid, trop austère, trop technique, trop proche du système. Avec ses coups fantaisistes, Tal était vu comme un artiste. Il a réveillé une passion des échecs qui commençait à s'assoupir.



Le déclin

Le déclin de Mikhail Tal fut relatif mais assez rapide. Il ne réussit pas à conserver son titre, qui revint à Botvinnik l'année suivante. Sa condition physique joua contre lui. Sa carrière, après la conquête du titre, fut handicapée par des soucis de santé de diverses natures : problèmes cardiaques, problèmes intestinaux qui se conclurent en appendicite, coliques néphrétiques et insuffisance rénale grave - dont il finit par mourir.
Mais il y une autre raison à son reflux : les fameuses combinaisons de Tal n'étaient souvent que des bluffs dont le déroulement tenait plus du hasard que d'un plan préétabli. Les positions auxquelles il arrivait étaient généralement médiocres, comme les analyses des parties le montraient fréquemment, mais semblaient malgré-tout gagner miraculeusement. En fait c'est en grande partie parce que les sacrifices de pièces de Tal faisaient peur et que les joueurs positionnels ne savaient comment combattre un adversaire qui explosait littéralement toute tentative de construire une position cohérente, en amenant le chaos sur l'échiquier.
Il leur a fallu quelque temps pour découvrir que le jeu de Tal était en partie une supercherie, même si le joueur Letton avait une vision rapide des combinaisons et une grande habileté à tendre des pièges. Une fois ses "trucs" éventés, Tal se retrouva un peu dans la même situation que Marshall face à Capablanca. Le brouillon de son jeu, les désavantages positionnels auxquels il conduisait, finirent par l'affaiblir face à des adversaires préparés à le contrer.
Toutefois, il faut noter que le jeu du grand maître Letton a évolué dans le temps. C'est probablement dans la décennie 70 que Tal fut le plus fort. Sans abandonner son style initial, il a joué plus sagement, de manière moins agressive et plus positionnelle.  


Un joueur très populaire et très souvent simulé


Bien qu'il n'ait été champion du monde que durant une courte période, Tal est toujours resté un joueur apprécié, voire vénérés parmi les amateurs d'échecs, même encore aujourd'hui. Son jeu flamboyant et spectaculaire inspire toujours, comme on peut s'en apercevoir facilement à la lecture des discussions sur les forums. Le champion Letton laisse aussi beaucoup de parties considérées comme des classiques du jeu offensif.
C'est aussi le joueur qui a plus inspiré les programmeurs de moteur d'échecs (voir aussi un peu plus bas). Chris Whittington a commercialisé au milieu des années 90 les programmes d'échecs Chess System Tal et Chess System Tal II, qui imitaient le style du grand maître Letton. Open Tal,  Gambit Fruit et bien d'autres moteurs s'inspirent explicitement de Tal.
La célèbre franchise d'échecs Chessmaster propose depuis ses premières versions une personnalité "Tal", qui a été affinée au fil du temps ; l'interface d'échecs Lucas Chess offre aussi son "Tal". De même que Ed Schröder, grand nom de la programmation de moteur d'échecs, qui a donné à son moteur ProDéo une belle personnalité "Tal".
Enfin, le moteur Rodent est accompagné depuis ses débuts par une personnalité Tal, plutôt inspiré de sa jeunesse. J'en ai moi-même développé une autre pour ce moteur, plus représentative de la dernière période du maître.


Jouer contre une simulation de Mikhaïl Tal ?

Tal est resté un joueur d'échecs très populaire, dont le style hyper-offensif a fait l'objet de nombreuses tentatives de reproduction. Jugez plutôt :


Tal version Chessmaster 10 et 11

Une simulation de Mikhaïl Tal est proposée avec Chessmaster depuis la V4000. Il a été repris et affiné sur chaque nouvelle édition de Chessmaster jusqu'à la dernière. Si vous n'avez pas ce programme, vous pouvez jouer contre la personnalité Tal en installant dans l'interface Arena la vieille version du moteur The King de Chessmaster que je propose sur ce site. N'oubliez pas de télécharger également sur cette même page le pack de bibliothèques d'ouvertures - dont deux concernent Tal.

Tal, "moteur GM" de Lucas Chess

Lucas Chess propose aussi une personnalité "Mikhaïl Tal" dans sa série des "Moteurs GM".

Le Tal de Prodéo

Le moteur d'échecs Prodeo a nativement un style assez éloigné du champion letton mais il propose tout de même un fichier de personnalité "Tal" assez crédible, probablement aussi bon que celui de Chessmaster ou de Lucas Chess.  


Tal pour Rodent III et IV de Brendan J. Norman et Pawel Koziol

Brendan J. Norman, grand connaisseur de Rodent, a fournit pour Rodent III une première imitation de Tal. Celle-ci a d'ailleurs été adaptée à une version bricolé du moteur Rodent et proposée par l'auteur comme moteur autonome, sous le nom d'Open Tal (voir plus bas).
Par la suite, Pawel Koziol a proposé avec Rodent IV une version de Tal sensiblement différente de la personnalité de Brendan Norman. La reproduction de l'américain est caricaturalement agressive et représente un Tal attaquant classique, centré sur ses propres attaques. Celle de Pawel Koziol est un peu plus raisonnable et imite le Tal attaquant bloqueur, qui explose par ses mouvements les tentatives de mouvement de ces adversaires. Les deux sont valables et la version de Norman peut d'ailleurs être facilement adaptée à Rodent IV. Voir : M. Tal pour Rodent IV

Moteur Grand Maître Tal

Bien entendu, la personnalité Tal existe aussi sous la forme d'un "Moteur Grand Maître", moteur Rodent IV autonomisé avec cette personnalité, déclinée en 10 niveaux de force, de 1200 à 3000 Elo, et accompagnée d'un jeu complet de bibliothèques pour s'adapter à la force choisie.

Une personnalité imitée par de nombreux moteurs d'échecs

Tal est sans doute la personnalité qui a le plus motivé les programmeurs à imiter son jeu. Plusieurs programmes ou moteurs d'échecs peuvent raisonnablement prétendre y être arrivés. C'est le cas des moteurs Open Tal et Gambit Fruit, qui ont un style de jeu "à la Tal".  


Chess system Tal. Ce vieux programme commercial abandonné avait la réputation d'être très fidèle au style de Mikhaïl Tal.

Je me dois aussi de signaler l'existence du programme d'échecs Chess System Tal II, que Chris Whittington a commercialisé au milieu des années 90, aujourd'hui freeware. L'interface est vieillote et peu pratique mais elle fonctionne sur les systèmes Windows récents. Surtout, CST II tournait avec un moteur qui avait la réputation d'imiter très fidèlement le jeu du champion Letton, tout en offrant un niveau de force honorable pour l'époque (environ 2300 Elo). Le programme peut-être téléchargé ici :

https://fr.freedownloadmanager.org/Windows-PC/Chess-System-Tal-II-GRATUIT.html
Page alternative :
http://eric.terrien.pagesperso-orange.fr/page1/page19/page19.html
(chercher dans la page "CST II.zip")



En savoir plus sur Mikhaïl Tal ?

Biographie de Tal sur Wikipédia

Tal sur Chess.com : biographie succincte, six parties commentées, ouvertures préférées et sélection de 3189 parties.



Nona Gaprindashvili

Une femme parmi les hommes

Nona Gaprindashvili est née à Zougdidi, en Géorgie, en 1941, à l'époque dans la zone d'influence de la Russie soviétique. Championne de Géorgie, championne olympique et championne du monde féminine de 1962 à 1978, elle s'est également révélée capable de rivaliser avec les meilleurs hommes dans les épreuves mixtes. Elle a d'ailleurs été la première femme à obtenir le titre de Grand Maître International mixte.


Nona Gaprindashvili en janvier 1975 (Photo Hans Peters / ANEFO)


Seule fille au sein d'une fratrie comportant quatre garçons plus âgés qui l'ont traité comme l'un d'eux, l'idée selon laquelle telle ou telle activité sportive n'est pas pour les femmes à été fortement inhibée chez Nona. Comme ses frères, elle jouait au ping pong, au billard, au volley, au football et... aux échecs !  L'un de ses frères était le meilleur joueur de la ville. Elle avait une douzaine d'année lorsque survint un événement mineur mais qui a été déterminant pour Nona : son frère ayant été contraint d'annuler au dernier moment sa participation à un tournoi par équipe prévu à Batumi, la capitale régionale, les organisateurs décidèrent d'inscrire Nona à ce tournoi. Personne ne comptait vraiment sur elle, mais dans le train qui amenait l'équipe à Batumi, elle battit facilement tous ses membres, y compris son premier échiquier. Grâce à elle, l'équipe de Zougdidi termina cinquième, ce qui était un exploit pour une aussi petite ville. Repérée à cette occasion par Vakhtang Karseladze, l'un des meilleurs entraîneurs de Géorgie, elle ne tarda pas à quitter Zougdidi pour la capitale, Tbilissi, où elle intégra, en 1954, l'école d'échecs nationale.


Carrière échiquéenne

Dès 1956 elle décroche le titre de championne de Géorgie avec 15,5 points sur 16 et arrive en finale du championnat féminin de l'Union soviétique. Elle n'a que 14 ans. Sa carrière s'internationalise dans le circuit échiquéen féminin. En 1961, elle se qualifie pour le tournoi des candidates au championnat du monde et remporte facilement l'épreuve. Elle affronte en 1962 la championne du monde sortante, la Russe Elisabeth Bykova. Sa domination est écrasante : sept parties gagnées, aucune de perdue et quatre nulles.  
Elle régnera sur les échecs féminins durant 16 longues années, n'abandonnant son titre à Maïa Tchibourdanidzé qu'en 1978, sur un score honorable : 2 parties gagnées, 4 perdues, 9 nulles.
Nona Gaprindashvili a été aussi une redoutable joueuse d'olympiades, remportant 11 fois la médaille d'or par équipe (dix fois pour l'Union Soviétique, une fois pour la Géorgie) et neuf médailles d'or individuelles. Elle a également remporté cinq fois le championnat d'URSS d'échecs féminin.



Première femme Grand Maître
International mixte

Comme Véra Menchik avant elle et Judit Polgar après elle, Nona Gaprindashvili était à son époque la seule femme capable de rivaliser avec les meilleurs joueurs masculins. Elle n'a jamais été en mesure de s'inscrire dans la compétition pour le titre de champion du monde, mais sa carrière mixte, dans les années 60 et 70 a été tout à fait respectable. On retiendra principalement d'abord sa victoire au tournoi "accession" de Hastings, qui lui permettra d'obtenir une place dans la catégorie "première" de l'année suivante. Hastings, il est bon de le rappeler, est l'un des événements échiquéens les plus importants depuis sa création en 1895... Elle a fini cinquième du tournoi, devant tous les joueurs britanniques.
Autre événement majeur dans la carrière de Nona Gaprindashvili : sa brillante victoire au tournoi californien de Lone Pine par 6,5 points sur 9. Elle a battu à cette occasion plusieurs grands maîtres masculins, dont Samuel Reshevsky. Une performance qui lui a valu d'être la première femme à obtenir la norme de Grand Maître International mixte (elle était déjà GMI dans la catégorie féminine).



Style : solide et agressif

Ce qui a beaucoup étonné les joueurs masculins c'est non seulement sa force mais son style : solide mais très agressif. Elle jouait aux échecs "masculins", selon les mots de Max Euwe qui précisa  : "Nona Gaprindashvili a surpassé la célèbre Vera Menchik. Le style de Gaprindashvili est beaucoup plus multidimensionnel et coloré. C'est une joueuse d'échecs au style polyvalent et à la créativité immense".
Certains commentateurs ont comparé son jeu à celui de Mikhaïl Tal. Bien que plus modérée, elle avait le même goût pour les situations tactiques confuses et pour les mouvements de pièces inattendus qui perturbaient ses adversaires. Son sens tactique aigu lui permettait souvent de conserver le contrôle. On a observé également dans son jeu des sacrifices de pièces lourdes que n'aurait pas reniés le magicien de Riga.
En matière d'ouvertures, Nona Gaprindashvili a très souvent commencé ses parties par l'ouverture du pion dame (défense Nimzo-Indienne, gambit dame, défense slave...) ; avec les noirs, contre 1.e4, elle avait une forte préférence pour la défense Owen.


Gaprindashvili contre Netflix

A plus de 80 ans, la joueuse géorgienne a fait à nouveau parler d'elle récemment, en intentant un procès en diffamation contre Netflix. Dans le dernier épisode de la fameuse série "The Queen's Gambit" (mal traduit par "Le jeu de la dame" en version française), un protagoniste affirme, à titre de comparaison avec l'héroïne Beth Harmon, qu'il y a bien eu avant elle (Beth) Nona Gaprindashvili, mais qu'elle n'avait jamais affronté d'hommes. Une grossière erreur que Netflix a probablement payé cher. Un tribunal américain a rejeté l'argumentation des avocats du diffuseur selon laquelle une œuvre de fiction n'avait pas d'obligation de dire la vérité. Il a estimé au contraire que la joueuse géorgienne avait subit un véritable préjudice. Netflix a jeté l'éponge et à négocié un dédommagement avec Nona Gaprindashvili. Le montant n'en a pas été révélé, mais on peut parier qu'il se compte en millions de dollars (Nona en réclamait cinq).


Simulation de Gaprindashvili

Il n'y a jamais eu de simulation de Gaprindashvili et on trouve assez peu d'informations sur son style de jeu. J'ai examiné une cinquantaine de parties, dont tous les jeux de Lone Pine, pour me faire une idée plus précise. J'ai finalement créé un profil pour Rodent IV qui n'est pas le plus aboutit de ma collection mais qui est certainement porteur d'une fidélité approximative. Les quelques 3000 parties de la GMI géorgienne que j'ai pu collecter m'ont permis par ailleurs de doter la simulation de bibliothèques d'ouvertures fiables. Voir "Gaprindashvili pour Rodent IV"



Boris Spassky

Le "va-nu-pied"

Boris Spassky est né à Leningrad en 1937. Champion du monde junior en 1955, grand maître international en 1956 il a été plusieurs fois candidat au championnat du monde avant de remporter le titre en 1969.  Mais il le perdit en 1972 au profit de Bobby Fischer, au cours du fameux ''match du siècle''.


L'enfance de Boris Spassky a été assez éprouvante. La famille Spassky habitait encore à Leningrad lorsque le siège de la ville par les allemands commençait, en 1941. Boris et son frère Georgy ont été séparés de leurs parents pour être évacués vers un orphelinat de Pern, où ils souffrirent de malnutrition et d'une grande pauvreté  - mais où Boris appris à joueur aux échecs. Les parents retrouvèrent leurs enfants en 1943  ; cependant le père les abandonna assez vite et la mère éleva seule ses deux fils dans une URSS passablement meurtrie. La mère s'installa à Moscou pendant le reste de la durée de la guerre puis revint à Leningrad, en 1946.  Dans la ville en ruine, Boris découvrit le pavillon des échecs, dans le parc Kirov, et cela décida du reste de sa vie. Spassky aimait à rappeler qu'il est arrivé aux échecs "pieds nus". Mais l'URSS n'avait pas son pareil pour faire fructifier les joueurs talentueux. Vite repéré, il a été pris en charge par chess system russe, qui a fait de ce diamant brut un grand champion.

Ci-dessus, Boris Spassky au tournoi des candidats de 1956 à Amsterdam (Herbert Behrens / ANEFO)


Ascension vers le titre mondial

Spassky gravit rapidement les échelons. Il arracha d'abord le titre de champion du monde junior, en 1955, et devint grand maître international dans la foulée, à 19 ans. L'année d'après, il décrocha déjà sa première sélection pour le championnat du monde ; mais les années suivantes ont été moins encourageantes. Il ne réussit pas à se qualifier ni pour le tournoi des candidats de 1958 ni pour celui de 1961, éclipsé par l’ascension de deux joueurs un peu plus âgés que lui  : Mikhaïl Tal et Tigran Petrossian. Il décida de ne se laisser distancer. Il divorça de sa première épouse, changea d'entraîneur et, en 1961, remporta le championnat d'URSS, compétition la plus prestigieuses du monde soviétique, sur un score canon : +10 -1 =9.  
En 1962 et 1963 il termina second de ce même championnat.  Mais Petrossian avait de l'avance et ravit à Botvinnik le titre de champion du monde en 1963. Les excellents résultats nationaux de Spassky lui permirent cependant de s'engager dans le cycle suivant : il remporta son tournoi zonal, puis l'interzonal d'Amsterdam et accéda ainsi au tournoi des candidats de 1963-64, organisé sous la forme de matchs à élimination directe.  Il écarta Keres en quart de finale, Geller en demie-finale et Tal en finale mais ne réussit pas à battre Petrossian, en 1966. Le géorgien conserva sa couronne grâce à un petit point d'avance.
Le cycle suivant sera le bon : finaliste en 1966, Spassky était dispensé de participer aux présélections. Le tournoi des candidats sembla une formalité : il élimina sans difficulté Geller, Larsen et Kortchnoï.  Enfin, il affronta Petrossian à Moscou en 1969 et le battit avec deux points d'avance : +6 -4 =13.



Héros malheureux du "match du siècle"

Boris Spassky perdit son titre trois ans plus tard, lors du championnat du monde d'échecs 1972, au cours de la confrontation d'échecs la plus médiatisé qu'on ait connu dans l'histoire du jeu. Le russe devait affronter en finale le champion américain Bobby Fischer. Les épreuves se déroulaient à Reykjavik, en Islande, où Fischer,  refusait de se rendre. Puis, lorsque l'américain se présenta enfin, il perdit une première partie et se livra à ses caprices habituels. Il fit la grève de l'échiquier et perdit une seconde partie par forfait. Les autorités soviétiques sommèrent alors Spassky de rentrer au pays. Disposant de deux points d'avance, il aurait été déclaré vainqueur par défaut. Mais, sportivement, il refusa de s'exécuter et attendit patiemment que Fischer revienne prendre place devant l'échiquier.
L'américain l'emporta nettement : +3 -7 =11. Le régime lui fit payer sa défaite. Spassky fut privé de déplacements internationaux pendant un an et dû supporter les tracasseries réservées à ceux qui ont déçu. En 1974, il rencontra Marina Stcherbatcheff, une française d'origine russe qui travaillait à l'ambassade de France. Les autorités soviétiques virent évidemment cette relation d'un très mauvais œil et tentèrent de la briser. N'y parvenant pas, elles exigèrent de la française qu'elle quitte l'URSS. C'était trop pour Spassky qui épousa Marina et quitta la Russie pour la France, en 1976. Il était trop connu pour que les soviétiques puissent s'y opposer frontalement. Ce fut une sorte de divorce à l'amiable :  Spassky a été autorisé à voyager librement en dehors de la Russie mais s'engageait à ne pas critiquer l'Union et à s'abstenir de toute activité politique.
En 1978, il obtint la nationalité française, rompant définitivement le lien avec son pays d'origine.  L'ancien champion du monde représenta même notre pays lors des olympiades d'échecs de 1984, 1986 et 1988, ainsi qu'au championnat du monde par équipes de 1985. En 2012 il est retourné vivre à Moscou.





Les échecs après l'échec...

De toute évidence, le meilleur joueur du monde dans les années soixante-dix était bien Bobby Fischer. Mais Spassky ne disparut par pour autant du paysage échiquéen. Dès 1973, il remporta une nouvelle fois le championnat d'URSS, où la quasi-totalité de l'élite échiquéenne de l'Union avait été conviée. Automatiquement sélectionné, en tant qu'ancien champion du monde, pour le cycle des candidats de 1974, il fut éliminé par Karpov en demi-finale. Pour le cycle suivant, il était encore de la partie : finaliste du tournoi des candidats, il perdit contre Kortchnoï, qui affronta Karpov pour le titre en 1978. Ses résultats commencèrent vraiment à décliner dans les années 80.


Boris Spassky au tournoi d'échecs Interpolis de Tilburg, septembre 1980 (Hans van Dijk / ANEFO) ->


En 1992, Spassky joua un tournoi officieux de trente partie contre Bobby Fischer. Les deux joueurs avaient besoin d'argent. L’événement eut lieu au Monténégro (alors en Yougoslavie) et Fischer le remporta facilement par 10 victoires à 5 et 15 nulles. Malgré cette défaite, Spassky  empocha un million de dollars.
En 1993, Spassky fut à nouveau battu par Judit Polgar (4,5 à 5,5 points), au cours d'une autre confrontation officieuse en dix parties. A partir de là, il s'éloigna des échecs et de la compétition.



Style : ''universel''

Spassky est l'un des grands joueurs d'échecs dont le jeu est le plus complet. Très bon attaquant mais aussi solide défenseur, maîtrisant le jeu positionnel aussi bien que la tactique, il était à l'aise dans tous les compartiments du jeu. Imaginatif et quelque peu aventurier, il lui arrivait souvent de jouer des ouvertures inhabituelles, ce qui lui permit parfois de battre de grosses pointures comme Karpov ou Fischer. Mais plus fréquemment ces ouvertures exotiques l'entraînaient en des territoires inconnus qui ne lui portaient pas chance. Ses secondants réussirent à le convaincre de ne pas trop s'éloigner des sentiers battus et il se résolu à ne plus jouer que des ouvertures classiques et éprouvées.  Spassky est réputé pour avoir souvent joué avec les blancs la Nimzo-indienne, variante de Leningrad (1.d4 Cf6 2.c4 e6 3.Cc3 Fb4. 4.Fg5...), et avec les noirs la défense Tarrasch (1.  d4 d5 2. c4 e6 3. Cc3 c5), avec laquelle il vainquit Petrossian.


Jouer contre une simulation de Spassky ?

Boris Spassky version Chessmaster 10 et 11

La simulation de Boris Spassky, présente depuis CM 4000, a été affinée dans les versions ultérieures de Chessmaster. Si vous n'avez pas ce programme, vous pourrez quand même jouer contre cette personnalité en installant dans l'interface Arena la vieille version du moteur The King de Chessmaster que je propose sur ce site. Vous trouverez également ici deux bibliothèques d'ouvertures spéciales "Spassky".


Les profils "Spassky" pour Rodent III et Rodent IV, de Pawel Koziol

Pawel Koziol proposait une personnalité Spassky avec Rodent II, mais cette vieille version n'a pas été actualisée depuis. Je l'ai adaptée et affinée pour qu'elle puisse fonctionner avec Rodent IV. Voir : Boris Spassky pour Rodent IV ?

Spassky, "moteur GM" de Lucas Chess

Lucas Chess propose également un profil "Spassky" dans sa série des "Moteurs GM".


En savoir plus sur Boris Spassky ?

Biographie de Boris Spassky sur Wikipédia

Boris Spassky sur Chess.com : biographie, huit parties commentées, ouvertures préférées et sélection de 2733 parties de Spassky.

Larsen - Spassky, Belgrade, 1970 : partie célèbre jouée le 31 mars 1970 à l'occasion du match URSS - Reste du monde.



Lajos Portsich

Le "Botvinnik hongrois"

Lajos Portisch est un grand maître international né en Hongrie en 1937. Bien que son nom ne soit pas très connu aujourd'hui - sauf dans son pays d'origine - il a été l'un des tous meilleurs joueurs non-soviétiques des années 60 à 80, numéro deux mondial en 1981, qualifié huit fois pour le cycle des candidats au championnat du monde, neuf fois champion de Hongrie, grand joueur d'olympiades et vainqueur d'un grand nombre de tournois internationaux. Durant un quart de siècle il est resté dans le top 10 des échecs mondiaux.



Lajos Portisch est né en 1937 à Zalaegerszeg, à l'ouest de la Hongrie. Il ne vient que tardivement aux échecs, à l'âge de 12 ans, et a pour autre handicap d'habiter une petite ville où il ne trouve que peu de soutien. Il a bien un club d'échecs, mais c'est une petite structure sans moyen. Sa progression est donc assez lente et lacunaire. Il joue néanmoins régulièrement, partageant ses loisirs entre les échecs et la musique (il joue aussi du violon et chante avec une belle voix de baryton). Il attire l'attention en 1955 en terminant quatrième du championnat du monde junior. La même année, il finit dixième du championnat de Hongrie senior. Ce n'est pas phénoménal mais cela lui donne confiance.  Il a 18 ans, vient de terminer ses études secondaires et d'entamer à l'université des études d'économie qui ne lui plaisent pas.  Sur un coup de tête, il décide de tout abandonner pour devenir joueur d'échecs professionnel.
Les premières années sont assez difficiles car la Hongrie consacre peu de moyens aux échecs. Les meilleurs joueurs bénéficient d'emplois plus ou moins fictifs dans l'administration d'État mais les salaires sont très faibles. Les prix des compétitions nationales sont dérisoires. Quant aux rencontres internationales, leur principal intérêt est de permettre de voyager. Dans les années 50, une victoire à un tournoi aussi prestigieux que Wijk aan Zee rapportait... rien du tout !
Mais Portisch s'accroche et devient une véritable bête de somme, connue pour consacrer chaque jour entre 5 et 8 heures aux échecs. Il sait qu'il est un médiocre tacticien mais, comme Botvinnik, il compense par une énorme préparation et un travail considérable sur les ouvertures, ce qui lui permet d'arriver en milieu de partie dans une position solide. Son style aussi ressemble à celui de Botvinnik. Tout cela lui vaudra le surnom de "Botvinnik hongrois".


Champion de Hongrie et redoutable joueur de tournois


Portisch devient champion de Hongrie pour la première fois en février 1958 puis à nouveau en décembre de la même année. Il concourt presque chaque année jusqu'au début des années 70 puis espace ses participations, absorbé par d'autres compétitions. Il s'est néanmoins présenté au championnat national 16 fois entre 1955 et 2003, le remportant neuf fois. Portisch participe à de nombreux tournois internationaux, de la fin des années 50 au début des 90 et remporte avec régularité au moins une épreuve majeure par an pendant vingt ans.  Il serait fastidieux de les citer toutes mais évoquons quand même ses quatre victoires à Wijk aan Zee (1965, 1972, 1975 et 1978) et ses deux victoires à Hastings (1969 et 1970). Dans les années 60 et 70, il est l'un des rares à passer régulièrement devant les joueurs soviétiques. Certains, et pas des moindres, ont toujours eu des difficultés avec Portisch ; Petrossian par exemple, régulièrement envoyé au tapis par le grand maître hongrois.


Portisch affronte Bent Larsen, en 1964

Ces excellents résultats lui permettent de participer à tous les tournois interzonaux de 1962 à 1993 et d'être candidat au championnat du monde huit fois dans toute sa carrière. Mais Portisch ne réussira qu'à deux reprises à atteindre la demi-finale (en 1977 et 1980).

Enfin, il a participé à un nombre invraisemblable d'olympiades, apportant un beau lot de médailles à la Hongrie, dont l'or en 1978 à Buenos Aires.
Il a continué à jouer à haut niveau jusqu'à la fin des années 90 puis a réduit son activité échiquéenne pour se consacrer davantage à la musique, son autre passion. Il est assez étonnant qu'il ne soit pas davantage connu, avec une telle carrière. C'est peut être à cause de son naturel discret. Sans être un timide, Portisch n'aimait pas attirer l'attention.


Style de jeu

Comme Botvinnik, Portisch n'était pas un extraordinaire tacticien et avait besoin de temps pour jouer. Ni l'un ni l'autre n'étaient très à l'aise dans les formats de jeu rapides. Ils ont compensé leurs faiblesses par un travail de recherche et d'expérimentation qui absorbait tous les jours une grande partie de leur temps. Portisch avait également un style proche de celui de Botvinnik, équilibré entre attaque et défense mais à dominante positionnelle. Il cherchait à obtenir un avantage dès l'ouverture grâce à une grande maîtrise de cette phase du jeu. Il avançait prudemment, pour un gain de position ou de matériel. Mais si la situation était favorable, il passait à l'attaque et réussissait souvent car il avait beaucoup développé son sens tactique. Il y avait en plus, chez Portisch, "une forme de combativité constante (qui rendait) ses parties passionnantes", selon les termes du journaliste d'échecs anglais Harry Golombek. Il ressemblait en cela à Bobby Fischer, avec qui Portisch avait une relation amicale.


Amitié avec Bobby Fischer

Portisch connaissait Fischer depuis leur rencontre au tournoi de Bled en 1961. L'américain avait dix-huit ans, Portisch six de plus, mais le courant passait bien et ils se lient d'amitié. Ils se rencontraient exclusivement à l'occasion des tournois d'échecs mais lorsque Fischer est venu se réfugier en Hongrie, en 1993, poursuivi par les autorités américaines pour avoir joué un match avec Boris Spassky, ils sont devenus de vrais amis. Portisch a beaucoup d'anecdotes à raconter à ce sujet. Fischer avait décroché depuis très longtemps des échecs compétitifs et il était bien moins informé que Portisch des progrès réalisés dans la connaissance des échecs. Le joueur hongrois a été estomaqué de la vitesse à laquelle Fischer comprenait toutes les subtilités d'une nouvelle ligne d'ouverture. Il mesurait ainsi la différence entre un très bon joueur besogneux comme lui et un génie dilettante comme Fischer.

Portisch a aujourd'hui 86 ans. Il consacre beaucoup de son temps à la musique classique, qui a toujours tenu une part importante dans sa vie, mais il joue encore un peu aux échecs.


Jouer contre une simulation de Portisch ?

Portisch version Chessmaster 5 et 6000

Chessmaster 5000 et 6000 proposaient une simulation de Portsich, mais elle était bien frustre, étant donné le faible nombre de paramètres de réglages du moteur The King de l'époque. Par la suite, le grand maître hongrois à disparu de la franchise.  

Portisch pour Rodent IV

J'ai créé pour Rodent IV ma propre simulation de Portisch, accompagnée d'un jeu de bibliothèques d'ouvertures obtenu avec plus de 6600 de ses parties.  Voir "Portisch pour Rodent IV".


En savoir plus sur Lajos Portisch ?

Article de la FIDE en hommage à Portisch pour ses 85 ans

Article de Wikipédia sur Portisch (version anglaise)

Portisch, Top Chess Player de Chess.com (bio très succincte, une partie commentée, ouvertures préférées et sélection de 3289 parties).



Bent Larsen

L'aventurier des échecs

Jørgen Bent Larsen est né en 1935 à Thisted (Danemark). Il est mort en 2010 à Buenos Aires (Argentine) à 75 ans. L'américain Bobby Fischer et Larsen étaient au début des années 70 considérés comme les seuls joueurs occidentaux à pouvoir rivaliser avec les champions soviétiques.



Longtemps dans la poignée des
meilleurs mondiaux


Bent Larsen, grand maître international depuis 1956, six fois champion du Danemark, a remporté un nombre considérable de tournois majeurs au cours de sa carrière et fut sans conteste le meilleur joueur Danois de l'histoire et probablement le meilleur joueur de Scandinavie, jusqu'à l'apparition de Magnus Carlsen dans les années 2000.


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Bent Larsen en 1977 (Hans Peters / Anefo)

Dans les années 70, alors que les joueurs Russes dominaient encore les échecs mondiaux, Bent Larsen était considéré, avec Bobby Fischer, comme le meilleur joueur non-soviétique. A l'instar de Paul Keres, David Bronstein ou Viktor Kortchnoï, il resta très longtemps au sommet de l'élite des échecs sans réussir à remporter le titre mondial. Son esprit combatif et son jeu peu orthodoxe, souvent surprenant, en fit cependant un joueur très populaire, que les organisateurs d'événements s'arrachaient.


Style de jeu : déficile à définir


Vu du côté style, Larsen est difficile à définir car il ne jouait jamais de la même façon. Le joueur scandinave avait une multitude de facettes, ce qui ne manquait pas de perturber ses adversaires. On observe néanmoins souvent un attaquant coriace qui joue pour gagner et accumuler des points et non pour se contenter de nulles tranquilles. Bobby Fischer avait la même qualité - ou le même défaut, selon le point de vue d'où l'on se place. Larsen prenait des risques et pouvait se lancer, à la façon de Tal, dans des positions très déséquilibrées sans certitude de pouvoir s'en extraire. Il aimait également explorer d'autres voies, popularisant de nouvelles ouvertures dont l'une porte son nom (1. b3 : attaque Nimzo-Larsen) tandis que l'autre,  dites "défense scandinave" (1.e4 d5) fait clairement référence à Larsen - qui s'en servit pour battre Karpov, champion du monde en titre, en 1979.  Il a enfin aussi apporté à des ouvertures classiques des variantes très productives, avec lesquelles il battit nombre de joueurs de premier plans, dont à nouveau Karpov en 1980.


Bent Larsen au tournoi de Wijk aan Zee, en 1961 (Harry Pot / ANEFO)

Cependant, ces variantes n'étaient pas toujours aussi efficaces et elles lui ont fait perdre sans doute plus de parties qu'elles ne lui en ont fait gagner.  Voici par exemple ce qu'en pensait Petrossian : "Je fais partie de ces joueurs qui ont toujours regardé la façon de jouer de Larsen avec un certain scepticisme. Mais maintenant je regarde comment il joue ! Évidemment, il n'est pas un joueur du style aussi solide que la plupart des grands maîtres soviétiques, mais il peut gagner contre n'importe qui et perdre contre n'importe qui. C'est un joueur, compte tenu de son caractère et de sa vision créative, qui aura du mal à obtenir sa qualification pour le titre mondial, mais son audace et son approche non routinière des positions ne peut pas manquer d'interpeller tous les connaisseurs du jeu d'échecs".
En résumé, Bent Larsen jouait pour la beauté et non pour gagner à tout prix, ce qui l'a fait parfois comparer aux joueurs romantiques. Extrêmement fort, il était le plus redoutable joueur de tournois de son époque. Il en a gagné un nombre invraisemblable. En tournoi, les compétiteurs rencontrent beaucoup d'adversaires différents n'ayant pas eu l'occasion de se préparer à s'affronter.  Dans ces situations, le caractère aventurier de Larsen contribuait beaucoup à déstabiliser l'adversaire et était plus un avantage qu'une faiblesse. Il n'en était pas de même dans le cadre du championnat du monde. Face aux adversaires du plus haut niveau de son temps, parfaitement préparés à l'affronter, son aventurisme était au contraire un handicap. Le fait est que cela lui fit souvent perdre des points et l'empêcha peut être d'emporter le titre.


Jouer contre une simulation de Larsen ?


Larsen version Chessmaster 10 et 11


Le programme Chessmaster offrait une personnalité "Larsen". Vous pouvez la lancer en installant dans l'interface Arena la vieille version du moteur The King de Chessmaster, que je propose sur ce site. Elle mime un Larsen plus offensif, assez différent de celui de Pawel Koziol pour Rodent III.

Les profils Larsen pour Rodent III et Rodent IV

Un profil "Larsen", développé par Pawel Koziol, accompagnait Rodent II et Rodent III. L'auteur du moteur Rodent ne l'ayant pas adapté à Rodent IV, je m'en suis chargé. L'auteur de Rodent avait préféré représenter le GM danois en disciple de Nimzowitsch. J'ai profité de l'occasion pour développer un "Larsen" plus offensif. C'est donc deux personnalités Larsen différentes que vous trouverez sur cette page : "Bent Larsen pour Rodent IV".

Moteur Grand Maître Larsen

Les deux facettes du grand maître danois sont également disponibles sous la forme de "Moteurs Grand Maître", moteurs Rodent IV autonomisés avec les deux personnalités Larsen, déclinées chacune en 10 niveaux de force, de 1200 à 3000 Elo, et accompagnées d'un jeu complet de bibliothèques pour s'adapter à la force choisie.


En savoir plus sur Bent Larsen ?

Biographie de Bent Larsen sur Wikipédia

Bent Larsen sur Chess.com : biographie, huit parties commentées, ouvertures préférées et sélection de 2733 parties de Spassky.

Larsen - Spassky, Belgrade, 1970 : partie célèbre jouée le 31 mars 1970 à l'occasion du match URSS - Reste du monde.




Larry Evans

Larry Evans est né en 1932 à New York ; il est mort en 2010 à Réno, dans le Nevada. Il fut longtemps l'un des meilleurs joueurs américains et un journaliste spécialisé dans les échecs de grande renommée, auteur de nombreux ouvrages très populaires. Evans a également collaboré à la réalisation de la franchise Chessmaster.


Carrières échiquéenne

Bien qu'il ait été un très bon joueur, Larry Evans aura eu une carrière essentiellement américaine. Il fut ainsi en 40 ans cinq fois champion des Etats-Unis (1951, 1952, 1962, 1968, 1980), remporta quatre fois l'Open américain (en 1951, 1952, 1954, 1971). A l'international,  il obtint cependant plusieurs médailles d'or et d'argent en tant que membre de neuf équipes olympiques américaines.
Très bon technicien des échecs, Evans seconda Bobby Fischer pour le championnat du monde de 1972.


Carrières d'écrivain et journaliste

Evans a publié à 18 ans son premier livre sur les échecs et n'a jamais cessé de commenter la discipline. Il a signé plus d'une vingtaine de livres, dont certains sont de véritables ouvrages de référence. C'est le cas par exemple du traité d'ouvertures "Modern Chess Openings", coécrit avec Walter Korn et considéré longtemps comme la bible en matière d'ouvertures.  Il était probablement le journaliste spécialisé le plus connu des aficionados américains, écrivant durant 30 ans pour le magazine Chess Life et pour une cinquantaine d'autres journaux à travers les Etats Unis. Parmi de nombreuses récompenses, on retiendra le titre de "Meilleur journaliste spécialisé de l'année 2000".
Enfin, Evans fut également l'un des piliers de la franchise Chessmaster, écrivant une grande partie du contenu didactique du programme.


Style de jeu

"Défenseur, spécialiste de la prise de pions", spécifie sa fiche dans Chessmaster qui précise encore : "à l'affût d'une capture de pion, ce tempérament (défensif) est réputé pour pouvoir endurer des heures de labeur afin de mener un simple petit pion jusqu'à la victoire.."
Larry Evans est de fait un joueur fortement défensif qui, à la manière de Petrossian ou Kortchnoï, se lance parfois dans de vigoureuses contre-offensives lorsque l'adversaire commet une erreur ou si sa position est très affaiblie.
En matière d'ouvertures, Evans aime la partie anglaise (1. c4) lorsqu'il a les blancs, la King's Indian ou la défense sicilienne s'il a les noirs.


Jouer contre une simulation de Larry Evans avec The King

Seul Chessmaster a proposé une simulation du jeu d'Evans, une star mineure dans le monde des échecs. Si vous n'avez pas ce programme, vous pouvez installer ma version UCI du moteur The King dans Arena et sélectionner le profil "Evans" parmi les 49 proposés. Les bibliothèques d'ouvertures de Chessmaster n'ayant pu être récupérées, j'en ai réalisé trois autres, à partir d'environ 700 parties d'Evans (une petite de 12 ½ coups de profondeur, une moyenne de 30 ½ coups et une grosse de 60 ½ coups).


En savoir plus sur Larry Evans ?

Biographie d'Evans  sur Wikipédia

Evans sur Chess.com : mini-bio, deux parties commentées, ouvertures préférées et sélection de 727 parties.



Bobby Fischer

Le grand champion fragile


Robert James Fischer, dit Bobby Fischer, est né en  1943 à Chicago, aux États-Unis.  Il est mort le 17 janvier 2008 à Reykjavik en Islande. Il fut l'un des plus jeunes GMI de l'histoire en obtenant la norme à l'âge de 15 ans. Après une ascension compliquée dans les arcanes des échecs mondiaux, remplie de contretemps et de controverses, il ravira aux soviétiques le titre de champion du monde en 1972,  battant le champion sortant Boris Spassky et mettant fin ainsi, provisoirement, à la domination des russes.

Fischer a commencé à jouer aux échecs à l'âge de 6 ans, avec sa sœur Joan, son aînée de six ans.  Après le déménagement de la famille à Brooklyn, Bobby passait de plus en plus de temps en compagnie du jeu. Sa mère, voulant lui éviter de s'isoler davantage, chercha pour lui des contacts dans le domaine des échecs et l'entraîna dans une séance de parties simultanées donnée par Max Pavey, un maître américain d'origine écossaise. Bobby perdit contre Pavey mais opposa une résistance qui étonna l'un des spectateurs, Carmine Nigro, président du club d'échecs de Brooklyn. Nigro prit Bobby sous son aile. C'était un joueur de niveau médiocre mais un très bon professeur, qui forma le jeune joueur durant cinq ans.
Ci-dessus,
Robert Fischer en 1960 à Leipzig (Bundesarchiv Bild)

En 1956, Bobby Fischer a commencé à fréquenter le Hawthorne Chess Club et son principal animateur, John Collins, un joueur de niveau maître qui décela très vite l'énorme potentiel du jeune garçon. Il joua pour lui le rôle de mentor et d'entraîneur, lui procurant notamment de nombreux adversaires de bon niveau et lui permettant de lire tous les livres d'échecs de son imposante bibliothèque.


Carrière échiquéenne

Dès 1956, Fischer gravit les échelons du système compétitif américain, remportant d'abord le championnat d'échecs junior des Etats-Unis, puis obtenant la seconde place du tournoi des Etats de l'Est, à Washington. La même année, il participa au trophée Lessing J. Rosenwald à New York, qui rassemblait les douze joueurs américains considérés comme les plus forts. Fischer termina huitième, mais il n'avait que 13 ans et laissa de ce tournoi l'une des parties les plus célèbres au monde, dite "partie du siècle", dans laquelle il vint à bout de Donald Byrne, grâce à une brillante combinaison incluant un sacrifice de dame.

<= Bobby Fischer en 1972 à La Haye (Bert Verhoeff / Anefo)


L'année suivante il remporta l'Open des États-Unis puis le championnat des Etats-Unis senior, devenant ainsi le plus jeune champion des Etats-Unis de l'histoire du pays, à 14 ans. Reshevsky, qui détenait le titre, lui en tiendra une rancune tenace.
A 15 ans il obtint la norme de Grand Maître International grâce à sa cinquième place au tournoi interzonal de Portoroz, en Yougoslavie, et, dans la foulée, sa qualification pour le tournoi des candidats du championnat du monde...


Ascension compliquée vers le titre mondial

Fischer était incontestablement dès 1964 un potentiel champion du monde et le chemin semblait tout tracé. Sa course vers le titre fut cependant émaillée d'incidents qui ralentirent sa progression. Et il faut bien constater que ces contretemps ont été souvent imputables à son caractère querelleur. Ses revendications étaient souvent justifiées et ses batailles ont permis de faire avancer à la fois le statut des joueurs et les méthodes de sélection des candidats. Mais beaucoup d'autres de ses combats étaient excessifs, voire déplacés et lui ont porté tort. Résumons l'essentiel des péripéties vers l'accession au titre :
En 1959, Fischer termina cinquième du tournoi des candidats, ce qui était déjà assez extraordinaire, compte tenu de son âge. Il abandonna l'école et se consacra à fond aux échecs.  En 1962 il fut le seul joueur non-soviétique à s'imposer à l'interzonal de Stockholm et à être qualifié pour le tournoi des candidats. Mais au fil du tournoi, il se rendit compte que les joueurs soviétiques s'arrangeaient entre-eux pour favoriser leur champion à son détriment. Furieux, il abandonna le tournoi et la compétition internationale, se concentrant à nouveau sur le championnat américain qu'il gagna sur le score jamais-vu de 11 points sur 11 possibles, en 1964.
Au tournoi interzonal de Sousse, en 1967, Fischer abandonna encore en cours de route.  Il dominait largement le tournoi et semblait marcher à grand pas vers le titre quand il exigea divers aménagements de confort, que la FIDE lui refusa. En particulier, il souhaitait obtenir des jours de repos et ne pas être contraint de disputer de parties le samedi.  Une nouvelle parenthèse américaine commença, partiellement consacrée à l'écriture de "Mes 60 meilleures parties", l'un des livres sur les échecs les plus lus au monde.
Fischer revint enfin aux compétitions internationales et accumula en 1970 une série de sept victoires consécutives à l'interzonal de Palma de Majorque, ce qui lui ouvrit, une fois de plus, la porte du tournoi des candidats. L'épreuve eut lieu en 1971.  Le changement de la procédure de sélection, que la FIDE du concéder à Fischer, ne permit plus aux russes de biaiser le jeu et le champion américain remporta une incroyable série de 20 victoires consécutives, éliminant coup-sur-coup Mark Taimanov, Bent Larsen et Tigran Petrossian...


Le match du siècle

Et c'est ainsi qu'il se retrouva en finale en Islande devant Boris Spassky, champion du monde sortant, pour le match d'échecs le plus médiatisé de l'histoire du jeu.  Incontestablement, l'évènement eut une coloration politique forte, fut une version "Echecs" de la guerre froide. La bataille a été gagnée par un héros solitaire face à la chess machine de l'empire soviétique, storytelling typiquement occidental. Comme à son habitude, Fischer ne fit rien pour fluidifier les choses, bien au contraire. Après une première revendication concernant le lieu puis une autre relative au montant du prix, le match commença à Reykjavík. Fischer enregistra une première défaite et disparut de la circulation, après avoir accusé tout et tout le monde. Il encaissa une deuxième défaite par forfait. Fischer ne réapparaissant pas, les autorités soviétiques demandèrent à leur champion de rentrer en URSS, après avoir été déclaré vainqueur par forfait. Mais sportivement Spassky attendit le retour de l'américain, qui survint dès lors que l'on accepta de déplacer le match suivant dans une arrière-salle, sans caméra de télévision. Fischer remporta le titre sur le score sans appel de 12½ à 8½.



Un grand champion fragile

En 1975, Bobby Fischer devait remettre son titre en jeu en affrontant Anatoly Karpov. Il fit à la FIDE une proposition d'organisation du match qui, sur les trois points les plus importants, n'était pas négociable. Du Fischer tout craché !  La FIDE fit un bon bout de chemin dans sa direction mais ce n'était pas suffisant pour le champion américain, qui refusa de défendre son titre. Karpov fut ainsi déclaré champion du monde par défaut.  Véritable génie des échecs, Fischer aurait pu régner sur la discipline pendant des années mais préféra se retirer de la compétition. Doté d'un caractère difficile et excentrique, ses caprices, ses accès de colère et ses déclarations à l'emporte-pièce ternirent sa réputation.  Affligé de délire de persécution, il plongea peu à peu dans la misère tandis que son état psychologique se dégradait. Fischer souffrait semble-t-il d'une forme évolutive de schizophrénie paranoïde.
En 1992, il joua contre Boris Spassky une sorte de match revanche en 30 parties qu'il gagna par le score de 10-5. Mais cela lui attira les foudres de l'administration américaine, la Russie étant à l'époque sous embargo de l'ONU. Un mandat d'arrêt étant lancé contre lui, il fut contraint de fuir pour s'établir un temps en Hongrie, puis au Philippine. Il s'est ensuite rendu au Japon où il a fait quelques jours de prison pour avoir utilisé à la frontière un passeport américain non-valide. Le Japon ayant refusé d'accorder l'asile politique à Fischer et ayant même ordonné son expulsion, il réussit à obtenir la nationalité islandaise en 2005 et échappa ainsi aux poursuites américaines. Il passa le reste de sa vie en Islande.


Style : joueur universel

En se référant explicitement à Bobby Fischer, Miguel Najdorf a déclaré dans les années 90 qu'un joueur qui joue parfaitement n'a pas de style. Maître en stratégie, Fischer avait un jeu positionnel très offensif, à sa manière : il exerçait une pression constante sur son adversaire mais restait prudent, entrant rarement dans des combinaisons tactiques trop compliquées - bien qu'il fut aussi un très fort tacticien. Cela donnait un jeu très équilibré, d'apparence simple et clair, assez proche de celui de Botvinnik.
Bobby Fischer connaissait certaines ouvertures mieux que personne et maîtrisait particulièrement bien les phases finales du jeu, ce qui lui permettait de convertir en victoire une position légèrement meilleure que celle de son adversaire.


Cadence de Fischer


Bobby Fischer a inventé un système de contrôle de temps, dit "cadence Fischer" qu'il a fait breveter en 1988. Il s'agit d'attribuer à chacun des joueurs et à chaque coup joué un temps additionnel qui va varier de quelques secondes pour des parties blitz à quelques minutes pour des parties longues. Ce bonus de temps s'accumule et s'ajoute au temps non consommé.  L'intérêt du système est que les joueurs pourront toujours compter sur une petite réserve de temps pour joueur un coup, ce qui permet de limiter le risque de perte d'une partie par zeitnot. Il a rencontré un grand succès, en s'imposant notamment dans les compétitions officielles de la FIDE, d'autant plus facilement que les progrès de l'électronique grand public permettaient de fournir des pendules financièrement abordables capables de gérer ce temps supplémentaire.  


Les "Echecs aléatoires de Fischer" ou "Echecs 960"

Les progrès dans la connaissance des bonnes ouvertures a eu un effet pervers : les champions d'échecs passent leur temps à apprendre par cœur  toutes les bonnes lignes d'ouvertures jusqu'à 20 coups ou plus. Pour éviter cette dérive Bobby Fischer a mis au point une nouvelle règle du jeu d'échecs appelée "Chess 960" - ou souvent aussi les "échecs aléatoires de Fischer" (Fischer Random Chess) - qui rend inutile l'apprentissage des ouvertures.
Les changements sont finalement relativement modestes. On peut même dire que les règles sont rigoureusement les mêmes, sauf sur deux points: la position de départ et le fonctionnement du roque.

Dans la version 960, les pièces de la première et de la huitième rangées - où se trouvent les pièces mineures et lourdes - sont positionnées au hasard, et changent donc à chaque partie, la configuration des noirs étant exactement symétrique de la configuration des blancs. Il y a quelques petites restrictions fort logiques :

<= Une position de départ possible pour une partie d'échecs aléatoire de Fischer


➤Le roi doit être entre deux tours, pour pouvoir roquer (car la règle 960 conserve la manœuvre du roque).
➤Les fous doivent évidemment être sur des cases de couleur différente.
➤Les pions seront par contre à leur place habituelle.
Bobby Fischer avait calculé que cela faisait 960 possibilités de coup de départ possibles, contre à peine une vingtaine pour les échecs classiques. D'où le nom de "Chess 960" souvent donné à sa variante.
Le bouleversement de la première rangée a toutefois contraint Fischer à aménager un peu la règle du roque de la façon suivante :  
➤Le roi a toujours une tour du côté gauche et une autre du côté droit
➤Quelque soit la position initiale des pièces, le roi et la tour atterrissent toujours, au cours de la manœuvre du roque, là où elles devraient être dans une partie classique. Pour le petit roque, la tour arrive sur la colonne f et le roi sur la colonne g. Pour le grand roque, la tour atterrit en d et le roi en c.
Pour le reste, les règles habituelles s'appliquent : il ne doit plus y avoir de pièces entre le roi et la tour, le roi ne doit pas être en échecs, etc.
Une fois l'ouverture terminée, une partie 960 ressemble beaucoup à une partie classique.
Il est à noter que les échecs de Fischer sont une adaptation de la variante "Shuffle" (qui signifie "mélange" ou "tirage au sort"), apparue à la fin du 18eme mais tombée en désuétude sans avoir connu le succès. Comme pour la 960, la variante Shuffle prévoit un tirage au sort de la position de toutes les pièces de la première rangée, mais avec une seule restriction : les fous devront toujours être sur une couleur différente. Ce qui conduit nécessairement à l'abandon du roque.
La variante Fischer n'a
pas provoqué le bouleversement espéré par son inventeur. Elle est pratiquée aujourd'hui, y compris par de très grands joueurs, mais reste marginale par rapport aux échecs classiques.Toutefois, elle connaît actuellement un fort regain d'intérêt, en grande partie grâce à l'action de promotion de Magnus Carlsen, qui apprécie beaucoup cette variante.
Voir aussi "Echecs aléatoires de Fischer et variantes proches".


Jouer contre une simulation de Bobby Fischer ?

Grand maître très populaire, Bobby Fischer ne manque pas d'imitations :

Fischer version Chessmaster 10 et 11


La personnalité Fischer a accompagné toutes les éditions de Chessmaster jusqu'à l'ultime version 11. Bien qu'ancienne, la franchise d'échecs n'est pas encore abandonware. En revanche, vous pouvez lancer la personnalité Fischer en installant dans l'interface Arena le moteur The King de Chessmaster, convertie pour fonctionner avec l'UCI et doté de deux bibliothèques d'ouvertures que j'ai créé spécialement pour lui.

Fischer, "moteur GM" de Lucas Chess

L'interface Lucas Chess propose aussi une simulation correcte du jeu de Bobby Fischer.

ProDeo-Fischer

On monte en gamme avec ProDeo. Ed Schröder a développé une belle simulation de Bobby Fischer pour accompagner son moteur. Avec plus d'une centaine de paramètres à régler, c'est une simulation fine et fiable qui nous est offerte.


Fischer pour Rodent III et IV, de Pawel Koziol

Fischer accompagne Rodent depuis ses débuts. Il y a donc un Fischer pour Rodent II et une version actualisée pour Rodent III. Par contre, ce profil de Pawel Koziol n'a pas été adaptée pour fonctionner avec la version IV du moteur. C'est pourquoi je me suis pris par la main pour adapter ce bon vieux Fischer à Rodent IV. Voir :  "Bobby Fischer pour Rodent IV".

Smarthink

Le moteur Smarthink ne propose pas de simulation Fischer mais ce moteur d'échecs a un style de jeu réputé proche
de celui du grand champion américain.  


En savoir plus sur Robert Fischer ?

Biographie de Fischer sur Wikipédia

Fischer sur Chess.com : biographie, trois parties commentées, ouvertures préférées et sélection de 1192 parties.

La Partie du siècle : célèbre partie entre Donald Byrne et Bobby Fischer à New York en 1956.


Bobby Fischer vs Vassily Smyslov, Palma de Majorque, 1970 : cette célèbre partie est proposée dans la collection "Parties mémorables" du jeu commercial Power Chess, désormais abandonware (et donc gratuit). Elle est commentée par la reine, l'une des personnalités du jeu.




Anatoly Karpov

Le boa-constrictor


Anatoly Karpov est né en 1951 à Zlatooust, dans l'oblast de Tcheliabinsk en URSS (Russie). Il a été champion du monde sans discontinuer de 1975 à 1985, puis à nouveau de 1993 à 1999.

Pur produit de l'école soviétique d'échecs, Karpov fut toujours un proche du régime, contrairement à Kasparov, qui avait l'âme d'un rebelle et d'un dissident. Repéré par Mikhaïl Botvinnik en personne, alors qu'il avait 13 ans, l'ancien champion du monde et maître du chess system soviétique a fait grandir la jeune pousse à l'abri des vicissitudes. Karpov a été soumis à un régime à part, protecteur mais néanmoins intense et méthodique, qui lui a valu le surnom de "champion-éprouvette du Soviet Union".



Champion du monde pour longtemps

Les débuts de Karpov sont assez laborieux pour un futur grand champion. De 1964 à 1967, il participe à cinq championnats junior d'URSS sans jamais atteindre la finale. Il fait mieux en 68 en remportant le championnat d'Europe junior de Groningue puis en 1969 en remportant à nouveau ce même championnat, qui se déroule cette fois à Stockholm. Ce n'est qu'en 1970, à 19 ans, qu'il engrange ses premiers succès dans des tournois internationaux. A partir de là, Karpov enregistre une belle et constante montée en puissance. En 1971 il gagne le tournoi du Mémorial Alekhine ex æquo avec Leonid Stein mais devant Petrossian, Smyslov, Spassky et Tal. la même année, il s'offre le prestigieux tournoi de Noël de Hastings, ex æquo avec Viktor Kortchnoï. 1972 est surtout consacré aux olympiades mais il gagne néanmoins le seul tournoi international auquel il participe, celui de San Antonio, aux Etats-Unis.
En 1973 commence la marche vers le titre avec sa première place ex aequo avec Viktor Kortchnoï au tournoi interzonal de Léningrad. Il obtient une seconde place (partagée) au championnat d'URSS, et remporte le tournoi de Madrid, qui lui vaut un "oscar des échecs", récompense de la presse professionnelle. Il participe au match des candidats et se qualifie, en 1974, pour les 1/2 finales du championnat, éliminant facilement Boris Spassky, puis Viktor Kortchnoï. Karpov devient enfin le challenger officiel du champion en titre, Bobby Fischer.  
Mais on ne saura jamais lequel des deux champions était le plus fort car Fischer déclare forfait et Karpov est sacré champion du monde sur tapis vert.

Ci-dessus Anatoli Karpov en 1977 (Koen Suyk / ANEFO)


Pour faire oublier cet épisode peu glorieux, qui lui vaut souvent d'être taxé de "champion de papier", Karpov enchaîne les participations aux plus prestigieux tournois internationaux. De 1975 à 1985, il participe à 37 tournois et en remporte 30. C'est là qu'il a véritablement gagné ses galons de champion du monde !  Il n'eut d'ailleurs aucun mal à conserver le titre jusqu'en 1985.
C'est alors qu'il voit se dresser devant lui un très jeune et très brillant joueur, du nom de Garry Kasparov. Après bien des péripéties (plus détaillées dans la bio de Kasparov), le jeunot réussit à lui confisquer le titre. Karpov tente de le lui reprendre en 1986, 1987 et 1990, sans succès mais en échouant de peu. La domination de Kasparov n'a jamais été évidente. Sur 144 parties qu'ils auront disputé l'un contre l'autre, Kasparov n'affichera en tout et pour tout que deux victoires de plus.

En 1993, Kasparov quitte la FIDE
en compagnie de Nigel Short pour lancer son propre championnat du monde, le "Classique". De son côté, Karpov regagne le titre FIDE après avoir affronté Jan Timann en finale. Il le conserve en 1996 contre Gata Kamsky et en 1998 contre Viswanathan Anand. Mais l'absence d'une partie notable de la concurrence la plus sérieuse nuit à l'éclat de ces victoires.
En 1999 et 2000, la FIDE refuse de qualifier directement Karpov en tant que sortant, comme c'était la règle jusque là. Il ne participe pas aux sélection et abandonne le titre. Il revient dans le circuit en 2001 mais ne réussit pas, cette fois, à franchir le premier tour. Karpov prend ce signal au sérieux. Plutôt que d'amorcer un long déclin, comme beaucoup d'autres joueurs, il annonce en 2002 qu'il abandonne la compétition.



Style : attaquant positionnel

Le style du maître ne fait pas vibrer les foules. Karpov, qui a été beaucoup influencé par Capablanca dans sa jeunesse, est le parfait joueur positionnel. Il est calme, ne perd jamais son sang-froid, n'affiche aucune faiblesse de caractère ou de physique. Il avance froidement, méthodiquement, sans la moindre recherche esthétique ou désir de coup d'éclat mais possède un sens de la position phénoménal. Il est comme un poisson dans l'eau sur les échiquiers encombrés. Contrairement à Bobby Fischer, qui joue pour gagner, Karpov se contente de faire nul s'il ne peut pas prendre l'avantage sur l'adversaire lorsqu'il a les noirs.


Anatoli Karpov en 2018 (duma.gov.ru) ->


Il n'en reste pas moins que, contrairement à Capablanca,  Karpov est un joueur offensif, à sa manière. C'est un attaquant positionnel : il profite de la moindre erreur de son adversaire pour ne plus le lâcher, exerçant sur lui une pression offensive constante, sans jamais consentir à dégrader sa position. C'est cette aptitude à geler le jeu adverse qui lui a valu le surnom de "boa-constrictor". Karpov étouffe ses victimes dans la prise lente du béton d'une position sans faille.
Tout cela génère plus difficilement des prix de beauté pour la postérité, mais a incontestablement permis de propulser Karpov parmi la poignée des plus forts joueurs de tous les temps.


Jouer contre une simulation de Karpov ?

Comme Kasparov, Karpov est resté très populaire parmis les joueurs d'échecs et dans le grand public. Les simulations ne manquent donc pas :

Karpov version Chessmaster 10 et 11

La personnalité Karpov est présente sur toutes les éditions de Chessmaster depuis CM 4000 Turbo. Si vous n'avez pas Chessmaster 10 ou 11, vous pouvez lancer la simulation Karpov en installant dans l'interface Arena la vieille version du moteur The King de Chessmaster, convertie pour fonctionner avec le protocole UCI.  

Karpov, "moteur GM" de Lucas Chess

Evidemment, l'interface Lucas Chess recèle elle-aussi une simulation du jeu de Karpov, dans sa série des "moteurs GM".

Karpov-Prodéo

Prodeo, excellent moteur programmable d'Ed Schröder, offre aussi son profil spécifique "Karpov", qui est d'autant plus crédible que le style natif du moteur est assez proche.  


Les profils Karpov pour Rodent III et IV, de Brendan Norman

Brendan J. Norman a élaboré une première simulation de Karpov pour Rodent II. Pawel Koziol l'a adapté à Rodent III, puis, à mon tour, je l'ai adapté à Rodent IV. Voir : "Karpov pour Rodent IV".

Moteurs au style proche de Karpov

Plusieurs moteurs offrent un style de jeu ressemblant à celui de Karpov. C'est le cas de Komodo, l'un des plus forts moteurs actuels. Bien que beaucoup moins fort, Mustang joue également à la manière de Karpov.


En savoir plus sur Anatoli Karpov ?

Biographie de Karpov sur Wikipédia

Karpov sur Chess.com : biographie succincte, trois parties commentées, ouvertures préférées et sélection de 4375 parties.

Championnat du monde 1985 Karpov vs Kasparov : célèbre partie d'échecs gagnée par Kasparov en paralysant le jeu blanc grâce à un cavalier infiltré en d3.

Championnat du monde d'échecs 1990, Lyon 1990, Kasparov vs Karpov : partie durant laquelle Kasparov a battu Karpov grâce a un jeu d'attaque resté célèbre.





Garry Kasparov

Le tigre de Bakou


Garry Kasparov est né en 1963 à Bakou (République d'Azerbaïdjan, URSS). Juif par son père, arménien par sa mère, ses noms de naissance étaient Garik Vaïnstein. Sur les conseils de ses mentors Botvinnik et Nikitine, il russifia son prénom en Garry et adopta le patronyme de sa mère, Kasparov.
Garry Kasparov a régné de manière écrasante sur le monde des échecs entre 1985 et 2005, année de sa retraite. Premier joueur à avoir dépassé les 2800 points Elo en 1990, il a atteint neuf ans plus tard l'un des classements les plus élevés jamais enregistrés : 2 851 points. Un record qui n'a été battu jusqu'ici que par Magnus Carlsen. Il est considéré comme l'un des cinq joueurs d'échecs les plus forts de l'histoire des échecs - souvent même comme le meilleur.



L'anti-Karpov

Sur bien des points Garry Kasparov est l'anti-Karpov.  Il est aussi bouillant que Karpov est  placide; il a toujours eu des relations difficiles avec le régime soviétique et avec les institutions des échecs, contrairement à son ex-compatriote ; il a l'âme d'un dissident alors que Karpov n'a jamais fait de vagues...

<- Portrait : Garry Kasparov en 1993 (Owen Williams, The Kasparov Agency)


Et bien évidemment, son style est diamétralement opposé. Au monotone jeu positionnel et prudent de Karpov il oppose un flamboyant jeu offensif et tactique qui a beaucoup contribué à sa popularité.
On peut dire sans trop de risque de se tromper que la confrontation des deux joueurs symbolisait aussi les forces qui travaillaient la société soviétique en profondeur. Kasparov représentait le neuf : l'envie de liberté, le goût de soi, l'individualisme même, le besoin de réforme du régime soviétique... Karpov symbolisait le soviétisme, fusion au sein d'un ensemble collectif protecteur mais oppressif... et de moins en moins efficace.


Champion du monde en 1985, à 22 ans

Enfant précoce, son parcours échiquéen est émaillé de coups d'éclats. Il arrivait à battre son père aux échecs à 6 ans ; à 9 ans, il se qualifiait pour la finale du championnat de blitz de Bakou. A 13 ans il remportait le championnat d'Azerbaïdjan puis le championnat junior d'URSS. Mais c'est à 16 ans qu'il commença véritablement à faire parler de lui en gagnant haut-la-main un tournoi qui l'opposait à quatorze grands maîtres en Yougoslavie, en 1979 ; puis en remportant, les années suivantes, un grand nombre de tournois prestigieux...
A 19 ans, ses succès lui donnèrent la possibilité de participer au championnat du monde. On connaît la suite : il affronta Karpov au cours d'un interminable match qui dura plusieurs mois. Selon les règles en vigueur pour le championnat, il fallait pour gagner être le premier à remporter six parties. Or, les deux joueurs étaient de force égale et après 48 parties, étalées sur cinq mois,  aucun d'eux n'avait réussi à atteindre l'objectif fixé. La FIDE mit fin à la confrontation, "pour préserver la santé des joueurs" et Karpov conserva le titre.  
Cette décision a été contestée et critiquée de toute part. Et pour commencer par Kasparov lui-même, convaincu que Karpov avait été favorisé par la FIDE. Difficile de trancher ce débat, mais il importe, à ce sujet, de souligner deux éléments importants : d'une part, Kasparov était mené 5-3. Karpov avait donc accumulé une certaine avance. Mais, d'autre part, Kasparov semblait avoir retrouvé un second souffle, remontant de trois parties dans la dernière période...
Quoi qu'il en soit, la situation n'était pas très saine et la FIDE jugea plus prudent de remettre le titre en jeu l'année suivante, avec des règles modifiées : il fallait cette fois jouer 24 parties, le gagnant étant celui qui aurait accumulé le plus de points. Kasparov l'emporta sur le score de 13 à 11 (+5 -3 =16).  Il devenait à 22 ans le 13eme et le plus jeune champion du monde de l'histoire. Il conservera le titre jusqu'en 2000.
En 2005, à 42 ans, il abandonnera la compétition, pour se consacrer à la rédaction de plusieurs ouvrages majeurs sur les échecs.  



Kasparov (à gauche) et Karpov au début du championnat du monde de 1985 (S.M.S.I., Inc. - Owen Williams, The Kasparov Agency / http://www.kasparovagent.com/photo_gallery.php)



Le schisme de 1993

Célébrité mondiale, Kasparov pesait aussi beaucoup plus lourd face à la FIDE, qu'il voulait plier à ses exigences.  Mais l'institution lui a résisté, jusqu'à la rupture de 1993. Alors que Nigel Short venait de remporter le tournoi des candidats, Kasparov réussit à convaincre le champion anglais de participer avec lui à la création de la Professional Chess Association (PCA), laquelle organisait aussitôt son propre championnat du monde, surnommé le "Classique". Comme cela était prévisible, la fédération a aussitôt exclu les deux champions.

Kasparov vainqueur à Linarès en 2005 (Owen Williams, The Kasparov Agency) ->


L'épreuve "Classique" a eu lieu à Londres, dotée d'un joli prix car Kasparov n'eut aucune peine à trouver de généreux sponsors occidentaux. Il gagna son propre championnat, battant assez facilement Nigel Short, alors que celui-ci était bien parti pour empocher le titre de champion du monde FIDE. En 1995, Kasparov conserva son titre en battant l'indien Vishy Anand. Finalement, c'est son élève et protégé Vladimir Kramnik qui le lui enlèvera en 2000.
Le schisme durera treize longues années durant lesquelles deux championnats du monde ont coexisté, affaiblissant chacun des vainqueurs. Kasparov reconnaîtra plus tard que cela avait été une grave erreur, d'autant plus qu'après une période faste, les sponsors sont devenus plus frileux. Le fait que Kasparov ait pris sa retraite en 2005 a probablement contribué à débloquer quelques verrous et les deux épreuves ont fusionné en 2006 dans un championnat FIDE renouvelé.



Style : un brillant attaquant

Botvinnik, qui a eu Kasparov comme élève, a comparé son style  à celui d'Alekhine. On trouve chez ces deux joueurs la même capacité à calculer de profondes variations qu'ils mettent au service de la recherche de positions dynamiques, même s'ils jouent avec les noirs. Ils aiment les complications, surtout lorsqu'elles impliquent le roi adverse. Ce sont des joueurs tactiques ayant néanmoins aussi une très bonne compréhension de la position.
Kasparov est toutefois un joueur plus agressif qu'Alekhine, cherchant à tout prix à prendre l'initiative et à forcer le jeu. Il sacrifie plus volontiers des pièces mais pas comme Tal dans le but de désorienter l'adversaire ou sur la base d'une simple intuition. Généralement, il s'agit de mobiliser plus de pièces capables d'atteindre le roi de l'adversaire que celui-ci n'aura de pièces pour le défendre. En résumé, il vise le mat. Même s'il ne maîtrise pas toujours complètement les complications que créent ses attaques, il a tout de même déjà une vision générale et généralement correcte de là où il veut aller et comment.



Apport théorique

Kasparov était aussi, comme Botvinnik, un maître de la préparation, passant beaucoup de temps à étudier ses parties, à tester de nouvelles théories, en particulier dans l'ouverture, avec l'aide des ordinateurs, dont il a été le premier à faire un usage intensif. Par ses parties comme par ses écrits (il a publié un grand nombre d'ouvrages importants une fois retraité) il a été une source de progrès considérable dans la connaissance du jeu.


Kasparov et les ordinateurs

Kasparov s'est très vite intéressé aux programmes d'échecs sur ordinateur. Il utilisa d'abord la première version de la base de parties Chessbase, au milieu des années 80, qui n'existait alors que pour Atari ST et n'était pas encore dotée de moteurs de réflexion. Ce logiciel deviendra pour lui un outil d'entraînement indispensable. Il testa les premiers moteurs d'échecs capables de rivaliser avec de bons joueurs humains, étonné de leurs performances mais comprenant aussi leurs faiblesses mieux que personne. Fort de cette exdpérience, il n'a pas hésité à affronter les machines chaque fois qu'une occasion intéressante s'est présentée. Ainsi, en 1989, il affronta Deep Thought, le superordinateur doté de puces dédiées créées par le chercheur chinois Feng-Hsiung Hsu, de l'université américaine de Carnegie Mellon. La machine était capable d'examiner 750.000 positions à la seconde mais n'a pas fait le poids face à Kasparov. IBM reprit le projet à son compte et Deep Thought évolua en Deep Blue, un superordinateur de 32 coeurs à architecture massivement parallèle, transformé en machine d'échecs grâce à plusieurs centaines de puces spécialisées. En février 1996, à Philadelphie, eut lieu le premier d'une série de six matchs, se déroulant dans les conditions habituelles de tournois de parties standards. Le monstre était déjà capable d'évaluer 100 millions de positions par seconde, mais il manquait de connaissances positionnelles : Kasparov l'emporta nettement : +3 -1 =2
Le champion du monde, en confiance, accepta un match revanche qui eut lieu en mai 1997 à New York. La machine, rebaptisée Deeper Blue, a été améliorée au niveau matériel (elle était capable d'évaluer jusqu'à  300 millions de positions par seconde) mais aussi au niveau logiciel. Elle était dotée d'une bibliothèque d'ouvertures nettement plus performante et la fonction d'évaluation avait intégré beaucoup de nouvelles connaissances positionnelles.  Cette fois, Kasparov a été battu par la machine : +1 -2 =3 (Voir à ce sujet mon article "L'homme qui a battu Kasparov sans vraiment savoir jouer aux échecs")



Feng-Hsiung Hsu et Kasparov lors du match de New York en 1997 (©AFP - Stan Honda)




Kasparov s'est également impliqué dans deux franchises d'échecs grand public, mais ses choix n'ont pas été dans ce domaine très heureux. Plutôt que de s'allier aux promoteurs de Chessmaster, logiciel qui dominait déjà le marché, il misa sur Electronic Arts et son Kasparov's gambit. Malgré la forte implication du champion, le jeu fut un cinglant échec commercial. En cause les mauvaises performances du moteur Socrates II, excellent mais dont le portage grand public a été bâclé. Plusieurs patchs correctifs ont finit par résoudre les problèmes mais le mal était fait. Kasparov's gambit a sans doute aussi souffert de ce qu'il n'apportait pas assez d'arguments nouveaux pour contrer un Chessmaster trop bien installé.

La seconde tentative, avec Kasparov's chessmate, dix ans plus tard, a été encore plus catastrophique. Personne n'a voulu de ce programme, passé totalement inaperçu !  Si le bide de Kasparov's gambit n'était pas mérité, celui de Kasparov's chessmate était par contre très prévisible. En 2003, le programme soutenu par Kasparov n'offrait qu'un contenu bien léger en comparaison avec celui qu'offrait Chessmaster.


Après les échecs

On ne pouvait guère imaginer Kasparov en retraité paisible, profitant tranquillement de la vie dans une maison à la campagne. Les premières années ont été en grande partie consacrées à la rédaction de plusieurs livres concernant bien sûr les échecs. Puis il nous est apparu en acteur politique, ce qui lui a valu de nombreux ennuis. L'ancien champion du monde s'est posé en détracteur de Vladimir Poutine. D'où un premier passage en prison en 2007, suivi d'un autre en 2012. Kasparov, dont la vie - et celle de sa famille - devenait impossible,  a fini par quitter la Russie pour s'exiler à New York, où il vit toujours depuis. Engagé dans un projet de démocratisation de la Russie, il est actuellement le président de l'ONG Human Rights Foundation.
Kasparov a également été l'entraîneur de quelques joueurs d'échecs prometteurs, parmi lesquels figure Magnus Carlsen. L'actuel champion du monde a reconnu que cette collaboration, qui s'est déroulée en 2009 et 2010, lui  a été très profitable.


Jouer contre une simulation de Kasparov ?


On s'en doute, nous n'avons pour Kasparov que l'embarras du choix :


Kasparov version Chessmaster 4000 Turbo

Kasparov était évidemment l'une des 22 personnalités de grands maîtres proposées avec Chessmaster 4000 Turbo, à présent abandonware. Avantage : la personnalité est immédiatement disponible. Inconvénient : la simulation est très rustique.

Kasparov version Chessmaster 10 et 11 ?


Présentes dans les éditions précédentes la simulation de Kasparov a disparu définitivement à partir de Chessmaster 9. Bien qu'incontournable, le champion du monde a été contourné par Ubisoft, très certainement parce que celui-ci était partenaire de la franchise concurrente d'Electronic Arts, Kasparov'gambit. Cet "oubli" a été réparé puisqu'une bonne âme a développé ultérieurement une simulation "Kasparov". Vous pouvez la lancer en installant dans l'interface Arena une vieille version du moteur The King de Chessmaster, téléchargeable sur ce site. Mais les versions de Rodent, Prodéo ou Lucas Chess me paraissent un meilleur choix.

Kasparov, "moteur GM"de Lucas Chess

Inévitablement, l'interface Lucas Chess compte une simulation du jeu de Kasparov dans sa série de "moteurs GM".  

Kasparov-Prodéo

Prodeo offre un très bon profil "Kasparov".


Kasparov pour Rodent III et IV


Curieusement, Kasparov ne semble avoir motivé ni Pawel Koziol, ni Brendan Norman, qui a pourtant un faible pour les personnalités très offensives. Un auteur inconnu a toutefois publié une simulation de Kasparov dite "83" qui me semble très correcte. Elle fonctionne avec Rodent III et on peut la télécharger sur ce site. Bien sûr, je me suis empressé de la traduire pour Rodent IV. On peut donc l'utiliser aussi avec la dernière version du moteur de Pawel Koziol. Voir: "Kasparov pour Rodent IV"


Moteurs au style proches de celui de Kasparov

Plusieurs très bons moteur d'échecs imitent  le style offensif de Kasparov, avec des niveaux de force très différents. C'est le cas de Sissa (de force moyenne), de GreKo (très fort) et de Stockfish (plus fort que Kasparov lui-même).



En savoir plus sur Garry Kasparov ?

Biographie de Kasparov sur Wikipédia

Karpov sur Chess.com : biographie détaillée, sept parties commentées, ouvertures préférées et sélection de 2420 parties.

Championnat du monde 1998 Karpov vs Kasparov : célèbre partie d'échecs gagnée par Kasparov en paralysant le jeu blanc grâce à un cavalier infiltré en d3.

Championnat du monde d'échecs 1990, Lyon 1990, Kasparov vs Karpov : partie durant laquelle Kasparov a battu Karpov grâce à un jeu d'attaque resté célèbre.

Deep Blue vs Kasparov, 1996
: durant cette partie célèbre, un ordinateur a battu pour la première fois un très grand champion humain.

Cette célèbre partie est également proposée dans la collection "Parties mémorables" du jeu commercial Power Chess, désormais abandonware (et donc gratuit). Elle est commentée par la reine, l'une des personnalités du jeu.

Deep Blue vs Kasparov, 1997 : cette partie est également restée dans les annales du fait que l'ordinateur d'IBM a réussi à battre Kasparov en 19 coups et à peine plus d'une heure de jeu.

Kasparov contre le monde, 1999 : dans cette partie Kasparov avait les blancs ; il jouait par l'entremise d'Internet contre l'équipe "reste du monde", soutenue notamment par le champion français Etienne Bacrot.

L'immortelle de Kasparov, Wijk aan Zee, 1999 : partie entre Kasparov et Topalov, que Kasparov considère comme son meilleur jeu.

Championnat du monde d'échecs 2000 classique, Kasparov vs Kramnik. Cette partie pour laquelle Kramnik a obtenu la nullité avec les noirs est considérée comme le pivot de son ascension vers le titre de champion du monde.




Nigel Short

Le warrior britannique


Né en 1965 à Leigh, en Grande Bretagne, Nigel Short a été de la fin des années 70 jusqu'au début du vingt-et-unième siècle l'un des meilleurs joueurs mondiaux et le meilleur britannique.


Grand joueur britannique...

Nigel Short est un joueur d'échecs à la précocité exceptionnelle. Son premier fait d'arme a été de battre Viktor Kortchnoï à l'âge de 10 ans, au cours d'une épreuve de parties simultanées. A 12 ans, il était déjà en mesure de participer au championnat de Grande Bretagne. A 14 ans il obtenait la norme de maître international, après avoir gagné, ex-æquo avec John Nunn et Robert Bellin, le championnat britannique. Il participe à plusieurs championnats du monde junior mais n'obtient jamais le titre. En 1980, c'est Kasparov qui le lui ravit. Néanmoins ses brillants résultats à de nombreuses épreuves de renom lui valent d'être reconnu grand maître International à 19 ans.


Short gagna à plusieurs reprises le championnat britannique : ex-aequo en 1979 (mais perdant au départage), puis gagnant en 1984, 1987 et 1998. Il a été également champion d'Angleterre, tournoi à élimination directe, en 1991, champion du Commonwealth en 2004, 2006 (à Bombay) et en 2008 (à Nagpur) et champion Open de l'UE en 2006...

<- photo de Przemyslaw Jahr (Nigel Short au Championnat d'Europe d'échecs par équipes Varsovie 2013)



...longtemps sur les rives du championnat du monde


Les résultats de Short au tournoi interzonal de Bienne, en 1985, lui permettent de participer au tournoi des candidats. C'est le premier britannique à obtenir son ticket d'entrée, mais il ne finit que dixième. Il se qualifie à nouveau pour le cycle suivant et atteint cette fois le quart de finale. Il perd, un peu inexplicablement, contre un compatriote, Jon Speelman.
Au cycle de 1990-1993, il est finaliste. Après avoir éliminé Boris Guelfand, Anatoli Karpov et Jan Timman,  il devait affronter Garry Kasparov, tenant du titre...
C'est à ce moment que survient le "schisme" qui divisa le monde des échecs durant plus de 12 ans. La FIDE ayant décidé du lieu de la finale et du montant du prix sans consulter les joueurs, ceux-ci se rebellent et créent la Professional Chess Association, la fameuse "PCA", qui sera chargée d'organiser un championnat du monde dit "Classique", indépendamment de la FIDE. Pour sa première édition, la PCA reprend le cours du championnat FIDE et organise une finale Kasparov / Short. Sponsorisée par le journal britannique The Times, qui offre la coquette somme de 2,5 millions de dollars, l'épreuve a lieu à Londres. Kasparov l'emporta nettement : +6 -1 =13.
Comme la FIDE ne reconnut pas ce match, le championnat du monde 93 repris avec Karpov et Timman, précédemment battus par Short.  Il est probable que si Short n'avait pas suivi Kasparov dans l'aventure PCA, il aurait été déclaré champion du monde...

La PCA s'installa en rivale de la FIDE et organisa de 1993 à 2005 quatre championnat du monde ''classique''. Short se qualifia sans difficulté pour celui de 1995 mais fut battu par Gata Kamsky en finale, à Linarès. Par la suite, le joueur britannique ne réussit plus jamais à s'approcher aussi près du titre. Rentré dans le rang, il participa au championnat du monde FIDE de 1999, mais perdit en huitième de finale contre Shirov.  Il sera sélectionné pour tous les championnats suivants jusqu'en 2007 mais sans réussir à dépasser le deuxième tour..


Style de jeu : attaquant classique


Short a un style de jeu assez classique et tactique. C'est un attaquant farouche qui recherche généralement des positions ouvertes et des lignes de jeu offensives qui débutent par le classique 1. e4. Lorsqu'il a les noirs, Short joue souvent le gambit de la dame refusée. Le joueur britannique avance vite et accorde relativement peu d'attention à la solidité de sa position ou à la sécurité de son roi. Son défaut est précisément sa difficulté à jouer autrement.


Jouer contre une simulation de Nigel Short ?

Short pour Chessmaster 10 et 11

Jusqu'ici, seul Chessmaster offrait une simulation du jeu de Nigel Short. Si vous souhaitez l'affronter, installez le moteur The King dans l'interface Arena et depuis le menu de configuration, choisissez la personnalité "Short" parmi les 49 profils de grands maîtres. N'oubliez pas de guider Arena vers l'une des trois bibliothèques que j'ai construites à partir d'un échantillon de parties du grand maître anglais.

Short pour Rodent IV, de Rob Robinson

Mais depuis peu, Rodent IV dispose d'une personnalité "Short", plus
fine et plus forte que celle de Chessmaster, que j'ai développé moi-même l'été dernier. Voir "Nigel Short pour Rodent IV".

Moteur Grand Maître Short

Cette personnalité existe aussi sous la forme d'un "Moteur Grand Maître", moteur Rodent IV autonomisé avec la personnalité Short, déclinée en 10 niveaux de force, de 1200 à 3000 Elo, et accompagnée d'un jeu complet de bibliothèques pour s'adapter à la force choisie.



En savoir plus sur Nigel Short ?

Biographie de Short sur Wikipédia

Short sur Chess.com : biographie succincte, quatre parties commentées, ouvertures préférées et sélection de 2420 parties.



Yasser Seirawan


Yasser Seirawan est un grand maître international américain,  né à Damas en 1960 d'un père syrien et d'une mère anglaise. Après avoir abandonné la compétition, il est devenu journaliste et commentateur de talent de l'actualité échiquéenne. Il a écrit de nombreux livres et créé le magazine Inside Chess, dont il a été le rédacteur en chef. Sa notoriété est davantage américaine qu'internationale.


Carrières échiquéenne

Seirawan commence à faire parler de lui à 13 ans, en obtenant le titre de champion junior de l'Etat de Washington. Quelques années plus tard, il devient champion du monde junior, en Norvège. Dans les années suivantes, il remporte plusieurs tournois importants, notamment ceux de Wijk aan Zee, Lugano et New York, au début des années 80. Ces résultats et sa deuxième place tournoi interzonale de Bienne, en 1985, lui ouvrent les portes de la sélection des joueurs appelés à participer au championnat du monde 1987.  Finissant 10ème, il ne passe pas le premier tour.  Il se qualifie encore pour le cycle suivant et est éliminé en 8eme de finale. Bien qu'appartenant à l'élite mondiale des échecs, Seirawan reste un cran en dessous des meilleurs des années 80 et 90.
Aux Etats Unis, en revanche, c'est un astre de première magnitude. Il a réussi à quatre reprises à remporter le championnat américain : en 1981, 1986, 1989 et 2000.  Membre de l'équipe olympique américaine durant de nombreuses années, il a également beaucoup contribué à lui obtenir plusieurs médailles d'argent et de bronze.

Photo : Yasser Seirawan (Chess World Championship Bonn 2008). Auteur : Georgios Souleidis


Style de jeu

Seirawan déploie un jeu fortement défensif. Il possède une connaissance de la position exceptionnelle et une maîtrise des finales parfaite. Son tempérament prudent le pousse souvent à utiliser la défense Caro-Kann et ses variantes, lorsqu'il a les noirs. Cela lui permet d'opposer une forte résistance et d'obtenir au minimum la nullité. Pour un joueur défensif, il fait preuve d'une grande ténacité et ne se contente pas facilement d'une partie nulle. En matière de tactique offensive, il privilégie - relativement - la promotion de pions.


Jouer contre une simulation de Seirawan ?

Seul Chessmaster a proposé jusqu'ici une imitation du jeu de Seirawan. Si vous n'avez pas Chessmaster, vous pouvez lancer le moteur The King version UCI depuis l'interface Arena et sélectionner parmi les 49 profils de grands maîtres proposés celui de Seirawan. Sur la page consacrée au moteur de Chessmaster, vous trouverez également un lien pour télécharger trois bibliothèques d'ouvertures que j'ai réalisées à partir d'une sélection de parties de ce joueur.


En savoir plus sur Yasser Seirawan ?

Biographie de Seirawan sur Wikipédia


Seirawan sur Chess.com : biographie succincte, six parties commentées, ouvertures préférées et sélection de 1753 parties.




Larry Christiansen

Théoricien de l'attaque


Le grand maître américain Larry Christiansen est né en 1956 en Californie. Il est très populaire aux États-Unis pour avoir été à plusieurs reprises champion national mais aussi pour le sens tactique aigu qu'il met au service d'un jeu d'attaque féroce et pour ses activités de pédagogues.


Etoile mineure

Joueur précoce Larry Christiansen a remporté à plusieurs reprises le championnat junior des États-Unis (1973, 1974, 1975 et 1977), avant d'être propulsé au rang de Grand Maître International à l'âge de 21 ans, sans passer par la "case" Maître International, cas rarissime. Il a remporté le titre de champion des États-Unis en 1980, 1983 et 2002. Il fut également quatre fois vice-champion de ce même titre.


<- Larry Christiansen (Photo James F. Perry)

Ses succès à l'international demeurent cependant relativement modestes. Il a participé à de nombreuses Olympiades en équipe, où il a été souvent brillant, gagnant la médaille d'or comme membre en 1993 et la médaille d'argent comme capitaine en 1998. Il a remporté une vingtaine de tournois internationaux, dont le très prestigieux tournoi de Linares, en 1979 et 1981.  Mais s'il a été sélectionné deux fois pour le championnat du monde FIDE (1998 et 2002) et une fois pour la coupe du monde (en 2013), il a été éliminé assez vite.


Style : férocement attaquant

Christiansen est un joueur au tempérament agressif, doté d'un sens tactique aigu, pratiquant allègrement le sacrifice de pièces. Il est très respecté par ses collègues grands maîtres - et apprécié du public - pour sa capacité à créer des occasions d'attaque dangereuses à partir de n'importe quelle position.
En matière d'ouvertures, il est connu pour apprécier la défense Est-Indienne, la défense Benoni contre 1 d4 et la Sicilienne-Paulsen contre 1 e4.


Christiansen, pédagogue

Aimant le contact, sympathique et chaleureux, désireux de partager ses connaissances, Christiansen est un excellent pédagogue, un temps entraîneur de l'équipe d'échecs du MIT. Il a écrit une douzaine d'ouvrages dont le très populaire "Storming the Barricades", publié en 2000. "Rocking the Ramparts", quatre ans plus tard, a obtenu également un bon succès.  Les titres de ces livres parlent d'eux-mêmes : le GMI américain y aborde principalement... l'attaque ! Ils s'adressent avant-tout aux compétiteurs désireux de développer, tactiquement, un jeu plus agressif.


Jouer contre une simulation de Christiansen ?

Chessmaster 10 et 11

A ma connaissance, il n'existait jusqu'ici qu'une seule simulation du jeu de Christiansen, celle que proposait Chessmaster pour le moteur The King. Le joueur américain doit sans doute en partie cet honneur au fait qu'il a été battu par Chessmaster 9000 en 2002 au cours d'un match en quatre jeux, par un score de 1,5 à 2,5. Ces parties sont commentées par Christiansen lui-même et disponibles depuis dans Chessmaster (voir aussi un peu plus bas).
Si vous n'avez pas Chessmaster, vous pouvez lancer le moteur The King version UCI depuis l'interface Arena et sélectionner parmi les 49 profils de grands maîtres proposés celui de Christiansen. Sur la page consacrée au moteur de Chessmaster, vous trouverez également un lien pour télécharger trois bibliothèques d'ouvertures que j'ai réalisées à partir de plus de 1600 parties de ce joueur.

Rodent IV

En me basant sur les paramètres du profil de Chessmaster, j'ai développé une personnalité "Christiansen" pour Rodent IV et créé trois bibliothèques d'ouvertures à partir des jeux du grand maître américain. Voir "Larry Christiansen pour Rodent IV".


En savoir plus sur Larry Christiansen ?

Biographie de Christiansen sur Wikipédia


Christiansen sur Chess.com : le champion américain est bien dans la série "Top Chess Players" mais n'a pas l'honneur d'une notice biographique. On trouve seulement le rating du champion, ses ouvertures préférées et une sélection de belles parties.

1774 parties de Larry Christiansen sur Chess.com

A voir également les quatres parties de Christiansen contre Chessmaster 9000 commentées par lui-même :
Jeu #1 Chessmaster vs Christiansen
Jeu #2 Christiansen vs Chessmaster
Jeu #3 Chessmaster vs Christiansen
Jeu #4 Christiansen vs Chessmaster



Ulf Andersson

Le plus acharné des défenseurs


Ulf Andersson est né à Västerås, en Suède, en 1951. Inconnu du grand public, peu connu des joueurs d'échecs eux-mêmes, le GMI suédois a pourtant été pendant plusieurs années dans le top 10 des meilleurs joueurs mondiaux, atteignant le quatrième rang durant quelques mois en 1983. Son style lent et ultra positionnel n'en faisait pas un joueur populaire mais sa science de la défense a beaucoup enrichi la connaissance des échecs.


Carrière échiquéenne

Champion de suède en 1969, à 18 ans, maître international en 1970, GMI en 1972, il enchaîne dans les années suivantes les victoires à de nombreux tournois internationaux : Memorial Capablanca, Belgrade, Buenos Aires, Hastings (trois fois de suite), Dortmund, Turin, Rome, Wijk Aan Zee, Reggio Emilia... Il participe à quatre tournois interzonaux et il est sélectionné à deux reprises pour le championnat du monde. En 1998 et 1999, il est éliminé au second tour lors du départage. Par la suite, ses résultats ont fortement décliné. En 2013, il n'est plus que le 404ème joueur mondial. Son intérêt s'est porté sur les échecs par correspondance, dont il est vite devenu la  figure de proue.  


Photo : Ulf Andersson en 1983 à Wijk aan Zee (photo Rob Bogaerts / Anefo)


Style : ultra-défenseur


Peu de joueurs ont un style aussi marqué et aussi constant qu'Ulf Andersson. Le GMI suédois joue fortement en défense, avançant prudemment, en cherchant dans le jeu de son adversaire la moindre velléité offensive et s'employant à mettre aussitôt en place les mesures prophylactiques appropriées. Andersson va chercher systématiquement à exploiter les faiblesses de la position de son adversaire, accumulant petit avantage sur petit avantage, avançant lentement dans des parties très longues qui ne laissent que peu d'opportunités à son adversaire de lancer des offensives ou de déployer un contre-jeu. Lui-même passe rarement à l'offensive et on ne le verra pour ainsi dire jamais lancer une attaque directe contre le roi adverse. Cela donne des parties souvent considérées comme ennuyeuses.  
Néanmoins, Andersson n'est pas un joueur statique. Contrairement à Petrossian, qui se sent bien dans les positions fermées, Andersson ne les recherche pas et il joue très bien les positions laissant beaucoup d'espace. Il n'est d'ailleurs pas exagérément matérialiste et échange volontiers des pièces si cela peut simplifier la position et l'emmener en finale avec un gain positionnel. A ce propos, Andersson a toujours été considéré comme un fantastique joueur de finale, condition nécessaire pour convertir en victoire les avantages accumulés au cours de la partie. Peu de joueurs auront eu une telle maîtrise des fins de partie.
La technique d'Ulf Andersson fait qu'il est très difficile à battre. C'est une forteresse ! Mais inversement, elle ne lui permet pas souvent de prendre l'avantage face à un adversaire très fort. C'est donc un joueur qui a un taux très élevé de parties nulles.


Apport théorique

Ulf Andersson n'a pas produit de traités ou d'articles théoriques mais il a été indirectement un contributeur important à l'enrichissement de la théorie. On a surtout retenu sa modernisation de la formation en hérisson, redevenue grâce à lui très populaire dans les années 70. Ce plan de développement pour les noirs était connu depuis longtemps mais considéré comme peu efficace. Andersson a révélé son potentiel ; mais une fois passé l'effet de mode, le hérisson est assez largement retombé dans l'oubli. En revanche, les parties du GMI suédois sont examinées et décortiquées dans nombre de traités et monographies et par nombre de formateurs, qui s'intéressent beaucoup à ses techniques de défense.  

Si Ulf Andersson n'a pas formalisé lui-même ses principes théoriques, d'autres l'on fait à sa place, notamment Cyrus Lakdawala, avec "How Ulf Beats Black: Ulf Andersson's Bulletproof Strategic Repertoire for White" (ouvrage non-traduit en français). Autre livre apprécié des aficionados : "Grandmaster Chess Strategy : What Amateurs Can Learn from Ulf Andersson's Positional Masterpieces", de Jurgen Kaufeld & Guido Kern. Notez que New in chess propose gratuitement une version pdf de cet ouvrage, en anglais. Suivez le lien ci-dessus...





Jouer contre une simulation d'Andersson ?

Andersson a un jeu si typé qu'il est intéressant de pouvoir affronter un moteur d'échecs proche du style du GMI suédois.

Andersson de Chessmaster 4000 Turbo

La seule simulation disponible d'Andersson jusqu'ici était celle du vieux Chessmaster 4000 Turbo. C'est l'une des rares personnalités de la version 4000 Turbo qui n'ait pas fait l'objet d'une actualisation dans les versions ultérieurs de Chessmaster. Les profils de CM 4000 ne sont pas tous excellents mais celui d'Andersson me parait valable, compte tenu de ce que je sais du GMI suédois. Par contre, il y a peu de chance de le voir jouer sa fameuse ouverture en hérisson, CM 4000 ne proposant pas de bibliothèques spécifiques avec ses personnalités GM.

Andersson pour Rodent IV par Rob Robinson

Néanmoins, j'ai travaillé à la réalisation d'un profil Andersson pour Rodent IV, qui sera un bien meilleur choix que le profil Chessmaster CM 4000. Voir : "Ulf Andersson pour Rodent IV". Cette personnalité ayant encore besoin d'être testée en profondeur, aucun moteur "Grand Maître Andersson" n'est pour le moment disponible. Mais ça ne tardera pas.


En savoir plus sur Ulf Andersson ?

Biographie succincte d'Andersson sur Wikipédia

Andersson sur Chess.com : biographie succincte, trois parties commentées, ouvertures préférées, sélection de 2994 parties.



Vladimir Kramnik

Vlad l'empaleur


Né en 1975 en Russie, Vladimir Kramnik a été très vite un joueur de premier plan, surnommé ''Vlad l’empaleur'' : GMI à 17 ans, vainqueur de nombreux tournois prestigieux, triple champion du monde (classique en 2000 et 2004, réunifié en 2006), vainqueur de la coupe du monde en 2013 et second joueur de l'histoire des échecs à dépasser les 2800 Elo.


Vladimir Kramnik - Maria Emelianova / Chess.com)


Vladimir Kramnik est né en 1975 à Touapsé, petit commune de la région de Krasnodar, en Russie. Il a été l'un de ces champions d'échecs très précoces tel que Kasparov, Fischer ou Polgar, commençant à jouer à 5 ans et considéré à 12 ans  comme assez bon pour intégrer la prestigieuse école d'échecs de Mikhaïl Botvinnik. Il n'a pas encore 17 ans lorsque ses performances exceptionnelles lors des Olympiades de 1992 permettent à l'équipe de Russie de remporter l'épreuve. Il revient lui-même avec la médaille d'or individuelle et obtient dans la foulée le titre de GMI, sans passer par la case "MI", cas rarissime. A partir de là, sa progression est extrêmement rapide. Au tournoi de Linarès, il bat Garry Kasparov pour la première fois  ; Kasparov, impressionné,  prédit alors que Kramnik sera un jour champion du monde. Il ne se trompe pas.


Triple champion du monde

En 1993, Kramnik est sélectionné pour les épreuves des candidats mais est éliminé en cours de route. Ce n'est qu'un galop d'essai. Dans les années suivantes, il remporte un grand nombre de tournois prestigieux tandis que son jeu évolue peu à peu. Son style initiale, tactique et combinatoire, cède la place à un jeu positionnel plus prudent et moins agressif, une évolution qu'il pense nécessaire, à raison, pour conquérir le titre mondial.  
En 2000, il remporte enfin l'avant dernier dernier championnat du monde "classique", qui se déroule à Londres, en battant assez nettement Kasparov. +2 -0 =14. Le champion du monde sortant, qui est loin d'être encore sur le déclin, a choisi lui-même son challenger, en arguant de sa position dans la hiérarchie échiquéenne (il est alors le premier joueur mondial par le classement Elo). Une attitude qui a été critiqué, en ce qu'elle rappelait les pratiques douteuses des débuts du championnat du monde. Mais Kramnik est loin d'être un adversaire de confort, comme sa victoire l'a amplement démontré.


(Photo : Kramnik face à Leko - Dortmund. Sparkassen Chess Meeting 2006)


Quatre ans plus tard, il doit défendre son titre contre contre Peter Leko, en Suisse. Le joueur Hongrois déploie un jeu hyper-défensif avec lequel Kramnik n'est pas du tout à l'aise. La confrontation se termine par une stricte égalité. Le privilège du sortant lui permet de conserver son titre mais il est clair qu'il n'est pas au mieux de sa forme. Il souffre en fait de spondylarthrite ankylosante, une maladie génétique provoquant d'intolérables douleurs articulaires. En 2005, il doit arrêter la compétition durant six mois pour subir un traitement lourd qui s’avérera efficace.

Entre-temps, les deux championnats du monde concurrents ont fusionné. Il n'y a plus qu'une épreuve "unifiée". En 2006, Kramnik, revenu aux échecs, champion du monde sortant "classique", affronte le Bulgare Veselin Topalov, champion du monde sortant "FIDE". La rencontre est très tendue car Topalov accuse, sans preuve, Kramnik de tricher lors de ses fréquents aller-retour aux toilettes. C'est la bien connue mais très médiocre affaire "Toiletgate". Déstabilisé, le joueur russe est déclaré forfait pour une partie qui revient à Topalov. A la fin des parties lentes, le résultat est cependant égal : 6-6. Kramnik l'emporte au départage, par 2,5-1,5.



Le reflux

Peu après sa victoire contre Topalov, Kramnik, sans doute fatigué, commet une bévue incroyable, lors d'une confrontation avec le programme d'échecs Deep Fritz 10. A la seconde partie, il ne voit pas un mat en un coup alors que la position est équilibré  ; il perd la partie comme un débutant.  En 2007, il doit abandonner son titre à Vishy Anand, qui l'a devancé dans un tournoi en double-ronde avec huit joueurs, après quelques mauvaises parties contre Grichtchouk puis contre Morozevitch.
Il a néanmoins acquis un droit à la revanche et affronte donc à nouveau Vichy Anand un an plus tard. Cette fois il perd assez nettement contre le joueur indien : +1 -3 =7. Kramnik reconnaît sa défaite et avoue que son adversaire était à ce moment là tout simplement plus fort que lui, "dans tous les compartiments du jeu". Il en identifie l'une des raisons : Anand s'est préparé avec les nouveaux outils informatiques, auxquels Kramnik ne croyait pas. C'était une erreur. "J'ai minimisé leur importance et vers la moitié du match j'ai réalisé qu'il était trop tard." avouait-il au cours d'une interview.
Dans les années suivantes il est systématiquement sélectionné pour participer aux épreuves du championnat du monde, sans réussir à reprendre le titre. Il restera cependant encore de nombreuses années parmi les quatre meilleurs joueurs mondiaux, remportant encore la coupe du monde en 2013. Kramnik a cependant un autre problème : il n'a plus - et dit-il n'a jamais vraiment eu - le goût de la compétition. Les contraintes inhérentes à la vie d'un joueur de très haut niveau lui pèse. En janvier 2019, à seulement 43 ans, il annonce  l'abandon de sa carrière de joueur professionnel, avouant n'avoir plus assez de goût pour les échecs.  


Le style : universel

Kramnik est de ces grands maîtres que l'on dit ''universels'' . Ce qui veut dire polyvalents, pouvant employer n'importe quel type d'ouvertures  au service d'un jeu défensif et positionnel aussi bien que tactique et agressif. Ses habitudes ont cependant varié dans le temps. Jeune, il faisait preuve d'un jeu fortement attaquant et combinatoire, puis sur les conseils de ses mentors, il est devenu plus prudent, jusqu'à adopter une posture fortement défensive et positionnelle, ne prenant des risques qu'avec les blancs et se contentant de rechercher la nullité avec les noirs. Un itinéraire somme toute assez fréquent. Mais après 2000, il est revenu à un jeu plus dynamique, acceptant parfois des positions fortement déséquilibrées dont il arrivait le plus souvent à s'extirper avec gain.
Le jeu de Kramnik varie aussi en fonction de l'adversaire et de l'épreuve. Dans ses parties de championnat du monde, il aura beaucoup joué de manière positionnelle, face à des joueurs bien préparés à l'affronter et au niveau de jeu très élevé. Mais dans les tournois, où l'on ne se prépare pas contre un adversaire en particulier et où la concurrence est moins féroce on retrouve beaucoup de son style initial, offensif et combinatoire.
Le répertoire d'ouvertures de l'ancien champion du monde russe est très large. Observons quand même qu'il a beaucoup joué les ouvertures anglaises et la défense Grünfeld avec les blancs et la défense berlinoise et la sicilienne avec les noirs.



Jouer contre une simulation de Vladimir Kramnik ?

Chessmaster proposait depuis l'édition 9000 une personnalité Kramnik au style modérément défensif mais à la mobilité élevée. Le logiciel Lucas Chess offre aussi un profil Kramnik, dans sa collection de "Moteurs GM", avec une petite bibliothèque d'ouvertures "Kramnik" au format Polyglot (.bin).

Bien qu'il ne soit pas facile d'imiter un joueur aux traits aussi changeants que Kramnik, j'ai fais une tentative d'imitation pour le moteur Rodent IV en m'inspirant du style plus dynamique de la dernière période du grand maître russe. Près de 6600 de ses jeux m'ont permis de créer des bibliothèques guide très fiables (Voir : Kramnik pour Rodent IV).



En savoir plus sur Vladimir Kramnik ?

Biographie de Kramnik sur Wikipédia

Kramnik sur Chess.com : biographie succincte, sept parties commentées, ouvertures préférées, sélection de 3303 parties.

Championnat du monde d'échecs 2000 classique, Kasparov vs Kramnik. Cette partie pour laquelle Kramnik a obtenu la nullité avec les noirs est considérée comme le pivot de son ascension vers le titre de champion du monde.




Vassily Ivanchuk

L'éternel challenger


Ce grand maître ukrainien, né en 1969, a été l'un des cinq meilleurs joueurs mondiaux du début des années 90 à la fin de la décennie 2000. Après 2013, il s'est laissé distancer progressivement par des joueurs plus jeunes mais a continué à jouer longtemps à un très haut niveau. En 2022 il était encore classé 67eme mondial et affichait un Elo de 2678.


Carrière échiquéenne

Le premier fait d'armes notable d'Ivanchuk a été de remporter le championnat d'Europe d'échecs junior, en 1987. Quelques mois plus tard, il gagne l'open de New York puis le championnat du monde junior. Cela lui vaut d'obtenir dans la même année 1988 la norme de maître international puis celle de grand maître international.

<- Ivanchuk en 2016 au championnat du monde de parties rapides (Photo de Maria Emelianova)

L'année 1989 se présente comme un feu d'artifice pour le GMI ukrainien : il remporte coup sur coup le tournoi de Bienne, d'Erevan et surtout le prestigieux tournoi de Linarès devant Karpov et Short. Les années 90 et 91 sont tout aussi brillantes, avec notamment une nouvelle victoire à Linarès devant toute l'élite mondiale avec un score incroyable de 9,5/13. C'est aussi au cours de ce tournoi qu'il a battu consécutivement Karpov et Kasparov.
L'ascension d'Ivanchuk se poursuit dans les années suivantes. Il remporte une troisième fois Linarès en 1995, le tournoi de Wijk aan Zee en 1996...


Eternel challenger de la coupe du monde et du championnat du monde

Parallèlement, Ivanchuk progresse en direction du championnat du monde FIDE. C'est là qu'apparaît la faiblesse du joueur ukrainien : il résiste mal à la pression. Lorsque l'enjeu est très important, il lui arrive de craquer et de faire de grosses gaffes. Les défaites le démoralisent et font chuter sa motivation. C'est certainement ce qui explique qu'il n'ait remporté ni la coupe du monde ni le championnat du monde ; et qu'il n'ait jamais dépassé le niveau de second joueur mondial. Néanmoins, de 1997 à 2017 il a toujours obtenu sa qualification pour le championnat du monde. C'est en 2002 qu'il sera le plus près de l'emporter. Cette année-là, il sera finaliste mais perdra contre Ruslan Ponomariov. En 2017, dernière participation notable, il atteindra le quart de finale pour être défait par Levon Aronian.
Après 2018, Ivanchuk a dégringolé dans les classements. Mais jusqu'à cette date, il est resté un redoutable joueur de tournois, enregistrant un grand nombre victoires - mais faisant preuve aussi parfois de chutes de forme spectaculaires.
Le GMI ukrainien a également été un très fort joueurs de parties rapides, remportant plusieurs titres majeurs : le championnat du monde de blitz en 2007, le Memorial Tal en blitz en 2008, le championnat du monde de parties rapides en 2018…


Style

Ivanchuk préfère généralement jouer en défense et de manière très classique mais se laisse difficilement enfermer dans un style particulier. Par exemple, il lui arrive souvent de faire des sacrifices inattendus et de jouer dans des positions très désavantageuses du point de vue matériel, sans perdre le contrôle de la partie.  Son répertoire d'ouvertures est énorme et il concède peu d'habitudes dans ce domaine, ce qui nuit à la préparation de ses adversaires.
Beaucoup de grands joueurs considèrent Ivanchuk comme un génie des échecs mais l'analyse de ses parties montrent cependant que s'il dispose d'une maîtrise technique remarquable dans tous les domaines du jeu, il n'a que rarement été novateur.


Jouer contre une simulation de Vassily Ivanchuk ?

Ivanchuk version Chessmaster 10 et 11

Il n'existait jusqu'ici qu'une seule simulation du jeu du joueur ukrainien, celle qui accompagne Chessmaster depuis la version 9, Ivanchuk étant à l'époque du développement de ces logiciels une brillante étoile montante.

Ivanchuk pour Rodent IV

En me basant assez largement sur le profil de Chessmaster, j'ai créé une personnalité Ivanchuk pour Rodent IV. Elle est accompagnée d'un jeu de très bonnes bibliothèques d'ouvertures. Voir "Ivanchuk pour Rodent IV".


En savoir plus sur Vassily Ivanchuk ?

Biographie d'Ivanchuk sur Wikipédia

Ivanchuk sur Chess.com : biographie assez complète, dix parties commentées, ouvertures préférées et 4546 parties disponibles.



Alexei Shirov

Trop audacieux pour atteindre les sommets


Né Letton en 1972 mais naturalisé espagnol en 1996, Alexei Shirov a fait partie de la poignée des cinq meilleurs mondiaux durant une vingtaine d'années, entre 1990 et 2010. Il a même été pendant une courte période le second, en 1994. Très populaire pour son style risque-tout, qui rappelle son compatriote Mikhaïl Tal, Shirov attire la sympathie et l'admiration du public.  Mais à une époque ou l'audace ne paie plus, son goût des complications l'a probablement empêché de monter sur les plus hautes marches.  


Alexei Shirov* est né en 1972 à Riga, en Lettonie, à l'époque république soviétique. Marié à une Argentine, il s'est installé avec elle en Espagne et a pris la nationalité espagnole en 1996. En tant que joueur d'échecs, il a également adhéré à la fédération espagnole et a représenté durant plusieurs années l'Espagne dans les épreuves internationales. Il a néanmoins gardé des liens forts avec la Lettonie où il se rend très souvent. En 2011, il est même retourné s'y installer et représente à nouveau la fédération lettone d'échecs.


<- Photo : Shirov en 2010 - Stefan64

Un joueur influencé par Mikhaïl Tal

Shirov est le meilleur joueur actuel originaire de Lettonie mais ce pays a eu un autre champion d'envergure : Mikhaïl Tal. Est-ce un hasard si Shirov est comme son illustre aîné un joueur au style très offensif, qui prend des risques et aime les complications ? Sans doute pas. Le public adore les attaquants, avec leurs coups brillants et spectaculaires, d'autant qu'ils se font de plus en plus rares. De ce côté là, il est servi, avec Shirov. Malheureusement, la défense a fait de telles progrès aux échecs que la plupart des joueurs naturellement offensifs ont dû en rabattre et jouer un peu comme tout le monde : positionnel et avec une solide défense. Mais pas Shirov, qui, comme son glorieux aîné, a du mal à résister à l'appel des complications.


Vingt ans dans les parages du championnat du monde


Alexeï Shirov est devenu champion du monde des moins de 16 ans en 1988, puis vice-champion du monde junior (moins de 20 ans) en 1990 (à égalité de points avec le vainqueur, Ilia Gourevitch). Il n'a obtenu le titre de GMI qu'en 1992, à l'âge de 20 ans, alors que d'autres ont été bien plus précoces. Il n'en reste pas moins qu'il a été très jeune un joueur remarqué pour son style brillant et bouillant. On retiendra en particulier sa victoire à Bienne, en 1991, à Munich en 1993 et sa deuxième place à Linarès en 1994, derrière Karpov mais ex aequo avec Kasparov.  

<- Shirov en 2014, à Baden-baden - Stefan64

Naturellement, Shirov a été à plusieurs reprises engagé dans le cycle de sélection pour le championnat du monde, sans jamais parvenir toutefois en finale. Sa première sélection date de 1990. Il n'avait que 18 ans et pas encore l'envergure suffisante pour se maintenir très longtemps. En 1993, il manqua de peu d'être qualifié. En 1997, il atteignit les quart de finale du championnat FIDE et chuta contre le GMI indien Vishy Anand.
Ses excellents résultats dans diverses compétitions et sa côte Elo très élevée incitèrent les organisateurs du championnat concurrent, le "Classique", à le sélectionner pour affronter, en 1998, le champion en titre, Garry Kasparov. Mais les discussions avec Shirov se sont arrêtées en raison de divers problèmes, dont une certaine mésentente entre les deux joueurs qui a fait fuir les sponsors. Selon Kasparov, c'est Shirov qui aurait causé le peu d'intérêt des financeurs, en raison d'un bilan trop médiocre contre lui pour soutenir l'intérêt. Finalement c'est Kramnik, que Shirov avait pourtant battu lors des sélections, qui affrontera Kasparov et deviendra champion du monde "Classique". C'est sans doute à ce moment là que sa seule chance de remporter le titre s'est évanouie.
Pour le championnat du monde FIDE de 1999,  il trébucha en  quart de finale contre Liviu-Dieter Nisipeanu, joueur roumain pourtant nettement inférieur.  Au championnat FIDE de 2000, il fera mieux, arrivant en finale mais perdant encore face à Anand, contre qui Shirov aura toujours eu du mal à s'imposer. Il perdra d'ailleurs à nouveau contre le grand maître indien en quart de finale du CM FIDE de 2001.
Il arrivera encore en demi-finale du tournoi des candidats pour le "Classique" de 2004, chutant contre Peter Léko. Les années suivantes, il ne fit guère plus que de la figuration. Le déclin était amorcé. Non sélectionné pour le championnat FIDE de 2005, éliminé en 2007 au second tour des présélections par Levon Aronian... Cependant, la même année, il réussit plus brillamment lors de la coupe du monde FIDE, pour lequel il sera finaliste.
Aujourd'hui, à 50 ans, Shirov est encore dans le groupe des 100 meilleurs joueurs mondiaux (89eme en mai 2023), mais il n'est plus un joueur de premier plan.


Style : tacticien et attaquant

La manière de joueur de Shirov est proche de celle de son aîné, Mikhaïl Tal, dans sa dernière période, plus sage : c'est donc un redoutable attaquant, prompt à l'échange et aux sacrifices spectaculaires, qui aime les complications tactiques et apprécie de désorganiser le jeu de l'adversaire. Comme pour Tal, les mouvements jouées se révèlent souvent efficaces bien qu'ils ne soient pas forcément les meilleurs. Mais Shirov ne maîtrise pas toujours les complications qu'il a créées et peut se retrouver en difficulté face à des joueurs très bon défenseurs comme Anand ou Léko.


Jouer contre une simulation d'Alexei Shirov ?

Il n'y avait pas quantité de simulations de Shirov, un joueur pourtant très populaire. Principalement, nous avions le vieux profil Chessmaster, pas si mal, et mon "Petit-Shirov" Chessterfield, que je ne propose plus. Mais depuis peu nous avons une simulation de Shirov pour Rodent IV, qui sera certainement le meilleur choix actuel.  

Shirov version Chessmaster 10 et 11

Le moteur The King est accompagné d'une simulation d'Alexei Shirov. Comme ce moteur ne tourne en pratique qu'avec Arena, j'ai réalisé deux bibliothèques abk, une petite (18 1/2 coups) et une grosse (45 1/2 coups).   

Shirov pour Rodent IV

Rodent sait très bien reproduire le style tranchant de joueurs offensifs aimant les complications tels que Tal ou Shirov. Développer cette simulation et la voir fonctionner a été un plaisir et la source d'une grande satisfaction. Voir "Shirov pour Rodent IV".


Moteurs d'échecs au style proche de Shirov

Trois moteurs d'échecs au moins ont un jeu offensif et spéculatif assez proche du style de Shirov : AnMon (2550 Elo), Rhetoric (2800 Elo) et Houdini (3200 Elo). AnMon et Rhetoric sont moins forts qu'Houdini mais leur jeu a un aspect plus naturel.


En savoir plus sur Alexei Shirov ?

Biographie de Shirov sur Wikipédia

Shirov sur Chess.com : biographie succincte, dix parties commentées, ouvertures préférées, sélection de 4375 parties.




Judit Polgar

La plus forte joueuse de tous les temps


Ce n'est pas pour avoir été championne du monde que Judit Polgar laissera une trace forte dans l'histoire des échecs, mais parce qu'elle a été jusqu'à ce jour la seule femme ayant pu prétendre au titre mondial. Elle ne l'a jamais remporté mais en a été assez près, entre 1996 et 2005, période durant laquelle elle a été classée au 10eme rang et même au 8eme rang en 2004 et 2005. Parmi ses nombreux titres de gloire, n'oublions pas non plus de signaler qu'elle est devenue grand maître international en 91 à l'âge de 15 ans, battant d'un mois le record de Bobby Fischer.


(Photo ci-dessus : Judit Polgar en 2014 - Oliver Moody)


Le fait est là : les femmes jouent peu aux échecs à haut niveau et leurs plus grandes championnes sont de force nettement inférieure aux meilleurs hommes. Non qu'elles soient biologiquement moins douées pour cela que les hommes. C'est plutôt un fait culturel, qui commence néanmoins à évoluer, en partie grâce à Judit Polgar.  Échappant totalement à ce schéma, grâce à son père, la joueuse hongroise a toujours répugné à participer aux compétitions féminines, préférant affronter les hommes sur leur propre terrain. Avec succès puisqu'elle a réussi à se maintenant dans le Top Ten des meilleurs joueurs pendant huit ans, dont quelques années en huitième position. Son plus fort classement : 2735 Elo.



Une fratrie de joueuses d'échecs

Judit Polgar, née en 1976 à Budapest, est la plus jeune d'une fratrie de trois sœurs : Susan, Sofia et Judit. Sa carrière exceptionnelle est en quelque sorte le fruit d'une expérience de laboratoire. Son père, László Polgar, enseignant et psychologue hongrois, avait décidé de prouver que le génie n'est pas inné mais acquis. Il a obtenu, avec quelques peines, l'autorisation des autorités hongroises d'éduquer lui même ses trois filles. Il leur a appris très tôt à jouer aux échecs et les a soumis à un entraînement intensif qui a fait de toutes trois des championnes. Acquis aux idéaux socialistes, László voulait démontrer qu'un enfant correctement stimulé dès son plus jeune âge pouvait obtenir un succès exceptionnel dans n'importe quel domaine intellectuel. Il a apparemment réussi son pari, mais si l’aîné, Susan, a été longtemps au sommet de l'élite échiquéenne féminine, Sofia n'a fait qu'une carrière assez modeste. Et même si ses deux sœurs ont été de fortes joueuses, seule Judit pourrait être qualifiée de géniale.  


Carrière échiquéenne

Redoutable joueuse d'olympiades, Judit Polgar a apporté l'or à l'équipe féminine de Hongrie en 1988 et gagné l'or en individuel alors qu'elle n'avait que 12 ans. Deux ans plus tard, elle a recommencé l'exploit. Par la suite, elle a cessé de concourir dans des équipes féminines.
Judit Polgar a remporté bien sûr un grand nombre de tournois internationaux : Amsterdam (1990), Hastings (1993), Madrid (1994), Leon (1996), l'US Open (1998), Hoogeveen (en 1998, 1999, 2001, 2003, 2006), le Japfa classic de Bali (2000)... La liste est longue.
Elle a été également la première femme à être sélectionnée pour le tournoi des candidats au championnat du monde. De 1997 à 2013 elle participe cinq fois à la compétition.  C'est en 1999 à Las Végas qu'elle réussit sa meilleure performance, s'inclinant en quart de finale devant Alexander Khalifman, qui a remporté le titre.
Judit Polgar a également été sélectionnée à plusieurs reprises pour la coupe du monde. En 2011 elle a atteint les quarts de finale mais berdit contre Peter Svidler, qui remporta la coupe.
Deux événements, de portée limitée sur le plan pratique mais symboliquement très importants, retiendrons sûrement aussi l'attention des historiographes : sa victoire par 5,5 points sur dix contre l'ancien champion du monde Boris Spassky, dans un match exhibition de 1993. Et surtout la défaite de Kasparov contre Polgar en 2002 dans un match "Russie contre le reste du monde". Kasparov, qui avait soutenu que les femmes ne pouvaient atteindre un niveau comparable à celui des hommes, a disparu discrètement après une rapide poignée de main, afin d'éviter de commenter sa défaite devant un parterre de journalistes.



Un style offensif qui paye

Judit Polgar passe pour une joueuse agressive. Son style est cependant loin d'un Mikhaïl Tal. Il est souvent prudent et positionnel, l'échange étant pratiqué même avec réticence ; ses choix d'ouvertures sont assez conventionnels. Mais elle est capable de fulgurances. Si elle trouve un angle d'attaque, elle sort de sa réserve, prend des risques, sacrifie du matériel et se lance dans des combinaisons audacieuses et déséquilibrées qui s'avèrent très souvent gagnantes. C'est aussi ce qui a fait sa renommé. Le public adore les joueurs attaquants, surtout s'ils réussissent. Ceux qui arrivent à un haut niveau sont peu nombreux et peinent en général à se maintenir. Dans sa meilleure période, de 1996 à 2004, elle aura été, avec Alexei Shirov, l'un des joueurs les plus spectaculaires du circuit. Rares sont d'ailleurs les grands noms des échecs de son époque qu'elle n'aura pas réussi à inscrire un jour ou l'autre à son tableau de chasse. On y trouve notamment Vishy Anand, Magnus Carlsen, Anatoli Karpov, Garry Kasparov, Vladimir Kramnik, Boris Spassky, Veselin Topalov...



Fin de carrière à 38 ans

Judit Polgar a mis fin à sa carrière de joueuse d'échecs en 2014, à 38 ans, afin de se consacrer à sa famille et à ses enfants. Elle est néanmoins restée très proche des échecs, écrivant des livres, chroniquant les grandes compétitions et créant une fondation en Hongrie chargée de la promotion des échecs dans l'éducation.


Jouer contre Judit Polgar ?

En matière de simulation de Judit Polgar, vous avez trois possibilités. Le profil Prodeo version Polgar, le profil de Chessmaster et mon profil "Polgar" pour Rodent IV.

<- Judit Polgar en 2008, par Stefan64

ProDeo, version Polgar

Au milieu des années 90, Ed Schröder, créateur de plusieurs grands moteurs d'échecs, a été le premier à incorporer dans une console de jeu d'échecs un moteur imitant le style d'un joueur, en l'occurrence celui de la championne hongroise. Pas étonnant si son moteur gratuit, Prodeo, propose un profil à son nom (Voir "Jouer contre Alekhine, Anand, Fischer, Karpov, Kasparov, Polgar ou Tal ?")

Ed Schröder a laissé ses profils de personnalité présents dans les distributions récentes de Prodeo mais a négligé de les adapter aux nouvelles versions. Quelques manipulations assez simples, que je vous indique sur cette page vous permettront de le faire avec ProDéo 2.2 ou avec Prodéo 2.6. Vous pourrez jouer contre une version simulée de Judit Polgar, dotée d'une force de 2700 Elo, comparable au niveau de la championne.  
Si Prodéo-Polgar tourne avec Arena, téléchargez la bibliothèque d'ouvertures au format Abk que j'ai créé avec près de 8000 parties gagnantes ou nulles de la championne.

Polgar version Chessmaster 10 et 11

La joueuse hongroise a fait l'objet d'une simulation intégrée au jeu Chessmaster. Vous trouverez sur la page dédiée à son moteur, The King, la possibilité de télécharger le profil Polgar ainsi que les trois bibliothèques d'ouvertures, "spécial Polgar",  à utiliser conjointement avec l'interface Arena.

Polgar version Rodent IV

Enfin, vous pouvez aussi - et je crois que c'est aujourd'hui le meilleur choix - utiliser mon profil "Polgar" pour Rodent IV. Plutôt que d'accuser les traits, j'ai préféré faire le choix de la fidélité. J'ai donc beaucoup testé la simulation, qui a connu trois versions successives. Je trouve son jeu magnifique, obtenant facilement les brusques poussées offensives et tactiques du modèle. Voir "Judit Polar pour Rodent IV".


En savoir plus sur Judit Polgar ?

Biographie de Judit Polgar sur Wikipédia

Judit Polgar sur Chess.com : biographie succincte, six parties commentées, ouvertures préférées, sélection de 2084 parties.





Viswanathan Anand

Le premier grand champion du continent asiatique


Viswanathan Anand, dit "Vishy Anand", est né en 1969 à Madras (aujourd'hui Chennai) en Inde. Ce joueur très précoce, devenant maître international à l'âge de 15 ans et grand maître international à 19 ans, en 1988,  a été le premier indien à obtenir cette norme. Ses dispositions pour les échecs sont phénoménales. Non seulement c'est un joueur complet, bon dans tous les compartiments du jeu, mais il joue aussi ses parties à une vitesse bien supérieure à la moyenne des joueurs. Anand est d'ailleurs l'un des meilleurs joueurs au monde de parties rapides et blitz.  



Ascension rapide...

L'ascension de Vishy Anand dans le monde des échecs indien a été d'autant plus rapide que l'Inde, comme tous les pays du continent asiatique, n'a pas une grande tradition échiquéenne et que la concurrence est faible. À 16 ans, il remporte ainsi le titre national adulte (puis les années suivantes). Rapidement, sa carrière s'extirpe du seul cadre national. A 18 ans, il est le premier joueur d'Asie à obtenir le titre de champion du monde junior et remporte à Wijk aan Zee, en 1989, son premier grand tournoi international. Il gravit ensuite rapidement les échelons de la compétition mondiale, remportant nombre de grands tournois...  


<- Viswanathan Anand en 2017 (Barnos, travail personnel)

...mais lente conquête du titre mondial

Ses résultats lui permettent d'être sélectionné pour les championnats du monde de 1991 et 1994, pour lesquels il atteint le quart de finale. Pour le championnat du monde "Classique" (PCA) de 1995, il perd en finale contre Kasparov, à New York, par le score de 10,5 à 7,5. En 1998, il perd à nouveau en finale du championnat du monde FIDE contre Karpov, mais cette fois au départage.
Anand ne participe pas au championnat du monde FIDE de 1999, occupé à négocier avec Kasparov l'organisation d'un match indépendant qui n'a finalement jamais lieu. Trois ans de perdus. Le joueur indien, dit-on, est trop tendre pour un monde où personne ne fait de cadeaux. Il se blinde et après une année 2000 particulièrement faste en bons résultats, il devient champion du monde FIDE en battant Alexei Shirov à Téhéran.
C'est déjà bien, mais la valeur du titre est amoindrie par l'existence du championnat du monde concurrent, le "Classique", qui retient Kramnik et Kasparov, et a poussé au retrait de Karpov. Pour ne rien arranger, Anand perd son titre deux ans plus tard, après avoir été éliminé en demie finale par Vassili Ivanchuk. Lequel est battu à son tour par Ponomariov. Le grand maître indien a de nouveau un passage à vide, ne participant en 2004 à aucun des deux championnats du monde.
Au championnat du monde FIDE de 2005, il perd en finale contre Veselin Topalov, qui remporte le titre dans une finale très controversée contre Kramnik.

Anand ne se laisse pas abattre par toutes ces déconvenues. Il continue à jouer à très haut niveau et devient en 2007 le numéro "1" mondial avec un Elo de 2786 points. La même année, il remporte enfin le titre de champion du monde à Mexico, contre Vladimir Kramnik. Sa domination durera six ans. Il gagne successivement à nouveau contre Kramnik en 2008, puis en 2010 à Sofia contre Topalov et enfin, en 2012 à Moscou contre Boris Guelfand.
En 2013, Magnus Carlsen lui ravit le titre en finale. Il perd à nouveau en finale contre le norvégien en 2013 et 2014. Depuis, Anand  a cessé de joueur les premiers rôles mais, à plus de 50 ans, reste durablement parmi les meilleurs joueurs du monde. En mars 2023 il était encore le neuvième joueur mondial avec un Elo FIDE de 2754.


Un style de jeu universel

Anand est réputé pour jouer avec une rapidité hors normes, trouvant des combinaisons tactiques en quelques secondes. C'est un joueur très fort en tactique, qui déploie un jeu généralement assez dynamique, mais c'est également un solide défenseur. C'est un joueur difficile à décire en terme de style. Son jeu peut être très offensif et on l'a vu attaquer vigoueusement en sacrifiant du matériel. Mais il peut aussi tenir la longueur dans de patientes parties défensives. On peut parler à son sujet de style universel, polyvalent, équilibré dans tous les compartiments du jeu.
En matière d'ouvertures, il n'est pas un grand aventurier. Il joue souvent
1.e4 alorsqu'il a les blancs ; avec les noirs, il privilégie les défenses classiques les plus solides.


Jouer contre une simulation d'Anand ?

Belle collection de simulation pour Vishy Anand :

Anand version Chessmaster 10 et 11


Un profil "Anand" était proposé avec le programme Chessmaster. Vous pouvez le lancer en installant dans l'interface Arena une vieille version du moteur The King de Chessmaster, modifiée pour fonctionner avec le protocole UCI. Vous pourrez le télécharger sur ce site.

Anand-Prodeo et Anand "moteur GM" de Lucas Chess

Ed Schröder a développé pour son moteur Prodeo toute une collection de profils imitant le style de grands joueurs, dont Vishy Anand. Lucas Chess propose également un profil "Anand" dans sa série des "Moteurs GM".


Anand pour Rodent III et Rodent IV, par Pawel Koziol

Un profil Anand accompagne Rodent depuis la version II. Pawel Koziol l'a actualisé pour Rodent III mais pas pour Rodent IV. Je m'en suis donc chargé.

Pawel Koziol a représenté Anand en attaquant prudent, mais le joueur indien pouvait être aussi parfois un défenseur modéré. J'ai donc proposé un profil pour cette autre facette d'Anand. Voir: "Vishy Anand pour Rodent IV".

Moteur Grand Maître Anand

Je propose également cette personnalité sous la forme de "Moteurs Grand Maître", moteur Rodent IV autonomisé avec les deux personnalités d'Anand, chacune déclinée en 10 niveaux de force, de 1200 à 3000 Elo, et accompagnée d'un jeu complet de bibliothèques pour s'adapter à la force choisie.


En savoir plus sur Vishy Anand ?

Biographie de Vishy Anand sur Wikipédia

Anand sur Chess.com : biographie succincte, sept parties commentées, ouvertures préférées, sélection de 4145 parties.




Boris Guelfand

Le joueur (presque) parfait

Grand maître biélorusse puis israélien Boris Guelfand* a été durant une vingtaine d'années parmi les vingt meilleurs joueurs mondiaux, gagnant beaucoup de tournois prestigieux, vainqueur de la coupe du monde en 2009 et vice-champion du monde en 1994 et en 2012.


Boris Guelfand est né à Minsk, en Biélorussie, en 1968, à l'époque République soviétique, dans une famille juive. Son père lui a appris à jouer aux échecs alors qu'il n'avait que quatre ans et ses dispositions se sont immédiatement avérées phénoménales. Dès l'âge de six ans, sa vie est orientée presque exclusivement vers les échecs. Il est pris en charge par le chess system soviétique et commence un enseignement poussé sous la direction de l'entraîneur Eduard Zelkind, puis de la championne Biélorusse Tamara Golovey. Enfin, il intégrera l'école d'échecs de Tigran Petrossian, recevant du grand champion arménien lui-même les ultimes conseils.


Carrière échiquéenne

Guelfand attire pour la première fois l'attention en 1983. Il n'a que 15 ans lorsqu'il remporte le memorial Sokoski, à Minsk, devant une belle brochette de forts joueurs. A partir de là,les succès se sont enchaînés : vainqueur du championnat d'URSS junior en 1985, Champion d'Europe junior en 1987 et 1988, vainqueur du match qualificatif pour la Coupe du monde à Majorque, en 1989, obtention de la norme de grand maître international, médaille d'or au second échiquier de l'olympiade d'échecs 1990, second au tournoi de Linares en 1990... et surtout vainqueur de l'interzonal de Manille, ce qui lui permet d'accéder à son premier tournoi des candidats du championnat du monde...
Guelfand perd honorablement en quart de finale devant Nigel Short mais le Biélorusse dispose encore d'une bonne marge de progression. Grand vainqueur de l'interzonal de Bienne, il obtient ainsi une fois de plus son ticket d'entrée pour le championnat du monde de 1994. Il bat Michael Adams en quart de finale, puis Vladimir Kramnik en demi-finale mais perd assez nettement contre Karpov en finale (+1 -4 =4). Guelfand continue à s'imposer néanmoins dans de nombreux tournois et les organisateurs d'événements se l'arrachent. C'est un boulimique, il ne refuse aucune invitation et accumule les victoires : Dos Hermanas, Debrecen, Belgrade, Vienne, Tilbur...  Il s'épuise et connaît une sérieuse baisse de forme. Il est une fois de plus qualifié pour le tournoi des candidats mais ne gagne aucun tournoi en 1997 et subit une cinglante défaite pour le championnat du monde, éliminé en demi-finale par Vishy Anand, pourtant à ce moment là moins fort que lui.


Le second souffle

1998 est une année de remise en question radicale : il divorce, s'installe en Israël où il retrouve son vieux complice, le GMI Alexander Huzman, juif ukrainien qui a rejoint Israël en 1992. Ensemble, ils préparent le rebond de la carrière de Guelfand. Cette fois il s'astreint à choisir soigneusement ses compétitions. Il remporte le Rubinstein Memorial en 1998, le tournoi suédois Sigeman & Co en 1999, le tournoi du NAO de Cannes en 2002, le Rubinstein memorial  à nouveau en 2000, le tournoi de Pampelune en 2004, le tournoi de Bienne en 2005...
Côté coupe du monde et championnat du monde, par contre, il met la pédale douce: demi-finaliste de la coupe du monde 2000 il atteint la huitième de finale du championnat du monde la même année. Pour le championnat FIDE de 2001-2002 il s'arrête en quart de finale. En 2004 il ne participe pas. Mais c'est la triste époque du schisme entre championnat FIDE et "Classique". Guelfand se réserve pour la suite.

En 2005-2006, les championnats sont réunifiés mais il n'y a pas de cycle de présélection. Seuls les champions sortants, FIDE et "Classique", s'affrontent, en 2006, et Kramnik l'emporte.
Guelfand a décroché une petite cinquième place à la Coupe du monde 2005 qui lui permet d'obtenir une place pour le cycle des candidats de 2007 mais il ne passe pas le deuxième tour.
Enfin, Guelfand passe la vitesse supérieure en 2009. Vainqueur de la Coupe du monde, il est qualifié pour le tournoi des candidats de 2011, qu'il remporte en éliminant Grichtchouk en finale. Il gagne le droit d'affronter à nouveau Anand, champion du monde sortant. Il a 44 ans, c'est sa dernière chance. Mais Anand a lui aussi fait beaucoup de progrès. Au terme des douze parties lentes, le score est égal : six points de part et d'autre. Guelfand a perdu le titre à la huitième partie, commettant une grosse erreur qui l'a contraint à l'abandon au bout de seulement dix-sept coups. C'est fini pour lui, car Anand est nettement plus fort en partie rapide et l'indien remporte le premier tour de départage.

C'est le début du déclin pour Guelfand mais le grand maître israélien ne baisse pas trop vite les bras et s'offre une année 2013 en feu d'artifice : première place à égalité avec Aronian au Mémorial Alekhine (devant Anand), victoire au Tal Memorial (devant Carlsen, Anand, Nakamura, Karjakin et Caruana), victoire au Grand Prix de Paris devant Nakamura, Grichtchouk, Ivanchuk et Ponomariov.... Il obtient cette année-là son meilleur classement Elo depuis le début de sa carrière : 2777.



Par la suite, Guelfand a réduit progressivement ses activités compétitives et à fait évoluer ses centres d'intérêt. Il met ses talents de pédagogue à profit pour former de jeunes joueurs prometteurs et pour écrire. Outre "My Most Memorable Games", recueil d'une trentaine de ses parties commentées, Guelfand a publié entre 2015 et 2020 quatre livres à destination des joueurs aguerris, tous chaudement recommandés par la FIDE.


Style de jeu

Aucun trait saillant ne caractérise le style de Guelfand. Ni attaquant forcené ni défenseur intransigeant, c'est un joueur complet, équilibré dans tous les compartiments du jeu. Très solide positionnellement, avec une vision stratégique profonde mais aussi excellent tacticien. Guelfand se définit d'ailleurs lui-même comme un joueur au style "universel", seulement préoccupé de trouver à tous moments le meilleur coup possible dans une position donnée. Le fait est que Guelfand faisait peu de gaffes. En ce sens, selon les critères de Najdorf, il n'était pas loin d'offrir le jeu parfait.
En matière d'ouvertures, il a énormément joué 1.d4 avec les blancs (catalane, grünfeld, gambit de la dame décliné, bogo-indienne...) et avec les noirs la défense sicilienne (Najdorf, Sveshnikov, attaque Nyezhmetdinov-Rossolimo, sicilienne fermée...) et la défense Petrov.


Jouer contre une simulation de Guelfand ?

Il n'existait jusqu'ici aucune simulation de Guelfand. J'en ai donc créé une pour Rodent IV, assez proche, comme on pouvait s'y attendre, du style natif de ce moteur d'échecs, accompagnée d'un jeu de bibliothèques guide obtenu à partir de plus de 7000 parties de ce joueur. Voir "Guelfand pour Rodent IV"


En savoir plus sur Boris Guelfand ?

Bio de Guelfand sur Wikipédia en français

Bio de Guelfand sur Wikipédia en anglais

Guelfand, Top Chess Players de Chess.com (bio détaillée, six parties commentées, sélection de 3756 parties)

*J'ai retenu l'orthographe française (Guelfand) plutôt que l'internationale (Gelfand), car elle a du sens, phonétiquement. En effet, le "Gel" du début du nom se prononce "guel".




Peter Léko

L'ultra-défenseur


Peter Léko est un joueur d'échecs hongrois né en 1979 à Subotica (actuellement en Serbie). Enfant prodige, il a obtenu le titre de grand maître international à 14 ans et 4 mois, record qui ne sera battu (de deux mois) que par Etienne Bacrot. Il a été l'un des meilleurs joueurs mondiaux dans la première décennie du 21eme siècle. Son style est renommé pour être l'un des plus défensifs jamais observés à haut niveau de compétition.


Carrière échiquéenne

Champion du monde des moins de 16 ans en 1994, Léko explosa littéralement dans les années suivantes. Affrontant l'élite mondiale des échecs, à Dortmund, Madrid et Tilburg il gagna consécutivement 40 parties, n'en perdant qu'une seule.
Léko a enchaîné les victoires à de nombreux tournois internationaux: Dortmund (en 1999, 2002 et 2008), Linarès (2003), Wijk aan Zee (2004)... Ces succès lui ont permis d'être sélectionné à quatre reprises pour le championnat du monde FIDE, atteignant  le premier tour en 1997, le troisième tour en 1999 et 2000. Il avait à peine 20 ans.
Mais l'évènement le plus important pour Léko a été sa victoire à Dortmund en 2002. Le tournoi faisait aussi office de premier tour de sélection des candidats pour le championnat du monde "Classique" (PCA). Il a permis à Léko de participer à la seconde phase, durant laquelle il réussit à éliminer Shirov et Topalov. Il affronta le champion du monde sortant Valdimir Kramnik en 2004, faisant jeu égal avec lui : 7-7 ; ce qui permis toutefois à Kramnik de conserver le titre.
Parmis les grands succès de Léko, on compte également sa victoire au championnat du monde rapide de Dubaï, en 2002.
Par la suite, il a déçu. Cinquième joueur mondial, il a été à nouveau sélectionné pour les championnats du monde de 2005 et 2007, mais a fini respectivement cinquième et quatrième alors que beaucoup le donnaient comme favori. Il resta néanmoins une dizaine d'années dans le "Top 10" des meilleurs joueurs du monde.
De 2011 à 2015, le joueur hongrois a participé à la coupe du monde FIDE, mais il sera éliminé au 1er tour en 2011, au second en 2013 et au 3eme en 2015.
Aujourd'hui (en 2023), à 43 ans, Peter Léko est sorti du classement des 100 meilleurs mondiaux, préférant mettre sa science des échecs au service d'autres joueurs. Il est par l'exemple l'entraîneur du très jeune joueur allemand Vincent Keymer, probablement un futur grand nom de la discipline. A l'occasion de compétitions majeures, Léko joue volontiers le rôle de secondant (par exemple auprès de Viswanathan Anand ou de Ian Nepomniachtchi...).


Style ultra-défensif

Peter Léko est peu apprécié des aficionados car c'est un joueur très peu combatif. Il campe fortement en défense, déployant un jeu positionnel très solide, ne prenant jamais aucun risque. Il est très difficile à battre mais accumule aussi les parties nulles, acceptant la nullité si elle lui est proposée même en situation de faible infériorité.  C'est ce même tempérament frileux qui le pousse à préférer les ouvertures peu tendues. Et qui explique aussi sans doute le manque de notoriété de Léko aujourd'hui, malgré un palmarès des plus enviables.


Jouer contre une simulation de Peter Léko ?

Léko version Chessmaster

Les dernières version de Chessmaster proposaient une simulation de Peter Léko. Si vous n'avez pas ce programme, il vous suffira de lancer le moteur The King version UCI depuis l'interface Arena et de sélectionner le profil "Léko" dans la liste des 49 personnalités proposées.  Sur la page consacrée au moteur de Chessmaster, vous trouverez également un lien pour télécharger trois bibliothèques d'ouvertures que j'ai réalisées à partir de plus de 1600 parties de ce joueur.

Léko pour Rodent IV

Le style du joueur hongrois était si caricaturalement défensif que c'était un véritable amusement d'en faire une simulation pour Rodent IV. Voir "Leko pour Rodent IV".


En savoir plus sur Peter Leko ?

Biographie de Leko sur Wikipédia


Leko sur Chess.com : biographie succincte, six parties commentées, ouvertures préférées et sélection de 2751 parties.




Veselin Topalov

L'attaquant bulgare au style flamboyant


Veselin Topalov, né en 1975 à Roussé en Bulgarie, a été champion du monde des échecs en 2005 et le meilleur joueur mondial - ou le second joueur - entre  juillet 2006 et novembre 2009.  Son style flamboyant lui a valu également l'une des plus prestigieuses récompenses de l'époque : l'Oscar des échecs. 


Champion du monde et premier
joueur mondial


Veselin Topalov ne commence à jouer aux échecs qu'à l'âge de huit ans mais ses progrès sont fulgurants. Peu avant son quatorzième anniversaire, il gagne le championnat du monde des moins de 14 ans, finit second du championnat du monde des moins de 16 ans en 1990 et obtient le titre de Grand Maître International en 1992, à 17 ans.  Dans les années suivantes, il accumule les victoires à des tournois majeurs. Sélectionné pour le championnat du monde FIDE de 2004, il atteint la demi-finale avant d'être battu par Roustam Kassimdjanov. Il conquiert haut  la main le titre mondial l'année d'après en obtenant 10 points sur 14 possibles.

Veselin Topalov au championnat d'Europe d'échecs par équipes de Varsovie, en 2013 (Photo Przemyslaw Jahr) ->


En 2006, les championnats du monde FIDE et classique sont réunifiés. Pour sa première édition, la nouvelle compétition se passera d'une longue sélection : il est simplement décidé que Topalov, champion du monde de la fédération internationale, affrontera Kramnik, le champion du monde "Classique" à Elista, capitale d'une petite république russe, la Kalmoukie. La confrontation est assez perturbée, Topalov accusant Kramnik de tricherie. Il le soupçonne, lors de ses très fréquents aller-retour aux toilettes - seul lieu non surveillé du lieu des matchs - de recevoir des informations ou d'utiliser un système informatique quelconque. Cet épisode peu glorieux de l'histoire des échecs, connu sous le nom de "toiletgate",
a porté tort à ses deux protagonistes. Kramnik a perdu un point dans l'affaire, ayant été déclaré forfait pour une partie qui est revenu à Topalov. Mais à la fin des 12 parties, le score était égal : 6-6. Kramnik a finalement remporté le titre au départage. 

Premier joueur mondial en 2006, Topalov est le troisième joueur de l'histoire des échecs à dépasser 2800 Elo. Il conservera la tête du classement mondial de juillet 2006 à janvier 2007 et cédera la place à Viswanathan Anand. Après 2009, la carrière du grand maître bulgare a marqué le pas. Mais 17 ans après avoir cédé le titre mondial, il reste encore parmi les vingt-cinq meilleurs joueurs mondiaux (en mars 2023 il était classé 23eme). 


Le plus beau style depuis Garry Kasparov


Veselin Topalov est réputé avoir un style proche de Garry Kasparov, ce que confirme Topalov lui-même. Vladimir Kramnik, qui a attentivement étudié son jeu pour le championnat du monde réunifié de 2006, a écrit à son sujet : "Le style du grand maître bulgare se caractérise par un jeu très agressif avec une recherche perpétuelle de coups dynamiques complexes, souvent au prix de sacrifices. Cette tendance peut le conduire à perdre des parties dans une position égale...

(ci-contre, Topalov en 2012, au tournoi de Wijk aan Zee - Photo Stefan64)

Comme Kasparov, Topalov est loué pour son style très esthétique. Malgré la complexité de ses combinaisons, ses parties produisent la même impression d'harmonie que celle de son aîné. Le joueur bulgare est aussi un battant qui joue pour gagner, même avec les noirs. C'est à son style et à sa combativité autant qu'à ses brillants résultats qu'il doit son ''Oscar des échecs''. 


Simulations de Topalov pour Rodent IV

L'un des meilleurs connaisseurs du moteur Rodent, Brendan J. Norman, a développé une simulation du jeu de Veselin Topalov pour Rodent III. Sa diffusion est restée confidentielle mais l'auteur de Rodent, Pawel Koziol, l'a finalement publié sur son espace GitHub à l'occasion de la mise en circulation de Rodent IV. Restait à en assurer la conversion pour cette ultime version du moteur de Pawel Koziol, ce dont je me suis chargé.
L'auteur ayant volontairement accusé fortement les traits stylistiques du GMI, j'ai développé une version alternative, plus douce. Voir "Topalov pour Rodent IV".


En savoir plus sur Topalov ?

Biographie de Topalov sur Wikipédia

Topalov sur Chess.com : biographie succincte, sept parties commentées, ouvertures préférées et sélection de 2620 parties.

L'immortelle de Kasparov, Wijk aan Zee, 1999 : partie entre Kasparov et Topalov, que Kasparov considère comme son meilleur jeu.




Magnus Carlsen

L'ordinateur humain


Né en 1990 à Tønsberg (Norvège), Magnus Carlsen, à 32 ans,  règne sur les échecs depuis une douzaine d'années. Grand maître international à 14 ans, numéro "1" mondial depuis 2011, quintuple champion du monde (2013-2023) il détient également la plus haute performance Elo jamais atteinte : 2889 Elo en 2019...


Le joueur de tous les records


Magnus Carlsen n'est pas une personnalité aussi connue du grand public qu'à pu l'être autrefois par exemple Garry Kasparov, un temps son mentor. Pourtant, il n'a rien du champion du monde de passage qui chauffe le fauteuil en attendant le retour du vrai champion - ou l'arrivée du suivant.
Aussi précoce que Kasparov ou peu s'en faut (GM à 13 ans), détenteur du record du Elo le plus élevé jamais atteint par un humain et bien sûr victorieux d'un nombre faramineux d'épreuves prestigieuses, dont plusieurs championnats du monde, c'est un phénomène, qui n'a pas à rougir de la comparaison avec les plus grands joueurs du passé. Beaucoup considèrent même qu'il est le meilleur joueur d'échecs de tous les temps.  

(photo : Magnus Carlsen par Niki Riga /Chess.com).

En 2013, Magnus Carlsen a ravi à Vishy Anand le titre de champion du monde que le joueur indien détenait  depuis cinq ans.  Il le conservera contre Anand l'année suivante, contre Sergueï Kariakine en 2016, contre Fabiano Caruana en 2018 et contre Ian Nepomniachtchi en 2021. Carlsen a également été le premier joueur à détenir simultanément le titre dans les trois contrôles de temps notés par la FIDE : "standard", "rapid" et "blitz". Car évidemment, il est aussi un extraordinaire joueur de parties rapides !  
Mais après avoir été champion du monde cinq fois de suite, le gramd maître norvégien a officiellement renoncé à défendre son titre en juillet 2022, laissant le champ libre à Ian Nepomniachtchi et au chinois Ding Liren. Il n'avait plus la motivation nécessaire et par ailleurs, il n'appréciait pas le format du championnat classique. Il plaide depuis longtemps pour que l'épreuve reine évolue vers une cadence de jeu plus rapide, voire une combinaison de contrôle de temps, qui pourrait lui redonner un peu de vigueur. Mais la FIDE ne l'a pas suivi jusqu'ici. Il ne prend pas pour autant sa retraite des échecs, il va simplement se concentrer sur d'autres épreuves. Il est même probable qu'après une pause plus ou moins longue, il revienne dans la course au titre mondial, pour prouver qu'il est toujoirs, et de loin, le meilleur joueur d'éhecs actuel.   


Courbe de classement Elo de Magnus Carlsen. Une étonnante régularité (document Chess.com).

Car ce qui frappe encore avec Carlsen, c'est sa régularité, qui semble lui promettre une très longue carrière. Il est le numéro "1" mondial depuis 2011 et l'est resté depuis lors ; sa côte Elo n'est plus repassée en dessous de 2800 Elo depuis qu'il a franchi cette barrière, en novembre 2009. La plupart des très grands joueurs ont des baisses de forme de temps à autre. Pas Carlsen ! Comme on peut le voir sur l'illustration ci-dessus, depuis 2012, sa courbe de classement est restée pratiquement plate.


Style de jeu

Le style de jeu de Carlsen n'est pas totalement conventionnel. Pour commencer, il ne se préoccupe pas spécialement d'obtenir un avantage dès l'ouverture. Il se contente de faire en sorte d'arriver à une position solide. S'il est un bon "généraliste" des ouvertures, il n'en est pas un spécialiste, comme l'a fait remarquer Vishy Anand. Par contre il possède une vision de la situation sur l'échiquier d'une justesse qui confine au surnaturel. Sa capacité à évaluer la valeur d'une position fait concurrence à celle de puissants moteurs d'échecs tel que Stockfish, plus fort que les meilleurs joueurs humains.  
Cette maîtrise de la position fait de lui un joueur à la Karpov. Carlsen est un attaquant avançant lentement et avec prudence, très économe de ses pièces et peu gourmand de celles de son adversaire. L'analogie du boa-constrictor, qui prend son temps et entoure lentement sa proie en l'étouffant, autrefois accolé à l'ancien champion du monde russe, a été remployée pour Carlsen, non sans raison.
Mais c'est aussi un brillant tacticien, capable de reprendre le dessus dans une finale considérée à priori comme nulle.
Le revers de la médaille est que le style du maître, comme celui de Karpov autrefois, ne passionne pas. Carlsen n'est pas un adepte des coups fumants et des combinaisons agressives, comme il le reconnaît lui même : "Je n'essaie pas de briller par un coup flamboyant, ni d'écraser mon adversaire, mais je joue, coup après coup, en restant concentré et créatif" (interview à Numero.com).


"Play Magnus" et "Magnus Carlsen Tour"


Ce qui différencie Carlsen de beaucoup de grands maîtres du présent ou du passé, c'est qu'il est aussi un homme d'affaires avisé ayant su mettre sa notoriété au service d'un business assez florissant autour des échecs. Parmis d'autres activités commerciales ou financières, il a ainsi lancé son propre site de jeu en ligne, Play Magnus, lequel a obtenu un tel succès que Chess.com, leader mondial des échecs en ligne et premier site d'information sur les échecs, vient de mettre sur la table près de 83 millions de dollars pour racheter la société Play Magnus AS, qui exploite le site. Carlsen étant propriétaire de 10% du capital, l'opération a dû lui rapporter plus de huit millions de dollars.
Autre initiative remarquable à mettre à son crédit : profitant, en 2020, de l'annulation de la plupart des épreuves traditionnelles pour cause de pandémie - et surfant sur la vague du fort regain du jeu sur Internet, Carlsen a rapidement mis sur pieds son propre circuit de tournois en ligne, le "Magnus Carlsen Tour". L'épreuve a été organisée en partenariat avec la plateforme Chess24, rachetée par Play Magnus. L'objectif est triple : faire de l'argent bien sûr mais aussi donner une nouvelle vigueur aux échecs, en proposant un format court, davantage suesceptible de retenir le spectateur ; et enfin apporter davantage de visibilité aux grands joueurs.
Il est probable aussi que Carlsen poursuivait un autre but : faire pression sur la FIDE, pousser l'organisation à réformer le jeu. Son retrait de la course au titre pouvant aussi être un message de même nature.
Peut être y a t-il aussi pour Magnus un dernier but :  faire pression sur la FIDE, pousser l'organisation à la réforme des échecs qu'il réclame depuis longtemps. Le retrait du champion de la course au titre pouvant aussi être par un certain côté un message de même nature...



Jouer contre une simulation de Magnus Carlsen ?

Personnalité "GM" de Lucas Chess

Trop jeune pour être présent dans Chessmaster 4000 Turbo et pas assez connu pour être dans Chessmaster 10 et 11, Carlsen n'a pas intéressé non plus Pawel Koziol, qui préfère les grands maîtres d'autrefois. La seule simulation disponible du champion du monde en titre a été longtemps celle qui accompagne l'interface Lucas Chess. Le GMI norvégien est en effet l'une des 16 personnalités "GM" offertes avec le logiciel. Bien qu'intéressante, elle n'a pas la finesse d'une simulation réalisée avec Rodent.

Magnus Carlsen pour Rodent IV

Voilà pourquoi j'ai développé une personnalité Carlsen à l'aide du système de programmation de Rodent IV. Le profil est disponible sur la page que je consacre aux grands maîtres de Rodent IV. Voir "Magnus carlsen pour Rodent IV". D'ici peu, cette personnalité sera proposée aussi, comme les autres, sous la forme d'un "Moteur Grand Maître", moteur Rodent IV autonomisé avec la personnalité Carlsen, déclinée en 10 niveaux de force, de 1200 à 3000 Elo - et accompagnée d'un jeu complet de bibliothèques pour s'adapter à la force choisie.
Pour ceux qui ont acheté le livre "Rodent IV, moteur d'échecs plastique, humain, programmable", la même personnalité sera également disponible avec les niveaux de force soigneusement étalonnés.


En savoir plus sur Carlsen ?

Voir notamment :

Né à Miami en 1992 dans une famille d'origine italienne, Fabiano Caruana a partagé son existence de joueur d'échecs entre l'Italie et son pays d'adoption. GMI à 14 ans, 4 fois champion d'Italie, champion des États-Unis en 2016, numéro 2 mondial en 2015 avec un Elo de 2844, il a été vice-champion du monde en 2018, ne perdant contre Magnus Carlsen qu'au départage. A 30 ans, même s'il est un peu en retrait actuellement, il reste un joueur redouté, l'un des deux meilleurs américains, classé sixième mondial en mai 2023.


Fiche de Carlsen sur Wikipedia

Magnus Carlsen sur Chess.com : à tout seigneur tout honneur, Carlsen est particulièrement bien servi sur Chess.com, avec biographie très détaillée, neuf vidéos, beaucoup de photos, cinq parties commentées, ouvertures préférées du champion, et sélection de 3543 parties.


Le site Play Magnus

Cinq parties commentées sur Wikipedia :

1/ Carlsen - Ernst, tournoi de Wijk aan Zee, en 2004
2/ Carlsen - Bacrot, tournoi de Nankibn, en 2010
3/ Ivantchouk - Carlsen, Morelia-Linares, 2008
4/ Carlsen - Ivantchouk, tournoi des candidats de 2013, à Londres (partie perdue par Carlsen)
5/ Viswanathan Anand - Magnus Carlsen, Championnat du monde d'échecs 2013, Chennai




Fabiano Caruana

L'italo-américain

Né à Miami en 1992 dans une famille d'origine italienne, Fabiano Caruana a partagé son existence de joueur d'échecs entre l'Italie et son pays d'adoption. GMI à 14 ans, 4 fois champion d'Italie, champion des États-Unis en 2016, numéro 2 mondial en 2015 avec un Elo de 2844, il a été vice-champion du monde en 2018, ne perdant contre Magnus Carlsen qu'au départage. A 30 ans, même s'il est un peu en retrait actuellement, il reste un joueur redouté, l'un des deux meilleurs américains, classé sixième mondial en mai 2023.


Caruana - Tata Steel 2020 (photo: Alina l'Ami)


Fabiano Caruana est né à Miami, en Floride mais a gardé des liens fort avec l'Italie, le pays de ses parents. A l'âge de 5 ans, alors que sa famille s'est établit à New York,  il découvre le jeu sur son téléphone portable et devient accro. Ses aptitudes sont exceptionnelles. Repéré, il se retrouve entre les mains de Bruce Pandolfini, le célèbre entraîneur du club d'échecs de Brooklyn - celui-là même où à éclos Bobby Fischer. Caruana fait des étincelles, participant à de nombreux tournois dès 8 ans. A 11 ans il devient professionnel des échecs et à 14 ans et quelques mois devient l'un des plus jeunes grand maître international de l'histoire et le plus jeune américain (comme le plus jeune italien car il a la double nationalité) à obtenir cette norme...


D'un entraîneur à l'autre,
d'un pays à l'autre...

Caruana à la bougeotte. Il ne reste jamais très longtemps au même endroit et change souvent d'entraîneur, comme s'il épongeait tout ce qu'il pouvait en tirer avant de passer à un autre, à la recherche d'une expertise différente. Ce sont néanmoins souvent d'anciens champions du bloc soviétique. Après Pandolfini, il y aura ainsi l'américain d'origine russe, Miron Shir, qui exigera de Fabiano qu'il participe à au moins un tournoi par mois ; il lui conseillera aussi de se rendre en Europe, où davantage d’événements majeurs sont accessibles. Caruana s'établit donc en Espagne en 2004 où son entraînement est pris en charge par Boris Zoltnik, un autre ancien champion russe, directeur de la prestigieuse école d'échecs UNED. En 2007 il rejoint en Hongrie l'ukrainien Alexandr Tcherchine, son quatrième entraîneur. Puis en 2010 c'est en Suisse qu'il va prendre les conseils de Vladimir Chuchelov, un entraîneur très réputé, avec qui il restera cinq ans.
Caruana est connu pour être un gros travailleur, participant à un grand nombre d’événements et passant beaucoup de temps, avec son entraîneur du moment, à analyser ses parties - et celles de ses adversaires. Cela lui a permis d'être excellent dans tous les compartiments du jeu et de ne pratiquement jamais faire de gaffe.   



La période italienne

Affilié à la fédération d'échecs d'Italie, il a à peine 14 ans lorsqu'il termine second, en 2006, du championnat national. Le titre de champion d'Italie lui reviendra un an plus tard ; il le conservera en 2008, mais ne pourra concourir en 2009, absorbé par sa participation à la Coupe du monde. Il remportera à nouveau le championnat en 2010 et 2011, ce qui conclura cette longue et fructueuse période italienne. L'année d'après, sa carrière internationale fait un bond et l'Italie passe au second plan. Il remporte plusieurs tournois de très haut niveau, ce qui le propulse au cinquième rang mondial : vainqueur du Tata Steel, de l'Open de Reykjavik, du Tournoi Sigeman and Co, du tournoi de Dortmund... second du Tal Memorial, second du Grand Slam Chess (il a perdu au départage contre Carlsen)...

<-Fabiano Caruana en 2013 au championnat d'Europe par équipe de Varosvie (Przemyslaw Jahr / Wikimedia Commons)

Il continue à progresser de la même façon les années suivantes : en 2013, il est vainqueur à Zurich et atteint les quart de finale de la Coupe du monde ; en 2014, il gagne à nouveau à Dortmund, à Bakou, emporte la Coupe Sinquefield... Il signera d'ailleurs ici l'un des victoires les plus spectaculaires de l'histoire des échecs, avec sept victoires consécutives contre le gratin des échecs mondiaux, y compris Magnus Carlsen, obtenant 8,5 points sur 10 possibles.
En 2015 une nouvelle victoire à Khanty-Mansiïsk lui permet de remporter le Grand Prix FIDE 2014-2015...



La période américaine et la marche
vers le championnat du monde

Au milieu de l'année 2015 il retourne aux États-Unis pour représenter la Fédération Américaine. 2016 est une autre année prolifique : champion des États-Unis, il remporte aussi l'or en équipe et le bronze en individuel aux Olympiades de Bakou.  A l'internationale, il accumule d'importantes secondes place en 2017 :  au Tata Steel de Wijk aan Zee, à Dortmund, à Saint Louis, à Londres et enfin pour la Coupe Sinquefield.  
2018 est encore meilleure : victoire à Londres, vainqueur du
Norway Chess, première place (ex-æquo avec Carlsen et Aronian) de la Coupe Sinquefield, finaliste du Grand Chess Tour... Avec de tels résultats, il n'a aucune peine à accéder au tournoi des candidats pour le championnat du monde, qu'il remporte avec 9 points sur 14 possibles (+5 -1 =8). Il laisse derrière lui Kariakine, Mamedyarov et le futur champion du monde 2023, le chinois Liren Ding. Il affronte le champion sortant Magnus Carlsen en novembre 2018 à Londres. Les douze parties longues finissent toutes avec un résultat nul, ce qui n'était encore jamais arrivé. Carlsen n'a pas pris de risque pour forcer la victoire dans les dernières parties  car il se savait plus fort que Caruana en partie rapide. Et en effet, le Norvégien remporta les trois premières parties du tie break et il conserva son titre.
Si en 2018 seul Caruana semblait avoir une chance de battre Carlsen,  il marque le pas dans les années suivantes. Ses résultats lui permettent de participer au tournoi des candidats de 2020-21 mais il ne finit que troisième-quatrième. Pour le tournoi des candidats de 2022 il n'obtient que 6,5 points sur 14 possibles, ce qui ne lui laisse que la cinquième place.  Il reste néanmoins un joueur avec lequel il faut compter. Il n'a que 30 ans et peut certainement encore nous étonner.


Style de jeu : attaquant positionnel

Caruana est typiquement le joueur moderne de très haut niveau, c'est-à-dire parfaitement polyvalent  : excellent tacticien, capable d'attaquer avec efficacité, excellent stratège possédant une maîtrise exceptionnelle de la position et très bon défenseur, très bon dans l'ouverture, très bon en finale... Il se définit lui-même comme "joueur universel" et ne présente pas de traits stylistiques très saillants. Il n'en reste pas moins qu'il y a quand même un style "Caruana". Pour simplifier, disons que c'est un attaquant positionnel : s'il peut faire preuve quelques fois d'un jeu agressif et flamboyant mais il préfére généralement avancer à la manière de Karpov  : il cherche moins à faire mat qu'affaiblir son adversaire pour arriver en finale avec un avantage de position ou de matériel.  Il conserve une position solide et accorde beaucoup d'importance au contrôle central. Mais il reste plus mobile que Karpov et contrairement à l'ancien champion du monde russe, il est peu matérialiste. Il sacrifie facilement des pièces, même lourdes, pour un avantage stratégique. Il peut aussi lui arriver de jouer un coup uniquement pour déstabiliser l'adversaire et le priver de son jeu, à la manière de Tal. Enfin c'est un joueur peu frileux, qui n'acceptera pas facilement une offre de nullité même dans une situation inférieure.


Simulation de Caruana

Chessmaster n'a plus évolué depuis 15 ans, Ed Schröder ne propose plus de personnalités nouvelles pour ProDeo depuis longtemps et Pawel Koziol, l'auteur du moteur Rodent, ne s'intéresse qu'aux grands joueurs du passé. Le fait est que je suis le seul à proposer des simulations de joueur de la jeune génération. Après Carlsen, Vachier-Lagrave et Nepomniachtchi, j'ai donc développé une personnalité Caruana, avec un jeu de bibliothèques d'ouvertures réalisé à partir de près de 6500 jeux du champion américain. Je l'ai représenté sous la forme de l'attaquant positionnel avançant avec prudence. Je n'ai pas testé ce Caruana avec autant de soins que les autres jeunes joueurs. Je pense que ce profil est tout de même au moins une bonne approximation (voir "Caruana pour Rodent IV").





Maxime Vachier-Lagrave

MVL, simplement


Maxime Vachier-Lagrave, dit souvent "MVL", est né en 1990 à Nogent-sur-Marne, dans la région parisienne. Jusqu'à l'arrivée
jeune joueur d'origine iranienne, Alireza Firouzja, récemment naturalisé, il était le meilleur joueur de l'hexagone. S'il marque un peu le pas ces derniers temps, il a été continuement, entre 2016 et 2019 dans le Top 5 des meilleurs joueurs mondiaux, avec un pic de force à 2819 Elo.



Carrières échiquéenne

MVL a commencé à jouer aux échecs à l'âge de cinq ans et a rapidement accumulé les faits d'armes : champion de France des moins de 8 ans en 1997,  des moins de 10 ans en 1999, des moins de 12 ans en 2000 puis des moins de 16 ans en 2002... A 16 ans et 10 mois, il remporte le titre de champion de France.
A l'international, il remporte, en 2009, le titre de champion du monde junior. Vachier-Lagrave a obtenu la norme de grand maître international à 14 ans et 4 mois, un record de précocité qui n'a été battu que par une petite poignée de joueurs.
Après 2009, la carrière de MVL s'internationalise. Il remporte plusieurs fois le tournoi de Bienne, gagne le championnat d'Europe de blitz (en 2010 et 2012) et participe à plusieurs reprises aux sélections de la coupe du monde : il atteint la huitième de finale en 2009, la demi-finale en 2013, le quart de finale en 2015, la demi-finale en 2017 et 2019...
Il se classe premier, second ou troisième de nombreuses compétitions ou tournois, ce qui fait de lui en 2016 et 2017 le deuxième joueur mondial, avec un Elo de plus de 2800 points. Il semble alors qu'il soit l'un des concurrents les plus sérieux de Magnus Carlsen pour le titre mondial. Mais son échec en finale de la coupe du monde lui interdit de participer au tournoi des candidats du championnat du monde 2018.

<- Maxime Vachier-Lagrave lors du tournoi de Dortmund 2016 (photo : Euku)


Ses résultats dans les années suivantes seront un peu décevants : troisième du Grand Prix FIDE 2019, troisième de la coupe du monde 2019, il ne peut en principe être sélectionné pour le championnat du monde. Les organisateurs ont la possibilité de choisir un huitième candidat, mais leur choix se porte sur le russe Kirill Alekseïenko. Finalement, c'est le retrait de l'Azerbaïdjanais Teimour Radjabov, pour cause de pandémie, qui permet à MVL de participer au tournoi des candidats. L'épreuve commence en mars 2020. Tout se passe bien au début pour le joueur français, qui est premier æquo avec Ian Nepomniachtchi, à la septième ronde. Mais l'aggravation de la pandémie contraint la FIDE à suspendre le tournoi, qui ne reprend qu'un an plus tard. MVL termine second, à un minuscule 1/2 point derrière Nepomniachtchi, qui affronta donc Carlsen pour le titre. Une petite déception pour lui comme pour nous, d'autant qu'il est plutôt en recul depuis quelques temps. En mai 2023 il est classé seulement douzième mondial. Mais MVL n'a que 32 ans et encore beaucoup de temps devant lui. Pour nous faire patienter, il a remporté en décembre 2021 le championnat du monde de blitz. Car Maxime est aussi un fabuleux joueur de parties rapides...


Style de jeu

Maxime Vachier-Lagrave est un redoutable attaquant, très peu matérialiste et sacrifiant très facilement du matériel. Très fort en tactique - car capable de calculer très profondément -  son jeu dynamique et mobile ne reculant pas devant les complications nous rappelle Garry Kasparov. Il aime aussi les situations déséquilibrées et confuses, dont il est souvent en mesure de s'extraire, alors que son adversaire perd pied.  Sur ce point, c'est à Mikhaïl Tal que MVL nous fait penser.  
On a souvent reproché à MVL d'avoir un répertoire d'ouvertures très limité. Lorsqu'il a les blancs, il joue le plus souvent 1. e4 en misant sur des classiques variantes de la Ruy Lopez, de la Giuoco piano ou de la Caro-Kann. Avec les noirs, il privilégie la défense sicilienne, en particulier la Najdorf contre 1. e4 ;  et la défense Grünfeld, qu'il maîtrise comme personne, contre 1. d4... C'est un choix délibéré de sa part, qui a, dit-il lui-même, ses avantages (une parfaite maîtrise de toutes les nuances de ces ouvertures) et ses inconvénients (il est davantage prévisible pour ses adversaires).  Il semble cependant que cela lui réussisse plutôt, jusqu'ici...



Jouer contre une simulation de MVL ?

Maxime Vachier-Lagrave pour Rodent IV, par Rob Robinson


Très peu de joueurs de la dernière génération ont droit à une simulation. J'ai commencé à combler ce manque avec une simulation du joueur français pour Rodent IV. Le profil est disponible sur la page que je consacre aux grands maîtres de Rodent IV. Voir "Maxime vachier-Lagrave pour Rodent IV ?"


Moteur Grand Maître Vachier-Lagrave

Cette personnalité existe aussi sous la forme d'un "Moteur Grand Maître", moteur Rodent IV autonomisé avec la personnalité Nimzowitch, déclinée en 10 niveaux de force, de 1200 à 3000 Elo, et accompagnée d'un jeu complet de bibliothèques pour s'adapter à la force choisie.



En savoir plus sur Maxime Vachier-Lagrave ?

Biographie de Vachier-Lagrave sur Wikipédia

Vachier-Lagrave sur Chess.com : biographie succincte, cinq parties commentées, ouvertures préférées et sélection de 3241 parties.


Le site officiel du champion français



Ian Nepomniachtchi

L'héritier de l'école russe



Ian Nepomniachtchi, dit '"Népo" est né en 1990 à Briansk, en Russie. Meilleur joueur russe actuel, il était en 2023 le troisième joueur mondial, avec un Elo estimé à 2793 points. Champion d'Europe en 2010, champion de Russie en 2010 et 2020, deux fois finaliste du championnat du monde, il a perdu contre Magnus Carlsen en 2021 et de très peu en 2023 contre Ding Liren.


Carrière échiquéenne

Issu d'une famille d'origine juive habitant Briansk, ville importante située à environ 350 km au sud-ouest de Moscou, Ian Nepomniachtchi apprend à jouer aux échecs à l'âge de 5 ans. Précoce, il remporte successivement trois championnats d'Europe de la jeunesse : celui des moins de 10 ans en 2000 et celui des moins de 12 ans en 2001 et 2002 - ce dernier devant un certain Magnus Carlsen.
Sa progression est, à partir de là, très régulière. Il gagne  une centaine de points Elo tous les deux ans et obtient la norme de Maître international en 2004. Au cours de l'année 2007 il décroche successivement les trois normes de Grand Maître International, après ses brillants résultats au Corus de Wijk aan Zee, au Championnat d'Europe d'échecs individuel de Dresde et au tournoi Vanya Somov Memorial de Kirishi.

<- Nepomniachtchi photographié durant son affrontement contre Ding Liren pour le championnat du monde 2023 (Vladimir Barsky)


Sa victoire à l'Aeroflot Open de Moscou en février 2008 est une autre date déterminante. Elle lui ouvre la porte du Dortmund Sparkassen Chess Meeting où il partage la seconde place.
2010 et 2011 sont des années charnières : il gagne le Championnat d'Europe Individuel, le championnat d'échecs de Russie (éliminant Sergey Karjakin en finale) et le Tal Memorial de Moscou, des compétitions parmi les plus convoitées, confirmant sa place parmi l'élite mondiale des échecs.
Il poursuit une ascension régulière à défaut d'être très spectaculaire. Népo participe à de nombreux évènements et remporte beaucoup de seconde ou troisième places, en format classique mais aussi en rapide - car il est également très fort en format rapide. Bon joueur d'olympiades, il amène à la Russie de nombreuses médailles.
Parmi ses plus beaux trophées, citons :
Le championnat d'Europe individuel en 2013
Le tournoi des champions de Yaroslavl, compétition de format rapide, en 2013
L'Aeroflot Open de 2015 - et dans la foulée, le tournoi de blitz d'Aeroflot
Le Memorial Tal de 2016
Le tournoi Hainan Danzhou de 2016, en Chine.
En 2017, il ne remporte pas le prestigieux super tournoi de Londres, mais peu s'en faut. Au huitième tour, il domine l'épreuve, non sans avoir battu Magnus Carlsen. Mais Caruana le rattrape au neuvième tour, égalise et Népo perd au tie-break.


Finaliste du championnat du monde 2021

En 2019, Népomniachtchi a participé à la première étape du cycle des sélections pour le championnat du monde. Il remporte la première étape du Grand Prix FIDE à Moscou, puis la seconde à Jérusalem : il est qualifié pour le tournoi des candidats de 2020. Le cycle est interrompu par la pandémie de coronavirus mais Népo à déjà marqué 4,5 points. Le tournoi reprend en avril 2021 et le grand maître russe remporte le tournoi. Il obtient le droit d'affronter le champion sortant Magnus Carlsen. La confrontation a lieu en novembre et décembre 2021. Mais Carlsen se révèle nettement plus fort. A la onzième partie (sur 14), Carlsen a déjà 7,5 points, Népo 3,5 seulement. Il ne peut plus rattraper le norvégien qui conserve son titre.


Finaliste du championnat du monde 2023

Finaliste du championnat du monde 2020, Nepomniachtchi est qualifié automatiquement pour le tournoi des candidats 2022.  En raison du boycott des joueurs russes du fait de la guerre en Ukraine, il concourt sous la bannière de la FIDE. Il arrive en tête du tournoi des candidats avec 9,5 points. Liren Ding suit derrière avec 8 points (photo ci-contre). Carlsen ayant pris la décision de ne pas défendre son titre, Népo affronte en finale le chinois Ding, à Astana, au Kazakhstan, en avril 2023. De l'avis unanime, la bataille a été passionnante. Les deux adversaires sont de force égale et ce sont des combattants, qui n'hésitent pas à prendre des risques. Sur 14 parties, le Russe en remporte trois et le chinois autant. Il y a longtemps que l'on n'avait vu si peu de parties nulles à ce niveau de la compétition ! Mais au terme des 14 parties, le score est parfaitement égal. Pour les départager, une séquence de quatre parties rapides est organisée. Les trois premières finissent par une nulle mais Ding remporte la quatrième. Nepomniachtchi voit une seconde fois le titre lui échapper, cette fois sur le fil du rasoir.


Style dynamique et offensif

Il est plus difficile de déterminer le style des grands joueurs contemporains que des joueurs du vingtième siècle. Il y a une évolution générale vers un style moyen, avec de moins en moins de particularisme. Nepomniachtchi est toutefois l'un des joueurs actuels aux traits stylistiques les plus marqués. Il est naturellement un joueur tactique au tempérament très agressif. Il préfère les positions dynamiques et exerce en permanence une forte pression offensive sur ses adversaires. Il aime gagner, c'est un joueur sportif, qui prend des risques. Même lorsqu'il a les noirs, il évitera au maximum les parties nulles.
Sa compréhension de la position est excellente et on peut affirmer que Népo est un bon stratège. Néanmoins ce n'est pas son point fort ; il est dans ce domaine inférieur à Magnus Carlsen et même, dans une moindre mesure, à Liren Ding.
Il ne faut tout de même pas s'attendre à un jeu romantique. Il est tout à fait capable de sacrifier une pièce lourde en échange d'un fort gain positionnel mais globalement son jeu est assez matérialiste et son aptitude à l'échange modérée.
Nepomniachtchi se distingue aussi par un jeu très rapide. Ce n'est pas un joueur qui craint le zeitnot mais ça peut aussi lui jouer des tours. On l'a vu faire des erreurs qui auraient pu être évitées avec un peu de réflexion supplémentaire, alors qu'il n'avait pas de pression de temps.
En matière d'ouvertures, Népo joue souvent 1.e4 lorsqu'il a les blancs (Ruy Lopez, écossaise, défense sicilienne...) mais fréquemment aussi l'ouverture anglaise.
Lorsqu'il a les noirs, sa préférence va nettement à la défense sicilienne, dont il est un grand spécialiste. Contre 1.d4, il joue assez souvent la Grünfeld ou la défense indienne du roi. Contre 1.e4, ce sera le plus souvent la défense française.


L'héritier de l'école russe

Les russes aiment l'épique et Nepomniachtchi le leur en donne. Il est le digne héritier de l'école russe, qui commence avec Tchigorine. Son style très combatif et son esprit sportif en font un joueur très populaire dans son pays mais aussi dans le reste du monde. Certes, Magnus Carlsen est plus fort. Le retrait du norvégien de la compétition mondiale - sans doute provisoire - lui a laissé une chance de conquérir le titre mondial ; mais il lui en aurait fallu une autre pour battre Liren Ding. Cela s'est joué à peu de chose. Mais Népo n'a que 32 ans au moment où ces lignes sont écrites. Il n'a sans doute pas encore dit son dernier mot.


Jouer contre une simulation de Ian Nepomniachtchi ?

C'est maintenant possible puisque j'ai développé un profil "Nepo" pour Rodent IV. Par chance, le grand maître russe est l'un des rares joueurs de l'élite mondiale à offrir un jeu aussi offensif. La simulation est accompagnée d'une collection de bibliothèques guide, construites avec 5800 de ses parties (comprenant les 14 parties du championnat du monde). Voir "Nepomniachtchi pour Rodent IV".


En savoir plus sur Nepomniachtchi ?

Népo sur Wikipédia (en français)


Népo sur Wikipédia (en anglais)

Nepomiachtchi Top Chess Players de Chess.com : biographie, cinq parties commentées, ouvertures préférées et sélection de 2855 parties.




Liren Ding

King Liren



Liren Ding est né en 1992 à Wenzhou, en Chine. Meilleur joueur chinois et depuis 2018 deuxième ou troisième joueur mondial par le classement Elo, il est également depuis avril 2023 le champion du monde d'échecs en titre. C'est le premier chinois de l'histoire des échecs à atteindre ce niveau de la compétition.

Liren Ding, qui a trente ans au moment de la rédaction de ces lignes, est natif de Wenzhou, cité portuaire très active, située à 400 km au sud de Shanghaï. Il a passé sa jeunesse dans cette agglomération de neuf millions d'habitants, la seule en Chine où existe une véritable tradition des échecs - récente mais vivace. Deux championnes du monde féminines y sont nées : Xie Jun, en 1970, tenante du titre de 1991 à 1996 et de 1999 à 2001 ; et Zhu Chen, en 1997, championne du monde de 2001 à 2004.  En 1995, Xie Jun a affronté Viktor Kortchnoï dans la ville. Même si la joueuse chinoise à dû s'incliner devant le vieux champion russe, l'événement a eu localement un grand retentissement. C'est probablement ce qui a donné l'idée aux parents de Liren Ding de pousser le jeune garçon vers les échecs plutôt que vers une activité plus traditionnelle.
Les parents de Ding sont de niveau éducatif élevé. Son père est ingénieur électricien et sa mère infirmière. Mais ce ne sont pas des joueurs d'échecs - bien qu'ils connaissent un peu le jeu - et ils n'ont sans doute pas mesuré assez vite les aptitudes exceptionnelles du jeune garçon.  S'il était inscrit dans un club dès l'âge de quatre ans, ce n'est qu'à neuf ans qu'il intègre l'école d'échecs de Wenzhou et à 11 ans qu'il commence à participer à des compétitions nationales. En occident, il aurait probablement été poussé bien plus tôt vers la compétition, mais la Chine est une nation dépourvue de culture échiquéenne. Le Go et le Xiangqi y tiennent une place autrement plus importante - même si les échecs gagnent en popularité depuis une vingtaine d'années. De fait, Liren Ding et son entourage ont mis assez longtemps à comprendre qu'il avait tout pour devenir un grand professionnel. Il a suivi un cursus scolaire normal, obtenant un diplôme de droit de l'université de Pékin. Il aime aussi beaucoup la littérature. C'est une personne d'une nature timide et modeste. Il est  sensible et émotif, les larmes lui viennent facilement.  Ce n'est qu'en 2009, alors qu'il allait vers ses 17 ans, qu'après avoir remporté le championnat de Chine, il a enfin pris conscience du boulevard qui s'ouvrait devant lui.


Carrières échiquéenne

Les débuts de Liren sont bons mais pas extraordinaires. Il participe à plusieurs championnat chinois de jeunes joueurs mais termine généralement second ou troisième ; on se souvient des gagnants, rarement de ceux qui sont arrivés derrière. A l'âge de 15 ans sa côte Elo n'est que de 2300. Au même âge, un joueur comme Bobby Fischer écrasait tous les grands maîtres de son pays. La révélation a lieu en 2009, lorsque Ding remporte le championnat national chinois avec 8,5 points sur 11 possibles.  Une petite ombre plane encore toutefois sur cet événement. Un joueur chinois plus âgé, Wang Hao, classé 200 points Elo au dessus de Liren, avait un 1/2 point d'avance sur lui. Mais il a commis l'erreur d'arriver en retard à son match et a été déclaré forfait, permettant au futur champion du monde d'empocher le titre.  Sans cela, tout aurait peut être été très différent. Car c'est cette victoire qui a permis à Liren Ding de prendre conscience de ses capacités. Il n'a plus lâché prise, remportant facilement à nouveau le championnat national les années suivantes. Il obtient la norme de GMI et sa carrière devient internationale. Il avance, mais encore discrètement : une participation éclair à la Coupe du monde 2011 (il ne passe pas le premier tour), une modeste neuvième place au Mémorial Alekhine de Paris en 2013, une quatrième place au départage au festival de Bienne de 2013... Ding cherche encore son rythme.
De 2014 à 2018 il brille durant les épreuves olympiques : médaille de bronze individuelle au second échiquier,  en 2014, champion du monde par équipe au premier échiquier en 2015, médaille d'or individuelle au premier échiquier en 2018...


Ascension vers le titre mondial

Il joue beaucoup et entre dès 2015 dans le Top 10 mondial avec un classement Elo de 2770. Les premières grandes victoires arrivent. Il remporte l'Open Aeroflot de Moscou en blitz et le tournoi de Shanghaï en 2016 ; le tournoi d'échecs de Shenzhen et le Corus A de Wijk aan Zee, en 2017 ; le tournoi de Bienne, en 2019... Ces résultats lui ouvrent la porte de la Coupe du monde 2017, dont il gravit les échelons pour perdre en finale contre Levon Aronian, au départage. Sa performance lui permet néanmoins d'être le premier chinois sélectionné pour la course au titre mondial, en 2018. Il finit quatrième des huit participants. Un bon début. S'enchaîne alors la fameuse série des 100 parties classiques sans aucune défaite, entre août 2017 et novembre 2018, un record jamais vu à l'époque.  
En 2019 il remporte la Coupe Sinquefield et le Grand Chess Tour. Qualifié pour la Coupe du monde 2019, il arrive encore en finale pour perdre contre Teimour Radjabov, une fois de plus au bris d'égalité. Mais son classement Elo dépasse les 2800 points. Il est donc toujours dans la course au titre mondial. Lors du tournoi des candidats 2020, perturbé par l'épidémie de Covid-19, il obtient une honorable cinquième-sixième place...  



Il décroche enfin le titre mondial en 2023, grâce tout de même à deux événements externes inattendus : le retrait forcé de Sergueï Kariakine, ukrainien de Crimée, sanctionné pour son soutien à l'invasion de l'Ukraine par la Russie ; et l'abandon de Magnus Carlsen, qui n'a pas souhaité défendre son titre. Les résultats de Liren - perturbés par les mesures anti-Covid en Chine - ne lui auraient pas permis d'accéder au tournoi des candidats sans le retrait de Kariakine. Il a été finalement sélectionné sur la base de son rang de troisième joueur mondial par le classement Elo.
Par ailleurs, terminant second du tournoi des candidats derrière Népomniachtchi, il n'aurait pu affronter le russe en finale du championnat du monde sans le retrait de Carlsen.
Au rang des bémols, on ne peut ignorer non plus que l'absence de Carlsen, statue écrasante jamais déboulonnée, dévalorise quelque peu sa victoire. D'aucuns estiment que ni Népo ni Liren n'auraient pu vaincre le norvégien s'il ne s'était pas opportunément retiré.
Néanmoins, tous les observateurs s'accordent à dire que ce championnat a été de grande qualité, loin des batailles de tranchées et des ribambelles de parties nulles qui sont trop souvent le lot des compétitions de plus haut niveau. Au terme des 14 parties classiques, il y avait égalité : +3 -3 =8. Ding a remporté le titre à la quatrième partie rapide de départage, alors qu'il avait les noirs...


Style : attaquant positionnel

Comme tous les grands joueurs contemporains, Liren Ding est un joueur complet maîtrisant tous les compartiments du jeu. Son style n'est donc pas facile à saisir. Il peut faire preuve d'un jeu tactique et très offensif mais est plutôt considéré comme un défenseur. On évoque souvent une ressemblance avec Petrossian, mais il est davantage un attaquant positionnel comparable à Karpov ou à Magnus Carlsen.
De Petrossian il a la parfaite maîtrise de la défense. Comme lui, il est capable de déceler très vite les manouvres offensives de ses adversaires et de se mouvoir pour déjouer leurs plans. Il a également le même sens aigu du sacrifice utile. On le verra souvent sacrifier lourdement pour un gain positionnel. D'une manière générale, son consentement à l'échange est élevée.  
De Karpov et Carlsen, il possède l'aptitude d'évaluer avec une précision extrême la qualité d'une position, ce qui lui permet de déployer un jeu d'une solidité positionnelle hors du commun. Comme eux, il a une préférence pour les affrontements calmes et stratégiques plutôt que pour les escarmouches tranchantes et tactiques. Ce qui ne l'empêche pas d'exercer une forte pression offensive sur les pièces adverses et, si l'occasion se  présente, de passer à l'attaque frontale.
En matière d'ouvertures, il utilise souvent l'indienne du roi, l'ouverture anglaise et l'ouverture catalane avec les blancs ; avec les noirs, sa préférence va à diverses variantes de la défense Morphy face à 1. e4 et à la défense nimzo-indienne face à 1. d4.


Jouer contre une simulation de Ding ?

Aucune simulation de Liren Ding n'était disponible, j'en ai donc créée une pour Rodent IV. J'ai retenu le style "attaquant positionnel" le plus courant mais quelques subterfuges permettront au moteur de faire surgir de temps à autre un jeu plus tranchant. Plus de 3700 parties du champion chinois m'ont permis de créer trois bonnes bibliothèques d'ouvertures guides. Voir : "Liren Ding pour Rodent IV".



En savoir plus sur Liren Ding ?

Biographie de Ding sur Wikipédia

Liren Ding sur Chess.com : article biographique intéressant mais qui ne fait toujours pas état du titre de champion du monde du joueur chinois, cinq mois après sa victoire contre Népo à Astana. Etonnant de la part du site d'échecs le plus fréquenté au monde...


Liren Ding sur Britannica


 
 
 
 
 
 
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